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Ces scènes, saisissantes, sont devenues courantes depuis le début de l’épidémie : des files d’attente de plusieurs dizaines de mètres devant les locaux d’associations d’aide alimentaire, contraintes d’organiser des distributions dédiées aux jeunes. Face à cette situation, la grande distribution a multiplié les initiatives ces dernières semaines pour se porter au chevet de cette jeunesse plongée dans la précarité sous l’effet de la crise sanitaire.
Chez Intermarché, plus de 30 000 étudiants se sont vu offrir un bon d’achat de 10 € dès 20 € dépensés entre le 2 et le 8 février, sur présentation de la carte de fidélité. L’opération, relayée par une vaste campagne publicitaire, sera renouvelée la première semaine de mars.
Casino, de son côté, a organisé une collecte en faveur des Banques alimentaires dans ses 400 supers et hypermarchés. Si cette initiative mettait uniquement ses clients à contribution, « nous participons aussi à l’effort en offrant 10 % de réduction aux étudiants sur les produits Casino via l’application Casino Max jusqu’à la fin de l’année universitaire », tient à souligner Melek Kocabicak, directrice communication et RSE des enseignes Casino en France. Soucieux de s’inscrire, eux aussi, dans cet élan de solidarité, Carrefour et Système U préparent leurs opérations nationales, et Auchan vient d'annoncer la sienne - un bon d'achat de 10 € pour 20 € dépensés - ce vendredi 19 février.
Quant aux centres E. Leclerc, leur président, Michel-Édouard Leclerc, s’en est pour l’heure tenu à annoncer, le 4 février, le lancement d’un panier étudiant coûtant « peut-être moins » de 2 ou 3 €. Une annonce sans traduction concrète pour l’instant.
Report sur le hard discount
À l’échelle locale, de nombreux magasins n’ont pas attendu ces dispositifs pour se mobiliser, notamment en fournissant des produits de première nécessité à des associations étudiantes. Parmi eux, les hypermarchés Carrefour de Chambourcy et Carré Sénart ou les Super U de Dijon, Mulhouse et du 6e arrondissement de Lyon.
Les raisons de cette détresse sont connues. Nombre de jeunes ont vu leurs revenus – déjà modestes en temps normal – coupés net par les mesures sanitaires. Les étudiants sont touchés en premier lieu, alors que près de la moitié disent devoir travailler pour subvenir à leurs besoins. Arrêt des missions d’intérim dans l’événementiel ou le tourisme, fin des extras dans les restaurants ou les bars, baby-sitting et « petits jobs » dans les cinémas et théâtres disparus… À cela s’ajoutent les difficultés à trouver un stage ou une alternance dans de nombreux secteurs fragilisés par la crise. « On parle beaucoup des étudiants mais il y a aussi les jeunes qui ne trouvent pas de premier emploi ou qui viennent de perdre leur travail », rappelle Laurence Champier, directrice générale des Banques alimentaires.
Parmi les 15-30 ans ayant subi les effets de cette crise, un jeune sur deux a vu son pouvoir d’achat baisser, et plus du tiers a perdu son emploi ou a de grandes difficultés à l’exercer, selon un sondage Odoxa publié le 19 janvier. « C’est le public qui a fait le plus progresser les enseignes de hard-discount et les MDD économiques en 2020 », illustre Lydia Rabine, strategic insight manager chez Kantar.
Soutenir le budget de ces jeunes consommateurs
Au-delà de l’urgence, réelle, d’apporter un soutien à ces jeunes, l’enjeu n’est pas anodin pour les distributeurs. Selon une étude menée en 2019 par Ipsos pour l’Observatoire E. Leclerc des nouvelles consommations, 85 % des étudiants remplissent leurs paniers en supers et hypermarchés, jugés moins chers. Les millennials (25-35 ans), eux, pèsent 18 % des dépenses de PGC-FLS et 12 % des produits frais trad, d’après Kantar.
Les circuits de proximité seront-ils les premiers touchés si le budget de ces jeunes consommateurs continue de chuter ? « Pour l’instant, on n’a pas constaté de grands changements de comportements, note Thomas Pocher, adhérent E. Leclerc à Lille, qui estime que deux clients sur trois dans ses trois drives piéton ont moins de 30 ans. Ils ont déjà, en temps normal, un petit pouvoir d’achat et sont dans une économie de la débrouille qui s’amplifie évidemment aujourd’hui. »
Un public qui cuisine peu
La fermeture des restaurants universitaires – désormais en cours de réouverture – a, de fait, poussé vers les grandes surfaces un public peu habitué à cuisiner. « C’est une opportunité pour les capter en GSA, alors qu’ils sont habituellement plus portés sur la consommation hors domicile », relève Lydia Rabine. Plus du quart des moins de 35 ans sans enfant disent acheter davantage de produits bruts, selon Nielsen. Une tendance constatée par Picard qui, grâce notamment à 300 références à moins de 3 €, affirme compter une part importante d’étudiants et de jeunes actifs parmi les 500 000 clients gagnés en 2020. L’enseigne a d’ailleurs, elle aussi, déployé une collecte de dons en partenariat avec un syndicat étudiant.
Une chose est sûre, à moyen terme, toutes ces attentions ne peuvent être que bénéfiques aux distributeurs, car cette clientèle est très volatile. Les 18-34 ans sont, en effet, 21 % de plus que la moyenne à se dire tout à fait prêts à changer d’enseigne, selon une enquête réalisée par Heroiks fin 2019.
- Parmi les 15-30 ans ayant subi les effets de la crise, 52 % ont vu leur pouvoir d’achat baisser et 34 % ont perdu leur emploi ou ont de grandes difficultés à l’exercer
- Les 25-35 ans pèsent 18 % des dépenses de PGC-FLS et 12 % des produits frais trad
- 26 % des moins de 35 ans sans enfant disent acheter davantage de produits bruts depuis le début de l’épidémie, 18 % des packs plus gros
