Le poste de chef de rayon évolue, la formation s’adapte
Une pression au mètre carré accrue, des outils inédits… Pour faire face aux nouveaux enjeuxdu métier de chef de rayon, les contenus des formations évoluent, tant dans les écoles qu’en interne chez les distributeurs. Revue de détail.
Julie Delvallée
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Julie Delvallée
Comme de nombreux postes dans la distribution, le métier de chef de rayon n’est plus ce qu’il était. Les outils qui permettent de mieux cerner le consommateur ou de calculer au plus près la rentabilité au mètre carré aident à l’efficacité de son travail. À l’inverse, la guerre des prix à laquelle se livrent les enseignes rend sa marge de manœuvre, et d’erreur, plus restreinte. Devant cette mutation, la formation a dû adapter son contenu. « Un chef de rayon doit avoir trois compétences principales, rappelle Gilles Lepoutre, directeur général du centre de formation Fora : savoir manager son équipe, maîtriser la gestion de son rayon, et bien connaître ses produits. » Pour les acquérir, il y a d’abord la voie toute tracée. Des écoles reconnues par la profession, comme Neoma, issue de la fusion de l’École de management de Reims et de la Business school de Rouen, ou Cepreco à Roubaix, proposent des formations post-bac en deux ou trois ans.
Le management, nouvelle priorité des formations
« Manager prend de plus en plus de temps dans le quotidien du chef de rayon », selon Fabienne Lallemand, responsable au service formation point de vente de Système U, qui insiste sur les moments collectifs et individuels à passer avec chaque employé. Il faut savoir amener les changements d’organisation, convaincre de tâches supplémentaires, justifie la spécialiste. Des groupes comme Carrefour n’hésitent pas à faire travailler leurs cadres sur l’importance du relationnel avec leurs équipes, enles confrontant à des situations pratiques et en livrant des conseils sur l’empathie,par exemple. Dans les écoles, la partie management est renforcée en nombre d’heures « car c’est la clé pour offrir sur le marché du travail un vivier efficace », note Daniele Pederzoli, directeur du bachelorin retail management chez l’école Neoma.
Accélération de la promotion interne
Autre possibilité, passer par la promotion interne. Cette alternative se développe beaucoup ; Système U assure ainsi que la moitié de ses managers de rayon sont passés par ce biais. Une formation, mise en place dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle en 2014, permet d’ailleurs aux employés en libre-service d’obtenir un diplôme bac + 3 pour exercer la fonction après cent vingt heures de cours.
Ce bagage semble un prérequis minimum pour affronter les changements auxquels est confronté ce métier clé de la distribution. Notamment le premier d’entre eux, la modification des habitudes de consommation des clients. « Le principal concurrent des chefs de rayon, c’est désormais l’e-commerce. Il faut s’aligner sur les prix pratiqués et savoir se distinguer en rayon en offrant des expériences », souligne Daniele Pederzoli, directeur du bachelor in retail management chez Neoma. D’autant plus qu’avec l’explosion des ventes en ligne, les clients sont mieux informés. Le chef de rayon doit donc très bien maîtriser ses produits pour répondre à leurs questions et à leurs attentes.
Le contexte de guerre des prix exacerbée entre les distributeurs redessine également les contours du poste : « En magasin, le manager de rayon a moins de marge de manœuvre du fait de cette bataille sur les prix. La rentabilité est plus difficile à aller chercher », observe Fabienne Lallemand, responsable du pôle déploiement au service formation point de vente de Système U. Pas question donc de se tromper sur les volumes à commander pour une campagne promotionnelle ou de mal anticiper ses stocks…
Les compétences clés du poste
- La gestion du rayon
À chaque linéaire ses spécificités : veiller à la chaîne du froid pour les produits frais, ou gérer les réserves pour les rayons bazar ou dédiés aux liquides.
- Un rôle de manager
Dans les plus gros hypermarchés, le chef de rayon peut avoir une vingtaine de salariés sous sa responsabilité, il faut donc gérer son personnel et savoir s’adresser correctement à lui pour faire passer les messages de l’enseigne et les changements à amorcer.
- Une bonne connaissance des produits
Le volet marketing et commercial est crucial pour rester dans la course face aux concurrents (enseignes et sites internet). Être au fait des innovations et des tendances est un autre impératif qui incombe au manager.
- 10 000 à 15 000 : le nombre de postes à prévoir pour 2015 (Carrefour en escompte 500)
- 26 000 et 30 000 € : le salaire brut annuel de départ d’un chef de rayon en moyenne
- 32 000 et 38 000 € : le salaire brut annuel de départ d’un chef de rayon boucherie, le mieux payé
LES FORMATIONS DE RÉFÉRENCE
- Neoma Business School, ex- Ecal, Mont-Saint-Aignan (76)
- Cepreco, Roubaix (59)
- Les BTS spécialisés dans le management des unités commerciales
Développement de l’e-learning
Les organismes de formations disent avoir pris la mesure de ces changements. La partie consacrée au management est renforcée dans ces centres. La gestion du personnel occupe aussi une place centrale. Chez Système U, les équipes de formation préconisent aux chefs de rayon de privilégier des moments particuliers avec chaque employé.
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Rachid Benykhlef, responsable PGC à Carrefour Créteil (94), a exercé comme chef de rayon liquides, puis frais en Ile-de-France. Après une évaluation de ses compétences, il a suivi une formation e-learning pour développer son empathie et choisir les termes adaptés pour parler aux employés de son équipe. E-learning, travail sur le terrain... Dans la forme aussi, les contenus s’adaptent pour être le plus efficaces possible. Chez Fora, les cours dispensés par l’organisme professionnel ne dépassent pas cinquante minutes pour garantir la concentration optimale des apprenants ! L’e-learning permet, lui, de s’adapter à la contrainte des emplois du temps et d’éviter une absence trop longue.
Pour former leurs chefs de rayon tout au long de leur carrière, les enseignes accentuent leurs efforts : en plus des centres en interne, elles créent des partenariats avec les écoles. Cora et Leclerc participent ainsi à la sélection des étudiants et à l’élaboration du contenu des deux formations de Neoma. Pour des besoins plus spécifiques, notamment afin de mettre à jour des connaissances juridiques et les notions d’hygiène par exemple, elles font appel à des prestataires.
L’enjeu est de taille : le nombre de chefs de rayon s’est accru. Plus de 10 000 postes sont à pourvoir, rien qu’en 2015. Ce métier, où des millions d’euros de chiffres d’affaires sont en jeu, constitue en outre un tremplin idéal pour la fonction de directeur de magasin...