Le rapport Chalmin n’enflamme pas l’Assemblée nationale
Philippe Chalmin, président de l’Observatoire des prix et des marges, est venu défendre son dernier rapport devant les députés de la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale présidé par François Brottes.
Sylvain AUBRIL
\ 10h19
Sylvain AUBRIL
Le député socialiste attendait des confrontations et des réactions fortes sur les résultats de ce rapport et la méthode mise en place par l’économiste, en invitant la FCD, l’Ania des fédérations agricoles et l’UFC-Que Choisir à donner leur point de vue. C’est le contraire qui s’est passé : la qualité des travaux a été saluée à l’unanimité et les chiffres ne semblent plus contestés par personne. Du coup, les seuls débats frontaux n’ont concerné que les négociations commerciales, principalement entre Jacques Creyssel, président de la FCD, et Alexander Law, directeur des affaires économiques de l’Ania.
"Les syndicats agricoles ont signé le rapport"
« Sur 100 euros de dépenses alimentaires, 8 euros seulement vont à l’agriculture et 11 euros à l’agroalimentaire. Où va l’argent ? Où va le reste ? Il y a une interrogation du gouvernement sur la question de rééquilibrer les relatons commerciales, or, votre approche paraît bien consensuelle » a interrogé François Brottes. « L’Observatoire, qui a été créé par la LMA en 2010, n’a pas à porter de jugement, c’est un lieu d’observation et le rapport a été adopté par l’ensemble de la filière, y compris les trois principaux syndicats agricoles et même les associations de consommateurs. Avec la volatilité des prix agricoles, on ne peut qu’en constater les effets, à savoir une contraction des marges à tous les stades de la filière, de la transformation à la distribution », a rétorqué Philippe Chalmin.
Faibles marges de la distribution et forte hausse du revenu des céréaliers...
Ce dernier a tenu à saluer la participation de la distribution qui a accepté de se prêter « au gros chantier de passer pour cinq rayons de l’analyse de la marge brute à la marge nette », qui a débouché sur le constat que dans la viande, la distribution perd de l’argent, qu’elle n’en gagne pas dans les fruits et légumes, contrairement à la charcuterie et les produits laitiers. « Je rends hommage au travail de Philippe Chalmin, ce rapport permet de sortir des schémas habituels selon laquelle la grande distribution fait d’énormes marges. On peut même ces chiffres en regard de ceux des revenus de l’agriculture et il ne reste plus qu’à établir la même transparence avec l’industrie ! ».
"Le blé augmente de 80 % et on ne propose que 2 euros pour les éleveurs"
Plus tard, il s’étonnera du manque de volonté d’établir une péréquation des revenus entre les céréaliers et les éleveurs. « Le prix du blé a augmenté de 80 %, je m’étonne que les céréaliers ne proposent que deux euros la tonne pour aider les éleveurs », a-t-il glissé, sans doute pas mécontent de jeter cette pierre dans le jardin du président de la FNSEA, Xavier Beulin, en campagne pour les chambres d’agriculture et qui veut éviter tout conflit entre les filières…
L'industrie paie un lourd tribut à la volatilité des matières premières
« Si les marges indiquées par le rapport Chalmin sont faibles et prouvent que personne ne s’en met plein les poches, il n’en reste pas moins que l’industrie alimentaire paie un lourd tribut à la volatilité des prix, en raison de la très grande difficulté à répercuter les hausses des coût de revient dans les tarifs à la distribution, a soutenu Alexander Law, pour l’Ania. Notre rentabilité déjà faible se dégrade, nous risquons de perdre 5.000 emplois. A la compétitivité par les prix que propose la FCD, il faut opposer une stratégie de création de valeur. Il faut remplacer l’every day low price par l’every day more value ».
"Loi d'exception pour les PME"
Plus tard, il moquera la pseudo fragilité des grandes centrales d’achat de la distribution face au tissu des PME de l’alimentaire. «Ce que nous demandons, c’est que la LME soit appliquée pour toutes les entreprises. J’entends que Serge Papin et Michel Edouard Leclerc voudraient créer une loi d’exception pour les PME, faire vivoter quelques acteurs qui sont dans leur main en castagnant les autres. C’est déjà le cas puisque les demandes de la distribution sont déflationnistes, de l’ordre de 5 à 10 % alors que les cours du blé ont doublé ». Il a également dénoncé les demandes de garanties de marges.
Le renard cherche le trou dans le grillage...
Parmi les quelques bons mots, alors que quelques députés ont démandé s’il ne serait pas judicieux de mettre en place un coefficient multiplicateur ou un système d’indexation des prix pour répercuter la hausse des tarifs, Jacques Creyssel s’est évertué à les en dissuader. « Ce serait comme de mettre un grillage autour d’un poulailler, ça inciterait le renard à chercher les trous dans le grillage ! ». Le délégué général de la Fédération Nationale Bovine a de son côté demandé à François Brottes s’il était bien sûr « qu’au restaurant de l’Assemblée nationale, on ne lui servait pas de la vache de réforme allemande » - il va sans doute vérifier.
Compliment pour un oligopsone
Le même a été interloqué lorsqu'on lui a indiqué que les bouchers traditionnels ne représentaient plus que 15 % des débouchés de la filière bovine. Quand à Alexander Law, critiqué par Jacques Creyssel quand pour avoir la formule "ringarde" d’oligopsone afin de qualifier la situation de l’offre et la demande alimentaire, il a estimé que « venant de la FCD, je le prends comme un compliment »… Pour l’an prochain, Philippe Chalmin a promis un rapport « encore plus détaillé », notamment en ce qui concerne les charges de la distribution.