Les brasseurs s'engouffrent dans le plastique

La guerre des contenants qui agite le milieu brassicole prend une nouvelle dimension en France avec l'intégration, par Kronenbourg, d'une unité de production entièrement dédiée au PET. Toutes les marques ont désormais au moins une bière conditionnée dans du plastique.
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Kronenbourg a encore fait monter la pression d'un cran. Après l'autrichien Mohren et le slovaque Union Pivo, la marque française, récemment passée sous le giron du britannique Scottish and Newcastle, a choisi à son tour d'intégrer sa propre chaîne de fabrication de bouteilles de bière en PET. D'une capacité de 10 000 unités/heure, elle devrait dans un premier temps déboucher par la mise sur le marché de 250 000 à 300 000 bouteilles de 33 cl, selon le président de Sidel, Francis Olivier, leader mondial de l'ingénierie d'embouteillage à l'origine du projet. Un pari audacieux. Et surtout, difficilement imaginable il y a seulement deux ans.

Les avancées technologiques réalisées en matière d'emballage plastique ne sont pas étrangères à ce choix stratégique. Elles ont opposé - et continuent évidemment de le faire - les géants de la chimie, qui s'acharnent à mettre au point des conditionnements capables aussi bien d'arrêter la lumière que l'oxygène, les deux bêtes noires de la bière. Basée dans le Kentucky, Continental PET Technologies s'appuie sur le concept du millefeuille, procédé qui consiste à superposer plusieurs couches de polyéthylène téphralate (PET), chacune séparée par une matière « barrière ». Le Suédois Tétra Pack et l'Allemand BestPET explorent activement les mêmes voies, avec pour objectif commun le dépôt sous vide d'une très faible couche de silice ou de carbone à l'intérieur ou à l'extérieur des bouteilles. Le procédé Actis, développé par Sidel et actuellement utilisé par Kronenbourg, repose, quant à lui, sur la technologie « plasma », une sorte de gilet pare-balles, qui recouvre l'intérieur de la bouteille et qui garantirait, selon la direction du groupe, « une barrière multipliée par 30 pour l'oxygène et 7 pour le gaz carbonique ».

Un formidable enjeu commercial

Désormais, tous les brasseurs disposent d'au moins une référence de bière conditionnée en PET, quand ce n'est pas deux, voire trois. Ils savent qu'une partie de leur avenir repose sur ce nouveau matériau. Léger, incassable, résistant aux chocs, le PET avance de nombreux arguments, tous plus fédérateurs les uns que les autres. Des consommateurs, ravis de ne plus surcharger leurs sacs de courses, aux brasseurs à qui le PET permet d'économiser sur les coûts de transport. En passant par les distributeurs, soucieux de limiter la casse lors des multiples séances de manutention.

Derrière toutes ces promesses et tous ces avantages, il y a surtout un formidable enjeu commercial. Le marché mondial de la bière s'élève à près de 300 milliards de bouteilles. Soit plus que celui de l'eau et des boissons gazeuses réunies ! Or, les analystes estiment que la part de marché du PET pourrait s'élever jusqu'à 5 % d'ici à 2003-2005. Les brasseurs comptent également sur le PET pour redynamiser des ventes aujourd'hui arrivées à maturité dans plusieurs régions du globe. Même l'Allemagne, pays symbolique s'il en est, accuse le coup. « Le PET représente un très bel outil marketing, souligne Bertrand Guillet, directeur de la communication chez Sidel. Il offre une très grande liberté de formes et de contenances aux brasseurs qui cherchent de plus en plus à distinguer leur offre du reste de la concurrence. »

Une marche forcée

Foster's, South African Breweries, Bass, Heineken : la foire d'empoigne ne fait que commencer. Même s'il y a encore des réticences de la part de certains professionnels qui se demandent toujours si l'image du plastique est compatible avec une boisson aussi fortement ancrée dans la tradition que la bière. Pour le patron de Heineken France, Philippe Pasquet, rien ne s'oppose à l'association plastique-bière. Il l'a encore rappelé dans ces colonnes, lors du lancement de la 33 Export en bouteille en plastique (lire LSA n° 1605). « Les Français ont accepté le PET dans les jus de fruits, l'huile, les soft-drinks. Il y a à peine trente ans, l'eau était encore vendue en bouteille de verre !. »

Heineken n'est pas le seul à miser sur l'évolution des moeurs. Lorsqu'il s'est lancé dans l'aventure, le brasseur Karlsbrau a lui aussi rappelé l'intérêt stratégique du PET. « Ce que nous voulons - et ce qu'il faut - c'est répondre aux attentes des consommateurs de demain, nés en même temps que le PET, et qui découvrent aujourd'hui la bière. »

L'américain Miller a conduit près de deux ans de test avant d'étendre sa distribution de bouteilles en PET à l'ensemble du marché américain. Le géant Anhauser-Bush, pourtant très hésitant, n'a pas pu faire autrement que de lui emboîter le pas.

Le développement du conditionnement plastique a des allures de marche forcée. Kronenbourg a repris la main en annonçant l'intégration de la production de ses propres bouteilles plastiques. L'événement est presque aussi important que lorsque Evian a lancé sa première bouteille d'eau « compactable », obligeant alors toute l'industrie de l'eau minérale à adapter ses usines.

Un développement inéluctable

Le brevet développé par Sidel a reçu, en juillet dernier, le feu vert de la Food and Drug Administration, l'autorité américaine de sécurité alimentaire, ce qui devrait ouvrir le marché américain de la bière au groupe havrais. Un brasseur américain serait déjà sur les rangs. Il pourrait se lancer avant la fin de l'année. À l'horizon 2005, Sidel, qui a également vendu sa première machine sous technologie Actis en Chine, espère en installer plus de 500 dans le monde (350 d'ici à 2002). Il n'est pas le seul groupe d'ingénierie spécialisé dans l'embouteillage à pousser ses pions. Logiquement, les brasseurs devraient suivre. Même si c'est à contre-coeur. Le dernier lancement Kronenbourg n'arrive pas forcément au meilleur moment, avec la flambée des cours du pétrole.

En un an, les coûts des matières plastiques ont littéralement explosé : + 80 % ! Il y a deux ans, les brasseurs se plaignaient déjà du « prix de revient du PET, plus élevé que celui du verre ». Cela est encore plus vrai aujourd'hui !

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