La méthode anticrise de Carrefour Espagne
Troisième pays du groupe, Carrefour Espagne est dirigé depuis un an par un manager aux méthodes originales, Rami Baitiéh, qui a joué un rôle clé durant la crise du Covid-19. LSA retrace son action, son parcours et se penche, dans une interview exclusive, sur la façon dont ses 51 000 collaborateurs et lui ont fait front.
Jérôme Parigi
\ 07h55
Jérôme Parigi
- 9,7 Mrds € de chiffre d’affaires
- 51 000 salariés
- 1 070 magasins (205 hypers dont 8 franchisés, 111 Market, 391 Express, 438 Express Cepsa, 25 Supeco)
Depuis le début de la crise du Covid-19, chaque jour entre 18 et 20 heures, Rami Baitiéh, le directeur exécutif de Carrefour Espagne, préside une réunion en visioconférence à laquelle participent une centaine de cadres de l’entreprise, baptisée Es Ahora (« c’est maintenant »). Toutes les questions sont évoquées très directement, sans rapport hiérarchique, avec le comex et les directeurs de département les plus concernés. Deux opérationnels sont aussi conviés quotidiennement pour témoigner. « Dès le premier jour, j’ai invité une quarantaine de personnes pour éviter de perdre du temps dans les transmissions de directives et dans les remontées d’informations », explique Rami Baitiéh.
La réunion du mardi 26 mai, à laquelle nous sommes discrètement invités, débute sur la grande nouvelle du jour : la « réception » par le roi et la reine d’Espagne, le matin même en visioconférence, de la direction de Carrefour, accompagnée d’une caissière et d’un directeur de magasin. Prévue sur une petite demi-heure, l’entrevue durera finalement cinquante minutes, le couple royal discutant longuement avec les salariés de terrain… Une grande fierté pour le patron de Carrefour Espagne, seule enseigne du pays, avec Mercadona, reçue au Palais depuis le début de la crise. De quoi souligner le rôle clé joué par ses 51 000 collaborateurs pour sécuriser les plus de 1 000 magasins espagnols, rassurer les clients, mais aussi le caractère 100 % espagnol d’une entreprise qui compte seulement cinq Français dans ses rangs, directeur exécutif compris.
La séquence se termine par une salve d’applaudissements de la soixantaine de cadres présents, avant de revenir à l’ordre du jour habituel : point sur la pandémie, les collaborateurs malades (auxquels le directeur général envoie un courrier personnel pour les assurer de son soutien), l’absentéisme, les taux de service et enfin le fameux « 5-5-5 » (prononcez cinq, cinq, cinq), une méthode étrennée par Rami Baitiéh à Taïwan, où il était directeur exécutif, après l’avoir testée en Turquie.
Théoricien du 5-5-5
Le principe ? Appuyer la conduite de l’entreprise sur les 15 points de la relation et de la satisfaction client sur lesquels elle doit concentrer ses efforts, en affichant des promesses et des garanties fortes, comme le remboursement immédiat et sans limite de temps des produits non alimentaires (la règle du « siempre si », dire « toujours oui » au client) ou du double de la différence en cas d’erreur de prix, etc. Justement, en cette fin d’après-midi, on procède au « débrief » sans concession de deux magasins montrés du doigt sur les réseaux sociaux. Jusqu’ici très consensuel, le directeur exécutif se fait plus directif. « Si je lâche sur la satisfaction, je renonce au principal avantage de l’hyper. Pas de négociation possible là-dessus », tranche Rami Baitiéh.
À 49 ans, ce diplômé de l’ESC de Compiègne a vu du pays depuis ses débuts chez Carrefour, en 1994. Six différents.
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