Le packaging entame une cure de simplicité
Le blanc ? Cette « couleur » s'est imposée pour Carrefour Discount, car c'était déjà celle des produits libres créés par le distributeur en 1976, puis abandonnés en 1985. Ce n'est pas tout. Son packaging est aussi minimaliste que celui des produits libres, avec, sur l'avant, juste une photo du produit, bien mis en évidence, et sa dénomination. Seul ajout par rapport à 1976 : la signature Carrefour Discount. Un emballage aussi simple que marquant qui, quelques mois après son lancement, satisfait les équipes. « Sur le troisième trimestre, Carrefour Discount représente 6,1 % des volumes et 3,1 % des ventes du total PGC », se félicite-t-on chez le distributeur.
Carrefour Discount séduit les consommateurs
« Les premières études clients donnent des résultats très positifs sur la qualité des produits, le prix et la modernité de la gamme. Celle-ci répond aux attentes des consommateurs, contribue à l'image prix de l'enseigne et permet de recruter de nouveaux clients », ajoute-t-on chez Carrefour Discount.
Le minimalisme en packaging ? « C'est un vrai phénomène, assure Sophie Waymel, directrice générale de l'agence People from Design (groupe Astuces). Cela répond à un besoin de transparence des consommateurs qui se méfient du " pipeau " marketing. Les marques reviennent au basique, utilisant les codes du luxe, lequel n'a jamais cédé à la surenchère. » Si l'alimentaire - les marques de distributeurs en tête - simplifie le graphisme de ses emballages, les premiers à avoir dégainé sont certainement les spécialistes des produits high-tech.
Depuis quelques années, le packaging a la fonction d'exprimer la simplicité d'utilisation du produit pour les consommateurs que la technologie effraie. « Avant, c'était la course à la performance technologique, se souvient Nicolas Chomette, président d'Interbrand. Il y avait des fiches et des prises dans tous les sens. Cette performance technologique est acquise aujourd'hui, et les packagings se " contentent " de valoriser les produits, à la manière des emballages de parfums. » Les produits Apple et Nintendo, emballés dans des cartons arborant uniquement les symboles de la marque, en sont un exemple.
Dans la foulée du low-cost
Plus largement, la déferlante du low-cost a beaucoup contribué à réinventer une offre épurée. Les voitures de Dacia, la marque discount de Renault, connaissent un succès phénoménal, même si leurs vitres s'ouvrent avec une manivelle. Elles remplissent le rôle premier d'un véhicule : circuler. Ikea, avec ses meubles à monter soi-même, H&M et sa mode identique de Tokyo à Paris, ou EasyJet, avec son service minimum, en sont les fers de lance. « Ces offres ne sont pas qu'économiques, poursuit Nicolas Chomette. Elles sont aussi philosophiques. Les marques de grande consommation ont joué avec le feu avec des produits de plus en plus sophistiqués, additionnant les promesses et les labels. » Résultat : tout cela est devenu incompréhensible, au point de déconcerter les consommateurs dans le rayon. Quelle femme n'a pas vécu de minicauchemar alors qu'elle cherchait une simple paire de collants noirs, taille 2, sans dentelle ni microbilles amincissantes ? À l'inverse, le Lait d'ici cartonne avec sa communication ultra-simple : il est produit ici, pour les gens d'ici. Son packaging est à l'avenant, d'une simplicité reposante.
« Aujourd'hui, il y a une défiance vis-à-vis du système économique, des entreprises et de l'alimentaire », estime Nicolas Chomette, qui a remarqué, dans son classement annuel des marques, que les signatures monoproduits comme Nutella ou Coca-Cola résistent mieux en temps de crise que les autres. Et pour cause. « Elles n'empilent pas les promesses comme les couches d'un millefeuille, insiste-t-il, ce qui dilue la crédibilité d'une marque. »
Autre avantage : un packaging simple et sobre exprime l'authenticité du produit. Les jeunes marques de smoothies innocent ou Immedia l'ont bien compris. Leurs petites bouteilles et leurs briques véhiculent par leur simplicité des valeurs de naturalité. À l'arrivée, les consommateurs retiennent bien que le contenu est dépourvu d'additifs, de colorants ou de conservateurs.
Un reflet du contenu
C'est d'ailleurs le récent pari de la marque de biscuits Le Ster-Le Pâtissier. « Notre nouvelle charte graphique est épurée, explique Magali Oliveu, responsable du marketing de la PME bretonne. Elle laisse parler nos produits, dont les recettes sont artisanales. Ils ne contiennent ni huile de palme, ni colorants artificiels - sauf pour les biscuits contenant des fruits confits -, ni matières grasses hydrogénées. » Du coup, exit le rouge - très utilisé pour les biscuits - et la petite Bretonne avec sa coiffe, place à un sobre bandeau prune.
À l'inverse, Absolut n'a pas souhaité référencer sa « série spéciale » sans étiquette en grande distribution. « Nous disposons en moyenne de deux facings par référence, remarque Bartolmiej Jozwiak, chef de groupe alcools blancs chez Ricard. Il faut un effet de masse pour remarquer cette opération no label. Nous avons préféré mettre en avant nos bouteilles nues à la Grande Épicerie de Paris et chez certains cavistes. »
Si le minimalisme a ses limites, il a toutefois de beaux jours devant lui. « Cette tendance va durer, certifie Sophie Waymel. D'autant que la crise fait évoluer les mentalités vers moins de superflu. » Pour autant, du point de vue des industriels, les économies d'impression ne sont pas faramineuses entre un emballage simple et un autre chargé de couleurs.