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« La loi sur les drives est antiéconomique »
Le drive est devenu vital pour la grande distribution ! Auchan Drive et Chronodrive ont décidé de se battre pour le faire savoir, alors que le gouvernement s'apprête à encadrer cette invention « made in France » et peut-être à la taxer. « Une ineptie », dénonce Jean-Philippe Grabowski, directeur général de Chronodrive. Avec une cinquantaine d'ouvertures par an sur ses deux enseignes, le groupe Auchan vise 250 drives a minima à plus en cinq ans. Soit 2 000 créations d'emplois par an. Selon nos informations, le drive représenterait près de 80% de la croissance d'Auchan. Rien qu'au premier semestre, il y a eu 24 ouvertures et 23 supplémentaires avant la fin de l'année, dont 11 Chronodrive. Surtout Auchan croit au « véritable » drive. Des surfaces d'au moins 1 400 m2 d'entrepôt avec vingt employés. « Sur ce que nous appelons les vrais drives, chacun a son modèle économique. Mais ils ont vocation à être tous rentables », explique Vincent Mignot, directeur général d'Auchan France. En revanche, à l'autre bout du spectre, il promet des lendemains difficiles aux petits drives, voire aux points de retraits piétons. À suivre...
PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-BAPTISTE DUVAL ET JÉRÔME PARIGI
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PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-BAPTISTE DUVAL ET JÉRÔME PARIGI
LSA - Le projet de réglementation des drives doit être présenté au Sénat le 10 septembre. Qu'en attendez-vous ?
V. M. - Nous craignions la soumission aux CDAC. Cela implique de grosses lourdeurs administratives. Ce n'est déjà pas simple d'ouvrir
un drive à cause des permis de construire. Quand on voit qu'il faut cinq à dix ans pour ouvrir un hypermarché, avec les passages en commissions et en sous-commissions, on se projette forcément...
Les 5 points clés
- L'encadrement des ouvertures en CDAC ralentira l'essor du format
- Une taxation favoriserait les drives piétons, moins rentables
- Auchan croit au « vrai » drive quitte à investir 2 à 3 millions d'euros pour chacun
- Le groupe vise 50 ouvertures par an
- L'expansion internationale du concept est à l'étude
J.-P. G. - Nous avons planifié un rythme d'ouverture de 25 à 30 drives par an. Entre nos deux enseignes, cela en fait une cinquantaine. Multipliez par 40 employés en moyenne et on atteint 2 000 créations d'emplois par an. Si on légifère sur les implantations des drives, cela changerait nos équilibres économiques.
V. M. - Cela représente 100 millions d'euros d'investissement local par an ! Ce n'est pas rien.
LSA - Sylvia Pinel portait le dossier jusqu'en juillet, avant qu'il ne soit repris par Cécile Duflot. Bonne ou mauvaise nouvelle ?
V. M. - Il n'y a pas vraiment de changement de ministre. Début juillet, nous avions sollicité Sylvia Pinel, puis entrepris des démarches auprès de Cécile Duflot puisque les dispositions sur le drive doivent être intégrées dans son projet de loi sur l'urbanisme, et nous continuons à chercher le dialogue. En attendant, nous avons sensibilisé le terrain, les directeurs de magasins et de drive, pour qu'ils aillent voir leurs élus locaux. S'il y a réglementation, nous utiliserons tous les recours possibles, juridiques et populaires.
Ce projet de loi est incohérent. Le drive n'est pas un lieu de vente. On taxerait donc nos entrepôts mais pas ceux des autres ? C'est de la distorsion de concurrence. Et si demain Amazon développe en France son service de livraison alimentaire à domicile ? Qu'est-ce qu'on fait ? Mon rôle de dirigeant est de penser au coup d'après.
LSA - Est-ce que vous avez déjà modifié vos plans d'expansion en conséquence ?
J.-P. G. - À ce stade, non. Il faut encore voir les modalités de la réglementation, comment est définie l'aire commerciale. Est-ce la surface des entrepôts ? Les quais de chargement ? Cela peut influencer la conception physique des drives. Cette loi est une ineptie dans l'approche du business. Elle va faire la part belle au modèle le moins performant, le drive piéton. Elle est antiéconomique.
LSA - Votre objectif d'atteindre un parc de 300 drives en cinq ans tient-il encore ?
V. M - À la fin de l'année, on prévoit 1,07 milliard d'euros pour plus de 160 drives. Si on tient le même rythme d'expansion qu'aujourd'hui, cela fera encore 250 drives de plus dans cinq ans.
LSA - Rien qu'au premier semestre, les drives Leclerc étaient à 670 millions d'euros. Vous prétendez pourtant être leader du marché...
J.-P. G. - Tout dépend de ce que l'on prend en compte dans l'évaluation de ce marché, si l'on intègre tous les minidrives piétons, les simples points de retraits, ou non... Il faut faire attention à ne pas comparer tout et n'importe quoi, un simple emplacement de réception avec un Auchan Drive qui fait 10 millions d'euros.
V. M. - Nos drives ont en moyenne 1 400 mètres carrés d'entrepôt avec 20 à 80 salariés, pour un investissement moyen de 3 millions d'euros. Si on prend le marché du véritable drive, Auchan Drive et Chronodrive tiennent largement le leadership. Mais ce qui nous intéresse surtout c'est le leadership qualitatif, aux yeux de nos clients.
J.-P. G. - Il n'y pas de panéliste pour évaluer cela. Mais quand on sait que Auchan Drive, Chronodrive et Leclerc Drive représentent 95% du parc des « purs drives », et que tous les Leclerc ne sont pas des vrais drives, on peut estimer ce marché à moins de 2 milliards d'euros aujourd'hui.
LSA - Est-ce qu'il y a encore beaucoup de potentiel pour ces « vrais » drives ?
V. M. - Oui, car c'est devenu un service attendu par les clients. La quasi-totalité de nos hypers en seront dotés. Pour 2014, nous avons 75% de nos projets qui sont actés, avec obtention du permis de construire.
LSA - Comment répartissez-vous les rôles entre Chronodrive et Auchan Drive ?
V. M. - Il y a une concurrence au sein même du groupe entre les deux enseignes. On se « tire la bourre » et c'est sain. Le groupe a fait le choix de faire vivre ce modèle sous deux marques : Auchan Drive porte la marque Auchan et participe de sa politique cross-canal sur nos zones de chalandises naturelles. Chronodrive n'a pas la même stratégie commerciale ou d'implantation. Il est présent dans de nombreux endroits où nous n'avons pas d'hypermarchés.
Carte d'identité AUCHAN DRIVE
Inventeur du concept en 2000, à Leers (59), Auchan a d'abord baptisé ce système de retrait des achats « Volume Express ». Un nom qui montre bien sa volonté de le destiner aux produits pondéreux. Le deuxième n'ouvrira qu'en 2006.
- 81 magasins en France
- 11 ouvertures avant la fin de l'année
- 600 millions d'euros de chiffre d'affaires
- 7 millions de commandes préparées par an
- 8 000 références en moyenne
- 70% de clientèle féminine
Source : Auchan, prévisions 2013
J.-P. G. - Ça ne nous interdit pas d'être intelligents et, si nos politiques tarifaires commerciales et promotionnelles sont indépendantes, de collaborer sur un certain nombre de points clés. Il y a une mutualisation sur le back office, l'informatique, et on se tient au courant sur les dossiers immobiliers. Quant aux achats, il y a des synergies depuis toujours, notre centrale c'est Eurochan. Et si nous appuyons sur la logistique de Simply Market, c'est parce qu'elle nous permet d'aller à l'assaut de toutes les villes de France.
V. M. - Alors que pour Auchan, nos camions ont juste à donner un coup de volant supplémentaire pour livrer nos drives en même temps que nos hypers.
LSA -Vous avez déjà évoqué le potentiel « champion mondial » que vous pourriez devenir sur le drive. Où est-ce que vous en êtes de son internationalisation ?
J.-P. G. - Depuis notre premier drive, nous avons beaucoup été observés par nos concurrents français, mais aussi étrangers. Nous avons eu beaucoup d'échanges avec eux. Le modèle français de l'hypermarché a en son temps essaimé dans le monde entier, aujourd'hui le drive suscite beaucoup d'intérêt dans le cadre des stratégies cross-canal. Tesco et Asda travaillent déjà sur des services « click and collect ».
V. M. - Il y a un véritable savoir-faire à la française sur lequel il serait idiot de ne pas s'appuyer.
LSA - Est-ce que vous menez des tests en Russie ou en Pologne ?
V. M. - Le drive est un modèle d'achat qui dépend de la maturité du consommateur en matière de commerce électronique et de besoin de services. En Russie, le taux d'équipement est tel que les clients veulent aller dans des magasins traditionnels pour voir, toucher les produits. C'est encore un peu tôt pour les drives.
LSA - Que pensez-vous des lockers anglo-saxons, ces casiers à consigne, parfois réfrigérés, où l'on vient récupérer ses courses ?
J. - P. G. - Nous regardons tout ce qui se fait. Mais quand il faut stocker 1 000 commandes pour passer un samedi, est-ce qu'il faut 1 000 casiers réfrigérés ? Cela me paraît compliqué. On regarde aussi les dernières avancées sur la mécanisation, mais il ne faut pas s'emballer.
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Le modèle français de l'hypermarché a en son temps essaimé dans le monde entier, aujourd'hui le drive suscite beaucoup d'intérêt.
JEAN-PHILIPPE GRABOWSKI, directeur général de Chronodrive
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LSA - Quel est votre niveau de rentabilité ? Certains distributeurs disent être en perte de vitesse, d'autres parlent de rentabilité équivalente à celle d'un hyper...
V. M. - Sur ce que nous appelons les vrais drives, chacun a son modèle économique. Mais ils ont vocation à être tous rentables. Il faut
chronodrive bien choisir ses sites, cela nous est arrivé d'en fermer. Mais c'est sûr que sur les 2 500 drives de France, il va y avoir des secousses ! De notre côté, avec un investissement moyen de 2 à 3 millions d'euros et environ 50 salariés concernés à chaque fois en moyenne, nous faisons des études sérieuses. Nous croyons au potentiel français. D'où notre coup de gueule !
Carte d'identitéCHRONODRIVE
Ludovic Duprez et Martin Toulemonde lancent en 2004, à Marcq-en-Baroeul (59), l'enseigne Chronodrive en partenariat avec Auchan. Ce pure player offre aux clients de commander leurs courses en ligne avant de venir les retirer.
- 62 Chronodrive en France
- 11 ouvertures avant la fin d'année 470 millions d'euros de chiffre d'affaires
- 5,9 millions de commandes préparées par an Entre 8 000 à 10 000 références
- 63% de clientèle féminine
Source : Chronodrive, prévisions 2013
J.-P. G. - Nous n'allons pas dupliquer un modèle non rentable. Les marges sont tendues, assez semblables à celles d'un hypermarché, cela reste de la distribution alimentaire, mais quand cela marche bien...
LSA -Avec le recul, quelles sont selon vous les clés pour réussir un drive, et les axes d'amélioration ?
J.-P. G. - La priorité, c'est la promesse client. Une livraison en moins de cinq minutes, un taux de disponibilité des produits le plus proche possible de 100%, et une offre la plus adaptée, avec des produits locaux. Il faut qu'on s'améliore aussi sur des rayons comme la boulangerie, la poissonnerie... Le client veut qu'on lui facilite la vie. Après il y a aussi la productivité du personnel qui passe par une bonne organisation du travail.
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