Le Projet de loi Macron est "un texte intrusif et dangereux", selon l'avocat François-Luc Simon

L'Avocat, associé-gérant d'un cabinet extrêmement réputé dans le secteur de la franchise, également membre du collège des experts de la fédération française de la franchise, ne mâche pas ses mots contre le volet "affiliation" du projet de loi Macron. Pour François-Luc Simon, c'est un texte intrusif, dangereux qui s'est... "égaré". "Les dispositions qui y sont prévues constituent une immixtion caractérisée du pouvoir législatif et réglementaire dans la sphère contractuelle, alors que le droit français permet déjà au juge d’appréhender efficacement les situations auxquelles ce texte prétend vouloir remédier". 

 

 

 

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Le Projet de loi Macron est
FRANÇOIS-LUC SIMON

« Quand la loi peut le faire, mieux vaut ne pas laisser la jurisprudence officier » ; voici les termes prononcés par le ministre de l’économie qui, par cette formule décomplexée, traduit la dérive actuelle de notre législateur, animé par une sorte de démangeaison à vouloir légiférer sur tout, à s’emparer de questions qu’il ne maîtrise pas toujours (mais qu’il croit connaître), à court-circuiter avec délectation l’office d’un juge, dont la fonction même est pourtant de porter « à son plus haut degré l’intelligence de ses pouvoirs et de ses limites », pour reprendre la formule – plus subtile – du Premier Président Drai.

L’amendement n°1681, adopté à l’Assemblée Nationale le 30 janvier 2015, au projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (n°2447), s’inscrit à merveille dans cette dérive, en projetant d’instituer un régime spécial des contrats de distribution, d’autant plus dangereux que son apparente raison d’être tend (sagement) à « assurer la confiance, à simplifier les règles qui entravent l’activité économique et à renforcer les capacités de créer, d’innover et de produire », même si le lecteur attentif découvre plus loin, par une stupeur consternée, qu’il a aussi – et surtout – vocation « à assouplir les conditions dans lesquelles on peut changer de réseau ou devenir indépendant, au bout d’un délai raisonnable ».

Un régime spécial des contrats de distribution "dangereux"

Nous y voilà.

Plus précisément, le projet de loi institue dangereusement un régime spécial des contrats de distribution, que l’on peut synthétiser en quatre propositions :

- les contrats relevant du champ d’application du texte sont réunis dans un ensemble indivisible faisant l’objet d’une échéance unique ;

- leur durée ne saurait excéder 9 ans,

- ils sont insusceptibles de renouvellement par tacite reconduction,

- et ne peuvent comporter des clauses de non-concurrence post-contractuelle et toute clause s’y assimilant.

Un champ d'application qui laisse "perplexe"

Ces dispositions sont à tous égards critiquables.

1/ Le champ d’application de ce dispositif laisse perplexe. Le texte vise « l’ensemble des contrats conclus entre, d’une part, une personne physique ou une personne morale de droit privé regroupant des commerçants, autre que celles mentionnées aux chapitres V et VI du titre II du livre Ier, ou mettant à disposition les services mentionnés au premier alinéa de l’article L. 330-3 et, d’autre part, toute personne exploitant, pour son compte ou pour le compte d’un tiers, au moins un magasin de commerce de détail, ayant pour but commun l’exploitation d’un de ces magasins et comportant des clauses susceptibles de limiter la liberté d’exercice par cet exploitant de son activité commerciale ». Cette définition se rapproche de celle issue du projet de loi Lefebvre, si ce n’est que la référence au commerce de détail « à dominante alimentaire » a désormais disparue, ouvrant ainsi davantage encore le champ d’application de l’actuel projet de loi. Toutes les formes de relations contractuelles rencontrées dans le secteur d’activité de la distribution sont donc concernées par ce texte.

Par ailleurs, le texte prévoit une dérogation fondamentale. L’application de l’intégralité des dispositions est subordonnée à la réalisation d’un certain montant de chiffre d’affaires. Ce critère, déterminant, est pourtant laissé à la discrétion du pouvoir réglementaire. Le seuil risque d’évoluer au gré des conjonctures économiques, politiques ou sociales et créer de l’insécurité juridique dans un domaine dont l’équilibre est déjà extrêmement fragile.

2/ Le principe même d’une durée maximale a quelque chose d’assez choquant ; d’abord, car il s’agit en soi d’une atteinte à la liberté contractuelle, qui ne peut se concevoir qu’en présence d’un motif légitime ; ensuite car, précisément, il ne peut y avoir ici de motif légitime puisque ce texte envisage – tout au contraire – d’apporter une solution unique à des situations qui sont à l’évidence très différentes les unes des autres. Quant à la durée de 9 ans, elle a été choisie en dépit des réalités de la pratique : cette durée est elle-même plus courte que celle accordée par l’administration fiscale pour amortir certains investissements.

3/ L’interdiction du renouvellement par tacite reconduction (qui n’est pas la moins justifiée des mesures envisagées) ne trouve pas de motivation claire dans les travaux parlementaires, si ce n’est peut-être qu’il y est vu le moyen de faciliter la sortie par les distributeurs du réseau dans lequel ils évoluent. Curieux objectif, et curieuse méthode.

4/ La suppression des clauses ayant pour objet ou pour effet de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant après le terme ou la résiliation de l’un des contrats, met en péril les réseaux de distribution en empêchant toute protection efficace du savoir-faire. Un tel système fragilise considérablement le système de la franchise. Si ce n’est pas l’objectif recherché, c’est à s’y méprendre ...

Un projet qui s'est "égaré"...

On le voit, le projet de loi Macron s’est égaré et nous en livrons sur notre site un commentaire d'ensemble (Cliquez ici).

Les dispositions qui y sont prévues constituent une immixtion caractérisée du pouvoir législatif et réglementaire dans la sphère contractuelle, alors que le droit français permet déjà au juge d’appréhender efficacement les situations auxquelles ce texte prétend vouloir remédier : abus de droit, déséquilibre significatif (C. com., article L. 442-6, I-2°), limitation de 10 ans en cas d’engagement d’exclusivité (C. com., article L. 330-1), etc.

Loin d’être définitivement adopté, ce texte intrusif et dangereux n’a pas fini de susciter les débats.

François-Luc Simon

Avocat, associé-gérant SIMON Associés

Docteur en droit

Membre du Collège des Experts de la Fédération Française de la Franchise

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