Le jour où Free a tué le concept marketing de 4G
Plus que le prix fracassé, c’est la concurrence qu’a cherché à dévaloriser Free en faisant de la 4G une option presque dispensable.
FRÉDÉRIC BIANCHI
\ 11h02
FRÉDÉRIC BIANCHI
Avec Free les coups de billard sont toujours à plusiseurs bandes. Souvenons-nous du tweet de Xavier Niel de décembre 2011 "The rocket is on the launch pad", qui avait fait couler beaucoup d’encre à l’époque. Mais avec l’annonce hier du lancement des offres 4G à 19,99 euros par mois (15,99 euros pour les abonnés Freebox), le patron emblématique des nouvelles technos a encore fait un coup de Trafalgar à la concurrence. Car non content de sabrer les prix comme à son habitude, le quatrième opérateur a démoli le concept marketing même de 4G. Comment? En incluant tout bonnement l’offre 4G dans son forfait 3G de base, en en faisant une option. Free dit en substance à ses clients: "Ah au fait on vous donne la 4G pour le même prix." Soit la version télécom de la fameuse formule du boucher: "Y’en a un peu plus, je vous le mets quand même?"
Une licence 4G moins coûteuse pour Free
Et c’est peut-être ça le coup le plus terrible porté à la concurrence. Alors que les Orange, SFR et Bouygues déploient depuis des mois tout leur arsenal marketing pour faire comprendre au consommateur que la 4G va leur changer la vie, Free toise tout ce petit monde avec son offre "par-dessus la jambe". Pourquoi une telle stratégie? D’abord parce que Free a beaucoup moins dépensé que ses concurrents pour faire l’acquisition des fameuses licences 4G. L’opérateur a ainsi déboursé 271 millions d’euros sur les deux appels d’offres quand les autres y sont allés de leur chèque d’un milliard d’euros (un peu plus pour SFR et Orange, un peu moins pour Bouygues). Quand on investit quatre fois moins, on n’attend pas le même retour sur investissement.
Faible couverture
Et puis il y a la question du réseau. En ne se portant pas candidat sur le second appel d’offre de décembre 2011 (celui sur les fréquences libérées de la télé hertzienne), Free dispose d’une force de frappe moindre que ses concurrents (il disposera toutefois d’un droit d’accès au réseau de SFR). Sans compter la couverture du réseau Free qui avec à peine 700 antennes est largement en deçà de celle des opérateurs historiques (Bouygues en possède près de 5500 sur tout le territoire). L’offre de Free n’est ainsi par vraiment nationale et réservée aux 1000 plus grandes villes de France. Ce qui a fait dire à Delphone Ernotte-Cunci, la patronne d’Orange France: "Je n’ai pas peur d’une offre sans réseau."
Au final Free tente de faire de son retard sur la 4G un avantage concurrentiel en dévalorisant la technologie tant vantée par ses concurrents. Une stratégie maligne car, après tout, les trois quarts des Français disent ne pas être intéressés par cette nouvelle norme. La 3G avait de la même façon mis des années à s’imposer auprès du grand public. Il avait fallu que les usages se développent avec les smartphones. La 4G attend toujours les terminaux et usages qui l’exploiteront réellement. Et d’ici là, Free estime qu’il sera prêt.