Le web marchand, dernier créateur d'emplois en France
Plus modeste qu'en 2012, avec une hausse de 14% des effectifs contre 20% l'année précédente, la croissance de l'emploi dans le monde d'internet a de quoi faire des envieux. Même si certains postes, comme ceux de développeurs web et de responsables relation client, ont du mal à trouver preneur.
Magali Picard
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Magali Picard
Quelque 50 000 ! C'est le nombre impressionnant de dossiers que l'École 42 a reçu depuis sa création en mars dernier. L'École 42 ?
Xavier Niel, le patron de Free, l'a lancée en fanfare, la définissant comme « l'école informatique gratuite et ouverte à tous ». Destinée aux jeunes de 18 à 30 ans, bacheliers ou pas, cette école du numérique vise à former un millier d'étudiants par an, en trois ans. Une manière de répondre au déficit de profils qualifiés sur les métiers d'internet en France. « Il y a un vrai manque de formation », regrette également Thierry Petit, PDG fondateur de Showroomprivé, qui souligne, de son côté, des « initiatives intéressantes », comme l'École européenne des métiers de l'internet (EEMI), la première école web créée par les patrons des trois success story du web : Vente-privée, Meetic et... Free. Et, de fait, toutes les études le disent : d'ici à 2015, le secteur du web doit créer au moins 450 000 emplois.
450 000
Le nombre de créations d'emplois attendu d'ici à 2015Source : LSA
L'appel d'air du click et mortar
Ledit secteur n'a pas attendu 2015 pour embaucher. Ainsi, selon l'étude réalisée par CCM Benchmark pour la Fédération des entreprises de vente à distance (Fevad) auprès de 70 dirigeants de l'e-commerce, près de 10 000 emplois ont été créés en 2012, ce qui correspond à une augmentation de 13%. Cette croissance à deux chiffres n'est pas nouvelle et remonte déjà à plusieurs années. Auriane Guzzo, chef de projet études chez CCM Benchmark, y voit une raison : « De nouveaux acteurs arrivent sur le marché, notamment des enseignes click et mortar [des enseignes de magasins, NDLR]. Et puis, il y a beaucoup d'emplois directs et indirects générés par les prestataires et tout l'écosystème autour de l'e-commerce. » Sur le total des 75 000 personnes employées par internet, un peu plus de la moitié (42 000 précisément) travaillent dans des sites marchands, le reste étant chez des prestataires, des centres de gestion de contacts à la logistique, qui génèrent beaucoup d'emplois ne dépendant pas d'eux.
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Certains profils, notamment tous les ingénieurs web et les métiers liés à la logistique, sont difficiles à recruter. Il manque aussi des formations en amont, même s’il y a de plus en plus d’initiatives pertinentes.”
Thierry Petit, PDG fondateur de showroomprive.com
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«Nous recrutons pour tous les métiers »
Et ce n'est pas fini ! Toujours selon CCM Benchmark, la grande majorité des sites d'e-commerce (86%) prévoient de recruter cette
année, même si c'est à un rythme plus modéré qu'en 2012. Les entreprises sondées par l'institut annoncent une hausse de 10% de leurs effectifs et aucune d'entre elles ne prévoit de les réduire. Mieux, pour 2014, près des trois quarts envisagent de continuer et un tiers tablent sur une forte hausse. C'est le cas de Showroomprivé, qui, après avoir embauché 180 personnes l'an dernier, compte recruter 120 à 150 personnes en 2013, sur un total de 540. Spartoo, basé à Grenoble (38), reste sur la même tendance qu'en 2012, avec 50 à 60 nouvelles recrues pour 2013, pour un groupe qui compte 180 salariés.
Développeur web, l'oiseau rare
40% des responsables ayant des projets de recrutement témoignent de difficultés à recruter, en particulier des profils web (développeur, webmaster...) et informatique.
Chez ces pure players, qui ne vivent que de leurs ventes sur la Toile, toutes les fonctions sont concernées. « Nous recrutons pour
tousles métiers de l'e-commerce, de la négociation avec les marques au service client », précise Thierry Petit. Des acheteurs, des gestionnaires de stocks côté achats, mais aussi des responsables de pays pour l'Italie, l'Espagne et l'Allemagne en octobre, tels sont les profils les plus recherchés par Spartoo. « Ce n'est pas simple de trouver les bons profils, explique Christine Milan, DRH de Spartoo. Le plus compliqué reste de trouver des acheteurs pour le web. » L'entreprise affectionne particulièrement les ingénieurs en informatique qui font du développement. Mais certains profils restent difficiles à trouver, comme, justement, les ingénieurs-développeurs web et, dans certaines régions, notamment en région parisienne, il est dur de recruter des manutentionnaires pour préparer les colis. Il y a beaucoup de turnover sur ces métiers-là, qui manquent singulièrement d'attractivité. Autrement dit, les profils les plus difficles à recruter sont aussi les profils les plus demandés.
Développeur et relation client, les profils les plus recherchés
Développeurs, analystes et responsables CRM, chefs de produits : les grands sites sont en quête de ces profils. Moins recherchés, en revanche, tous les métiers afférents au design, à la publicité, à la logistique et aux achats.
« Les sites recherchent beaucoup d'analystes qui doivent gérer des données, précise Auriane Guzzo. Or, il n'est pas facile de trouver des profils très qualifiés en ce domaine. » Une autre raison aux difficultés de recrutement tient au niveau insuffisant des rémunérations offertes à des jeunes diplômés, qui préfèrent se tourner vers de grands industriels, tels que L'Oréal ou Danone. Le salaire peut être justement un élément de motivation pour des fonctions qui peinent à trouver preneur. « C'est un élément de fidélisation, notamment sur les postes de production et de manutentionnaires », conclut Thierry Petit. Quand tout le monde s'y retrouve, la spirale devient gagnante.
L'habillement, secteur le plus en demande
Sans surprise, ce sont les sites dont le chiffre d'affaires progresse le plus qui augmentent leurs effectifs de manière significative. Même si ces taux ont tendance à s'infléchir par rapport à 2012. Pour l'habillement par exemple, les prévisions de recrutement passent de 37% à 19% (-18 pts).
Des recrutements en (forte) hausse pour 2014
C'est assez rare pour être souligné, plus des deux tiers des sites commerçants anticipent de recruter l'année prochaine, dont 29% fortement. En 2012, le nombre des effectifs avait déjà crû de 13%, après 11% en 2011.