Les coopératives pas (encore) satisfaites des relations commerciales
Malgré un accord avec Carrefour pour promouvoir les produits des coopératives dans un catalogue et le journal conso de l’enseigne, et le fameux accord cadre avec la FCD, les coopératives dressent un bilan plutôt sombre des négociations commerciales 2016. Mais elles veulent poursuivre le partenariat, en espérant installer un autre état d'esprit.
Sylvain AUBRIL
\ 18h21
Sylvain AUBRIL
L’accord cadre signé entre les coopératives agricoles et la FCD n’a visiblement pas produit les effets attendus sur les prix et les relations commerciales, si l’on en croit le bilan tiré par Michel Prugue, président de Coop de France, qui tenait une conférence de presse lundi 29 février dans le cadre du Salon de l’Agriculture, accompagné du nouveau président de la “section” agroalimentaire, Dominique Chargé, par ailleurs président des coopératives laitières.
“Cet accord cadre a pour but de fluidifier les relations commerciales, et d’apporter une création de valeur durable, plutôt que d'avoir à subir des critiques qui polluent l’image des entreprises, y compris celles de la distribution, a indiqué Michel Prugue. Nous avons entrepris une première étape avec Carrefour pour mettre en avant des vins coopératifs dans un catalogue. Nous avons d’autres chantiers en cours, comme de diminuer les coûts logistiques ou les audits à répétition”. Des négociations seraient également avancées avec Auchan pour une opération similaire à celle de Carrefour. Une campagne de pub à la télé et en affichage accompagne le dispositif, sur le thème “Et si on consommait coopératif ?”.
Toujours des demandes de compensation de marges
L’accord fonctionne donc pour partie, mais les négociations commerciales restent visiblement trop tendues. Car selon une enquête auprès des entreprises adhérentes à Coop de France, les exigences de la distribution lors des négociations n'ont pas beaucoup évolué par rapport aux années précédentes. “Nous avons vu une évolution intéressante pour les clauses sensibles, qui se sont un peu assouplies, a précisé Rachel Blumel, directrice de Coop de France Agro. Mais les rapprochements d’enseignes ont créé des tensions sur les marques nationales, et de la confusion dans les centrales d’achat. Les demandes de compensation de pertes de marge ont été nombreuses, même si elles sont illégales. La crise de l’élevage n’a pas été répercutée comme une problématique de filière, les contreparties aux réductions de prix demeurent inexistantes et les menaces de rupture brutales partielles ont été de mise, pour servir d’effet de levier dans les négociations”. A quoi s’ajouterait une "forte augmentation des pénalités de retard" en cas de problème logistique. Bref, le bilan reste sombre.
Craintes sur les appels d'offre pour les MDD
D'autant que Dominique Chargé, demeure pour sa part très inquiet pour “les appels d’offre” en ce qui concerne les MDD, qui ont lieu en cours d'année, hors négociations annuelles. Les enseignes pourraient chercher à revenir à la guerre des prix, après avoir répondu partiellement à des prix d’achat plus élevés que ceux du marché pour certains produits laitiers de marque et certaines entreprises, qui doivent les répercuter aux producteurs. "Mais les marques ne sont souvent qu'une petite partie de l'activité d'une coopérative laitière", rappelle-t-il, de l'ordre de 15 % chez Laita, la coopérative qu'il dirige. Pour autant, Dominique Chargé ne soutient pas la proposition du président de la République de réformer la LME. “Plus que le surréglementaire, c’est sur le fond qu’il faut travailler, le comportement et l’état d’esprit, installer de bonnes pratiques pour créer de la valeur, et que le consommateur accepte de payer plus pour des produits différents, et c'est ce qu'il souhaite”.
Tout l’enjeu pour les dirigeants de Coop de Frfance sera de défendre l’accord signé avec la distribution, dans un contexte déflationniste où toute la chaine souffre. A leurs yeux, le partenariat vaut mieux que la confrontation, moins efficace. Michel Prugue révélait par ailleurs l'ampleur de la chute des cours actuels, qui représenterait une perte pour “la ferme France” de 6 milliards d’euros, soit “un tiers de “l’accompagnement public” (les subventions) de 18 milliards d’euros. La tempête est effectivement rude. Et elle n’est probablement pas finie...