Les distributeurs veulent s'imposer à Paris

Derrière Casino et Carrefour, historiquement présents dans la capitale, de nouveaux candidats se bousculent depuis peu pour installer leurs magasins intra-muros, et tirer profit d’un marché atypique de plus de 2 millions d’habitants. Un véritable mouvement de fond, tiré par les enseignes bio et la proximité. Mais pas seulement.

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Les distributeurs veulent s'imposer à Paris
Après vingt-cinq ans d’absence, un E. Leclerc a ouvert le 21 avril, dans le XIXe arr., symbole d’un nouvel attrait pour Paris.

Le 21 avril, un magasin Leclerc a de nouveau ouvert ses portes dans Paris, ce qui est presque un événement en soi. Implanté dans le quartier réhabilité de Rosa Parks (XIXe arrondissement), sur une surface de vente de 1 500 m², il met un terme à vingt-cinq ans d’absence du groupement dans la ville, qu’il avait dû quitter sur fond de brouille avec son adhérent parisien de l’époque. Désormais, le leader de la grande distribution a lui aussi un pied dans la première cité de France. « C’est une ouverture isolée liée à une opportunité spécifique, et non pas à une stratégie globale », a tenu à préciser le distributeur pour éviter tout emballement.

Mais le mouvement n’en est pas moins symbolique de l’appétit retrouvé pour la Ville Lumière. Car si Casino et, plus modestement, Carrefour se sont longtemps partagé ce juteux gâteau avec quelques acteurs très locaux, les plus de 2 millions d’habitants représentent un marché plus qu’attirant pour tout le monde. Depuis deux ans, la poussée de la proximité et l’arrivée de nouveaux intervenants sur la pointe des pieds, comme Intermarché ou Système U, offrent un paysage commercial en pleine évolution aux Parisiens, eux qui avaient pris l’habitude de découvrir ces enseignes lors d’escapades en vacances ou en week-end hors de leurs bases. Ce n’est pas encore la bataille de Paris, mais cela pourrait parfois y ressembler.

Une diversité impressionnante

« Certaines enseignes avaient fait leur deuil de l’installation dans Paris, car les contraintes l’emportaient, estime Yves Marin, manager chez Kurt Salmon. Mais, petit à petit, la saturation du territoire français et la concentration urbaine ont redonné de l’attrait à la capitale. Et avec le développement d’Amazon, de la livraison, s’installer en ville est devenu important, pour ne pas laisser la place à cette nouvelle concurrence. »

Du côté des enseignes physiques, Paris présente une variété et une diversité impressionnante, qui couvre tout le spectre de consommateurs. De Dia à Franprix, en passant par G20, Market, Biocoop ou Franprix, il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses. Avec une évolution de la consommation plutôt molle, tout relais de croissance est donc bon à prendre. Celui de la capitale, malgré ses embûches en matière de livraison et de coût du foncier, ne déroge pas à la règle avec une typologie de consommateurs bien taillée pour les dépenses. Les Parisiens sont plutôt aisés (le département possède le plus haut niveau de revenu par habitant), comptent 51% de célibataires (une cible surconsommatrice), et sont nombreux.

Bref, le pouvoir d’achat, même si mis sous pression par le coût de l’immobilier, est plutôt bien orienté pour les achats alimentaires. Le consommateur bobo attiré par le bio n’est pas un mythe, du moins pour le bio ! – à y regarder de plus près. La capitale compte ainsi 11 m² de magasins bio, type Naturalia ou Biocoop, pour 1 000 habitants, soit plus du double de la moyenne nationale. Et le parc ne cesse de s’étendre, tout comme celui des enseignes plus classiques. Selon une étude du panéliste Nielsen, le commerce alimentaire de proximité a explosé à Paris entre 2005 et 2015, « avec un doublement du nombre de magasins de plus de 100 m², passé de 307 à 649 ». Et la ville retrouve ses lettres de noblesse, avec un déficit de mètres carrés à combler par rapport à la moyenne nationale. Thierry Cotillard, président d’ITM Alimentaire, déclarait déjà il y a un an que l’urbain était désormais un des pans de développement du groupement. « Il ne faut pas rater ce virage. Surtout que c’est l’un de nos modèles les plus rentables », assurait-il à LSA. Les Intermarché Express de la capitale se comptaient encore sur les doigts de la main au début de la décennie. Ils sont maintenant une quinzaine, soit le même nombre que les U Express qui colonisent petit à petit les artères de la ville. Auchan participe également à cet élan avec l’augmentation de moins en moins discrète du réseau A2Pas.

Gentrification générale

Au gré de la transformation de certains quartiers et d’une certaine gentrification, nombre de magasins montent en gamme ou changent d’enseigne. Un phénomène particulièrement visible chez Casino, qui pèse près de la moitié de la distribution alimentaire à Paris, et peut piocher dans tout son portefeuille (Vival, Spar, Casino Shop, Leader Price, etc.). La branche Franprix est justement en pleine transformation de son réseau. Véritable manne financière dans les années 80 et 90, elle a mal vieilli, et vu la concurrence aiguiser ses lames. D’autant que le consommateur est plus volage, en raison d’une augmentation du nombre d’enseignes. Désormais, le but de Franprix est de transformer les magasins lieux de passage en véritables « lieux de vie ». Une mission ambitieuse, qui repose sur l’ajout de nouveautés pour aller au-delà du panier de courses classiques. Vente de pain cuit sur place, viennoiseries, jus d’orange pressé sous vos yeux, plats chauds le midi, etc. Sans oublier les services comme les bornes d’envoi d’argent Western Union, la possibilité de manger ou de recharger son téléphone portable sur place. Peu à peu, les enseignes de grands groupes individualisent leurs relations avec les clients, pour redonner goût au commerce et redevenir le petit magasin de quartier.

Jean-Paul Mochet, directeur général de Franprix, mais aussi de la branche proximité du groupe Casino, ne compte pas s’arrêter là. « Paris n’est pas saturé en commerces, il y a des quartiers qui bougent. Et il y a beaucoup d’immobilier nouveau, notamment le long de la ceinture intérieure. » Plutôt que de reproduire des modèles existants, les enseignes savent aujourd’hui se renouveler. Yves Marin juge ainsi que « le développement du multiformat a ouvert des horizons aux distributeurs, qui sont de nouveau prêts à tester des choses ».

Le Leclerc du XIXe arrondissement, lui, n’a pas eu d’autre possibilité que de s’adapter. Compte tenu de sa surface de vente limitée, il a fait le choix d’être 100% alimentaire, avec des zones marché et produits frais très travaillées, palliant de fait l’absence d’artisans des métiers de bouche dans le quartier. Quant au positionnement prix, marqueur fort de l’identité E. Leclerc, il sera bas, à en croire l’adhérent David Thibault. « Les prix vont baisser dans Paris. Ici, nous proposerons les mêmes indices que dans le Leclerc de So Ouest, à Levallois », assure celui qui possède les deux magasins. Les contraintes d’espace disponible pour les réserves (inexistantes ici) restent un point noir, qui demande à être amélioré. « Si nous arrivons à nous en sortir en termes de logistique, on ne s’interdit pas de regarder ailleurs dans la capitale, si des occasions se présentent », poursuit-il.

Paris vaut bien une GMS

Pour un concurrent qui reste anonyme, cette arrivée dans Paris est « certainement un test pour Leclerc. Car ce n’est pas le premier Leclerc de cette taille. Mais ce n’est pas une zone de fort trafic. Ils auront probablement du mal au départ, surtout avant l’arrivée de Boulanger et de Leroy Merlin sur le site. Je suis curieux de voir quel sera leur positionnement prix. Pour une fois, Leclerc est confronté aux problématiques du centre-ville avec ses coûts immobiliers ».

C’est justement pour assouplir ces contraintes que Carrefour a préféré racheter d’un seul bloc les magasins Dia français en 2014, et récupérer un important parc à rénover. Au fur et à mesure des transferts, ces ex-surfaces de discount renaissent en Carrefour City, Market ou Bio, avec un assortiment plus large et un positionnement prix plus élevé qui semble suivre l’évolution démographique et sociologique de la capitale.

Un marché très spécifique, par ailleurs propice à différents tests grandeur nature, comme l’atteste Carrefour Bon App’ (deux petites surfaces entièrement dédiées au snacking), ou le point de retrait express d’Auchan Direct, qui permet de retirer dans les trois heures ses achats alimentaires effectués en ligne. Le maillage du territoire urbain se poursuit, la prochaine étape étant d’intégrer les nouvelles habitudes de consommation liées au digital dans les magasins physiques. Cdiscount teste actuellement les commandes alimentaires sur internet, avec une livraison effectuée par le magasin Franprix parisien le plus proche du domicile. Et s’il n’y a pas de drive parisien à l’horizon, les casiers commencent à s’y faire une toute petite place. Preuve que la capitale n’est plus délaissée par les grands noms du commerce alimentaire.

Les points forts de la capitale

  • Un marché de 2,24 millions de consommateurs (Paris intra-muros)
  • Des habitants au pouvoir d’achat plus élevé
  • Un sous-équipement commercial par rapport à la moyenne nationale

Mais aussi des faiblesses

  • Le coût très élevé du foncier
  • Des contraintes administratives très fortes (encadrement des horaires d’ouvertures et du travail dominical)
  • Des livraisons compliquées (difficultés d’accès et limitation des nuisances sonores)

Portrait robot du consommateur parisien

Il va souvent faire ses courses

12 actes d’achat PGC-FLS par mois, contre 8 pour la moyenne de la population française.

Il fréquente peu l’hypermarché

Un ménage parisien sur deux a fréquenté un hypermarché au cours du premier semestre 2013 (date de l’étude). La part de panier consacréeaux magasins de proximité est 5 fois plus importante que la moyenne, tout comme pour les circuits spécialisés (1,7 fois plus).

C’est un vrai dépensier

Sur un semestre de courses alimentaires, le ménage parisien dépense 13 € de plus qu’un ménage moyen, pour 20 articles de moins.

Les magasins spécialisés partent (aussi) à la rencontre des Parisiens

Info ou intox, Ikea a déclaré en 2014 réfléchir sérieusement à s’installer dans Paris intra-muros, à l’opposé de son modèle de grands magasins situés en périphérie. D’autres ont réellement franchi le périphérique, comme Boulanger, qui a inauguré son premier magasin parisien dans le quartier de l’Opéra fin 2015 (en attendant d’investir le centre commercial Beaugrenelle et le site Rosa Parks dans le XIXe arr.). Le robinet des ouvertures est désormais ouvert, puisque Leroy Merlin, qui ne comptait qu’un unique site à Beaubourg, peut désormais compter sur le magasin de Daumesnil (10 000 m²) depuis l’été 2015 et prépare d’autres ouvertures, dont une sur le site de Rosa Parks. Ces nouveaux arrivants doivent cependant s’adapter à des clients friands d’horaires d’ouvertures élargis, de solutions de retrait en quelques minutes, et souvent dépourvus de véhicule (six ménages sur dix ne possèdent pas de voiture à Paris).

Un duopole de longue date entre Casino et Carrefour

Part de marché des groupes de distribution alimentaires dans Paris en 2013

Source : estimations de l’Autorité de la concurrence

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