
Lorsqu'une caractéristique s'observe dans plusieurs domaines, on parle de tendance. Quand elle se multiplie et se retrouve presque partout,
on parle de phénomène. Ainsi peut-on qualifier le « à poêler » comme le phénomène alimentaire du moment.
97.4%
Le taux de pénétration des pâtes, à + 5,6% en volume sur les dix dernières années.
12,7 kgLa consommation par an et par habitant
12Les actes d'achat par an et par foyer Source : Nielsen à fin 2011, origine : fabricants
Après les gnocchis en 2005 sont arrivés le couscous, puis, en 2010, les pommes de terre noisette au frais, le riz... Les pâtes s'y mettent aujourd'hui avec Panzani et Rivoire&Carret. Fini l'eau trouble, place au doux crépitement. Et ce n'est pas sans raison que la casserole se voit reléguée au fond des placards. La poêle répond à de nombreuses attentes des consommateurs et rassemble plusieurs bénéfices en un. À chaque fois qu'elle débarque en rayon, elle dynamise la catégorie. Après six ans d'existence, les gnocchis à poêler représentent désormais 40% du segment. En s'attaquant aux pâtes, la tendance touche désormais à l'un des grands classiques du repas.
Au coeur de l'action
« Les plats à poêler revêtent un aspect gourmand et ludique, explique Loïc Maujean, chef de groupe Pâtes pour Panzani. Car chacun peut
inventer et ajouter ce qu'il désire dans sa poêle, faire preuve d'imagination. » Ne plus suivre ce qu'on lui dit et redevenir chez lui le magister de ses casseroles, le consommateur aime ça. Le succès des émissions culinaires à la télévision ne trompe pas. Les Français reprennent goût à la cuisine. « Ils se réapproprient cette activité, analyse Jean-Marc Juillet, directeur marketing de Pastacorp. Chacun veut être son propre chef et expérimenter ses recettes. »
LA TENDANCE
- Issue du frais, la tendance des produits à poêler s'est traduite par des succès pour quasiment tous les plats qui s'y sont jetés. Aux Gnocchis à poêler, lancés en 2005 ont succédé le couscous, et le riz. Et à chaque fois, la poêle a permis de redynamiser les catégories sur des marchés très matures.
Partir d'une base et la faire évoluer. Inventer, être créatif. « Avec la poêle, il est libre d'assaisonner comme il le désire », ajoute Jean-Michel Juillet. Cet instrument culinaire multiplie les possibilités comme le fait le wok. Il devient une tendance sociale plaçant le consommateur au coeur de l'action. Cette idée était préconisée en 2011 par le cabinet de prospection Peclers, dans son étude Futur(s) dévoilée chaque année. L'agence recommandait aux industriels pour leurs prochaines innovations un « retour à la matérialité ». Il s'agit de
valoriser le consommateur en le laissant « faire les choses ». Lui permettre de laisser une trace dans sa vie et dans sa consommation. Il est désormais « consomm'acteur », non pas au sens d'engagement politique, mais personnel.
Deux cibles pour un grand classique des repas
Panzani et Rivoire & Carret (Pastacorp et Lustucru) arrivent en même temps dans les rayons en s'emparant de la tendance de la poêle. Si les produits restent destinés à un large public, les deux marques visent de préférence deux cibles distinctes. Plutôt familiale pour Panzani avec trois références (coquillettes, torti et pennes). Tandis que Rivoire & Carret cible des consommateurs plus adultes, qui souhaitent des plats plus élaborés avec ses torsettes et farfalles. Les pâtes à poêler sont proposées au PVC de 1,39€ pour Rivoire & Carret, et 1,30€ pour Panzani.
La cuisine devient un acte porteur de personnalité et d'affirmation de soi. Le à-poêler entre pleinement dans cette mouvance. En variant les ingrédients ajoutés dans la poêle et en les observant dorer à feu doux, le consommateur imprime ses goûts, valorise ses choix. En outre, en reprenant le contrôle de ce qu'il ingurgite, il s'inscrit dans le manger sain. « Le consommateur peut varier souvent ses menus, plus facilement », décrit Loïc Maujean. Plus facilement justement.
Praticité et plaisir, les deux principes de l'innovation
Car c'est ici le coeur du succès de la tendance. La personnalisation des plats n'est pas une nouveauté et les Français ne se transformeront pas en maîtres des fourneaux grâce à une simple poêle. Non, si la tendance fonctionne, c'est parce qu'en son coeur résident les deux principes basiques de toute innovation : praticité et plaisir. « L'un des freins à la consommation des pâtes, c'est le fait de les égoutter », assure Jean-Marc Juillet. La poêle a le mérite de supprimer la passoire ! Plus simple, plus pratique, plus rapide, elle a indéniablement de l'avenir. Quant à l'hédonisme, « les trois quarts des Français cuisinent pour le plaisir », ajoute le responsable. Il est en effet plus
divertissant de voir ses pâtes grésiller sur le feu que d'observer passivement l'eau se ternir dans la casserole. Le goût est par ailleurs différent. « Les pâtes sont plus fondantes, plus moelleuses », précise Loïc Maujean. C'est d'ailleurs le premier objectif de Panzani et de Rivoire & Carret. En aucun cas il ne s'agit de remplacer les pâtes existantes par un autre mode de cuisson, mais bel et bien « d'apporter une alternative gourmande et savoureuse », assure Loïc Maujean, sur un produit des plus classiques.
Quand la poêle fait décoller le riz
En 2011, le riz à poêler a contribué à hauteur de 15% à la croissance en volume des riz, et à 35% de sa croissance valeur. Au total dans la catégorie, un achat additionnel sur deux s'est effectué sur les gammes de produits « à poêler ».
Simple à cuire, difficile à élaborer
Reste qu'arriver à un tel résultat n'est pas forcément chose aisée. Un produit qui simplifie la vie des consommateurs complexifie en général celle des ingénieurs. Les pâtes à poêler restent des pâtes sèches. C'est-à-dire avec le même potentiel de conservation, et surtout le même degré d'humidité inférieur à 13%, à la différence des pâtes fraîches. Sacré casse-tête que la mise au point de la recette ! « Les pâtes doivent absorber la juste quantité d'eau rapidement », précise Loïc Maujean. Et le problème avec le à-poêler, c'est que le feu utilisé devient une variable. Quand il s'agit de cuire à la casserole, la température est sensiblement la même : celle de l'eau qui boue. Tandis qu'à la poêle, en fonction des cuisinières, des poêles, des habitudes de chacun, la température varie à chaque fois. « Il fallait créer une recette qui fonctionne dans un large éventail de températures différentes. » Sans pour autant trop cuire la pâte, mais juste assez pour lui permettre d'absorber l'eau.
Il en ressort donc une formule nouvelle, qui a demandé d'autre part d'adapter le processus industriel en termes d'extrusion des pâtes (ce qui donne la forme) et de séchage. Un sacré puzzle pour les ingénieurs alimentaires qui ont dû faire frire leurs méninges pour entrer un produit classique dans une tendance qui a de l'avenir.