Le méli-mélo des logos écolos
Bio ? Équitable ? Durable ? Surfant sur la vague verte, les labels écolos se multiplient à un train d'enfer. Les consommateurs sont d'autant plus perdus que tous ne se valent pas.
La tuile. Aussitôt né, Mariann Fischer Boel, commissaire européenne à l'Agriculture, a dû remballer son tout nouveau logo bio. Motif : Aldi s'est plaint de sa trop grande ressemblance avec le sien, également bardé d'une douzaine d'étoiles. Pas découragée, elle a lancé en début d'année un concours ouvert aux étudiants d'art des 27 États membres pour en dessiner un autre. Le verdict tombera à l'été 2010, le vainqueur empochera 6 000 E et le label bio européen sera enfin en magasins. Avec dix-huit mois de retard.
29 labels, et moi et moi...
Ah, le maquis des logos écolos... Si l'Union européenne peine à s'y retrouver, les consommateurs, eux, sont carrément perdus ! Dans un supermarché, entre les rayons alimentation, entretien, textile, cosmétiques et fournitures, ils risquent de rencontrer pas moins de 29 labels, du AB, bien connu, jusqu'à l'obscur EKO pour le coton bio. « Et tous ne se valent pas », avertit Benjamin Leroy, d'eco-sapiens.com, un guide d'achat de produits bio. Comme si ce n'était pas assez compliqué, de nombreuses marques profitent de la mode écolo pour se donner des packagings qui sentent bon la nature... sans rien changer à leur recette. Les consommateurs ne sont pas au bout de leur peine.
Pourtant, dans l'alimentaire, la situation paraît simple. Le logo AB (Agriculture biologique) certifie environ 80 % des produits bio en France, selon un cahier des charges déterminé par le ministère de l'Agriculture et 100 % transparent. Selon le baromètre Agence bio 2008, il est reconnu par 85 % des Français, avec une pointe à 92 % chez les 25-34 ans. Alors où est l'os ? « Il risque d'être remplacé sur les emballages par un logo européen que personne n'a encore vu », explique Yves Marin, du cabinet de conseil Dashkoma. Dès le 1er juillet 2010, le fameux tampon écolo de la Commission européenne deviendra obligatoire. Et si AB pourra rester à ses côtés, nombre de marques seront tentées de le supprimer pour éviter l'accumulation de logos (lire p. 52). Mais il y a plus fâcheux.
Manque de cohérence
Peu de gens le savent ; pourtant, le cahier des charges européen est moins contraignant que celui du ministère de l'Agriculture français. Ainsi, si l'Europe interdit les OGM, elle accepte « la présence fortuite et techniquement inévitable d'OGM ». En clair, un produit bio qui contient jusqu'à 1 % d'OGM obtiendra le label bio européen, mais pas le AB. « On avance dans une immense confusion, déplore Bernard Ollié, fondateur d'Agoodforgood, spécialiste de l'écoconception. Il y a un vide entre cette charte européenne plus laxiste et des labels très exigeants, comme Demeter et Nature et Progrès, fondé sur la biodynamique. Il manque un label de confiance autour d'une agriculture raisonnée. »
Les marques s'en mêlent
Au rayon des cosmétiques, les marques sont tombées d'accord sur un seul et unique logo. Cosmébio, le label de référence, n'est peut-être pas encore très connu du grand public, mais il a de beaux jours devant lui. À partir du mois de janvier, il va adopter la charte du label européen Cosmos. Plus exigeante, elle fait passer le seuil de certification de 10 à 20 % de produits biologiques présents dans les flacons. Et cette fois les logos pourront rester nationaux : Cosmébio en France, BDIH en Allemagne... « Ils ont été plus intelligents que dans l'alimentaire », se réjouit Jeanne Christensen, directrice marketing de Léa Nature.
Le manque de notoriété de Cosmébio provient plutôt de l'offensive « verte » des grandes marques du secteur. Quand Yves Rocher parle de « la cosmétique végétale », Garnier ne jure que par « la science de la nature ». « Nos études auprès des consommateurs montrent qu'il existe une grande confusion entre ce qui est naturel et ce qui est biologique, regrette Jeanne Christensen. Historiquement, plusieurs marques se sont positionnées sur le créneau du naturel très tôt, mais sans aller jusqu'au bout de la démarche, avec une certification bio. » Aujourd'hui, si même Carrefour a sa gamme de cosmétiques certifiés, les grands noms du secteur s'appellent toujours Weleda, Sanoflor ou encore Floram.
Illogique logistique
En revanche, le champ est encore vierge pour les vêtements écolos. « Rien n'existe en dehors de la certification coton bio, résume Bernard Ollié. Globalement, chaque marque mène son propre projet. » Autant dire que les consommateurs ont intérêt à s'accrocher pour savoir quoi acheter. Car il faut savoir que le coton bio ne garantit pas que le produit soit respectueux de l'environnement. « On ne parle que du mode de culture, pas de l'impact carbone. Il faut être bon sur la logistique, car les transports consomment beaucoup de CO2 », reconnaît Jérôme Schwartz, fondateur de la marque de vêtements équitables Tudo Bom. Prenons les tee-shirts bio d'E.Leclerc, par exemple. Issus d'un coton du Mali, ils sont ensuite envoyés en Inde pour être teints et tissés. « Le bilan carbone n'est pas formidable », reconnaît Jean-Jacques Exmelin, adhérent E. Leclerc, responsable du textile.
Du coup, les références de la chemise écolo sont plutôt Lafuma ou Patagonia, alors que leur démarche n'est pas focalisée sur la fibre. « Nous travaillons depuis dix ans avec WWF pour améliorer nos actions en faveur de l'environnement », explique Philippe Joffard, le patron de Lafuma. En plus de l'écoconception des produits, ce partenariat vise à optimiser le transport, le tri sélectif, voire la cantine bio. Aujourd'hui, près de 20 % des références de Lafuma sont écoconçues. « Grosso modo, on a fait des économies d'énergie de l'ordre de 10 % par an », estime Philippe Joffard. Les 1 500 mètres carrés de panneaux solaires de sa principale usine y sont pour quelque chose. Ce n'est pas toujours ce qui se voit le plus qui est le plus efficace.