Le jouet cherche son équilibre en ligne
Lors d'une conférence organisée par LSA avec La Revue du jouet, les acteurs du secteur ont fait le point des évolutions auxquelles est confronté le marché. Et en particulier de la poussée des ventes en lignes qui bousculent aujourd'hui les schémas classiques.
Véronique Yvernault
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Véronique Yvernault
Un affrontement par présentations Powerpoint interposées. Lors de la conférence organisée, le 26 septembre, par LSA et La Revue du jouet, les débats, entre plus de 90 participants, furent directs.
En témoigne l'intervention d'Ulric Jerome, le directeur exécutif de Pixmania : « Le prix est toujours un critère important dans l'achat en ligne. Si nous élevons nos tarifs, cela ne passera pas auprès de nos clients, d'autant que les hypers bastonnent sur le jouet, utilisé comme un produit d'appel. »
Argument confirmé par Paul Noël, responsable du bazar chez Intermarché : « Le jouet est pour nous un levier de chiffre d'affaires et une vitrine. Nous n'avons pas pour vocation de couvrir 100% des besoins, mais de répondre à la demande et de profiter du fait que le client soit en magasin pour accroître son panier. Nous savons travailler le prix et nous continuerons à le faire, quel que soit le canal ! » Un avertissement sans frais adressé aux spécialistes, qui montre à quel point la guerre s'est durcie.
Des clients multicanal
« Le marché du jouet revit ce que les commerçants ont vécu à l'arrivée des premiers hypermarchés : une évolution porteuse d'opportunités, mais aussi de risques », analyse Bruno Bérard, directeur général de Playmobil. Tous, cependant, ont compris la porosité entre les circuits. « Les clients sont déjà multicanal », résume Marianne Bouillon, directrice de l'univers enfant à la Fnac, qui a ouvert 27 espaces enfant dans ses magasins en 2012. Côté fabricants, internet est davantage vu comme un nouveau terrain de jeu. Si certains, tel Lego, se sont lancés dans la vente en direct, la plupart appréhendent le web comme une vitrine et, surtout, une autre manière d'approcher leurs clients.
Les spécialistes y voient un moyen d'offrir de nouveaux services à leurs clients. Chez Toys ' R ' Us, place à l'omnicanal. « Nous innoverons l'an prochain sur le créneau des market places et du mobile », détaille Gilles Mollard, directeur général de Toys ' R ' Us. Gare, cependant, à adapter sa logistique : « Au début, nous gérions les ventes en ligne depuis le même entrepôt que nos approvisionnements magasins. Ce n'est plus le cas, car les volumes sont trop différents », explique Philippe Gueydon, le président de King Jouet. Il a aussi mis l'accent sur les bornes, qui équipent une trentaine de magasins : « Le drive ne marchera dans le jouet que s'il passe par d'autres canaux qu'internet. Ce n'est pas le même modèle qu'en alimentaire. »
« L'ambiance féerique »
Une logique partagée par JouéClub, qui s'est mis au drive dès 2011 et le proposera dans 40 magasins pour cette fin d'année. « En jouet, le drive est davantage de la réservation : les clients viennent ensuite chercher leurs achats en magasin », expose Alain Bourgeois-Muller, président du groupement. Celui-ci mise sur ses points de vente physiques : « Devant l'essor du web, les magasins doivent retrouver l'ambiance féerique des commerces de jouets d'antan ! »
Car il y a un point sur lequel distributeurs « traditionnels » et pure players sont d'accord. « Il y aura toujours des gens qui achèteront leurs jouets en magasins », martèle Ulric Jerome. C'est probablement pour cette raison que Pixmania a ouvert des points relais, puis des magasins en dur, et en compte aujourd'hui plus d'une vingtaine. Porosité des circuits avez-vous dit ?
Les chiffres
- + 53% L'évolution du poids du circuit en ligne en 2011, versus 2010
Source : NPD Group
- 10% La part des ventes en jouets réalisées sur internet en 2011
Source : NPD Group
LES ENJEUX
- Internet bouscule les acteurs du jouet, qui ont débattu lors d'une conférence organisée le 26 septembre par LSA et La Revue du jouet.
LES RISQUES
- Une concurrence accrue et agressive sur les prix
- Le renforcement du « showrooming » (les clients viennent voir les produits en magasins, mais achètent en ligne)
- Une logistique à repenser
LES OPPORTUNITÉS
- Le développement du multicanal pour les spécialistes
- L'essor de services innovants, telle la réservation en ligne
- La possibilité de développer des contenus et du lien avec ses clients
ILS ONT DIT
- MATTEL
" Internet permet de créer une forte interaction avec nos consommateurs pour qu'ils s'engagent davantage avec notre marque et développent une complicité avec elle. "
Camille Mounier, responsable du marketing consommateurs
- JOUÉCLUB
" Devant l'essor d'internet, les magasins doivent développer leur attractivité, avec des points de vente mieux aménagés et décorés, mais aussi des vendeurs mieux formés. Il faut retrouver l'ambiance féérique des magasins d'antan. "
Alain Bourgeois-Muller, président-directeur général
- TOYS ' R ' US FRANCE
" Notre site internet réalise, sur la fin d'année, un chiffre d'affaires le classant dans le top 3 de nos meilleurs magasins. Nous aurons dès l'an prochain des nouveautés, sur le créneau des market places et sommes déjà présent sur mobile. "
Gilles Mollard, directeur général
- PIXMANIA
" Nous avons lancé le jouet sur notre site en 2008 et avons aujourd'hui plus de 5 000 références à notre catalogue. Le prix reste un critère d'achat important. Nous essayons de développer les marques, via des boutiques notamment, mais la pression du prix reste très forte. "
Ulric Jerome, directeur général
- KING JOUET
" Notre enseigne est sur internet depuis 1999. Au début, nous avions un même entrepôt pour approvisionner nos magasins et gérer le circuit en ligne. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, car les volumes et la logistique sont trop différents entre les magasins et l'e-commerce. "
Philippe Gueydon, président-directeur général
- FNAC
" La Fnac s'est lancée depuis un an dans l'univers jeunesse, sur internet et en magasins : les clients sont eux déjà, et depuis longtemps, multicanaux. Et nous voyons se développer l'effet " ROPO " : ils font leurs recherches d'informations en ligne, mais viennent aussi acheter en magasins. "
Marianne Bouillon, directrice de l'univers enfant