Les GMS au rythme des 35 heures

Depuis le début 2000, l'institut Marketing Scan a mesuré l'impact du passage aux 35 heures sur la fréquentation des magasins alimentaires. Ses conclusions, présentées en exclusivité dans LSA, montrent une évolution très nette dont il faut prendre compte.
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Les sacro-saintes courses alimentaires du samedi - voire du vendredi soir pour les courageux - ne seront-elles bientôt qu'un lointain souvenir ? Adulée par certains, honnie par d'autres, la loi instituant les 35 heures a en tout cas modifié les habitudes des consommateurs fréquentant les magasins alimentaires (supermarchés et hypermarchés). Et la principale modification observée par l'institut MarketingScan réside, justement, dans le relatif affaiblissement du pic que représentaient traditionnellement le vendredi et le samedi. Les tableaux que nous publions ci-contre le montrent : tant en fréquentation qu'en sommes dépensées, les deux derniers jours de la semaine enregistrent une légère diminution, au béné-fice du lundi et du mardi. Et si les chiffres, modestes, prouvent qu'il ne s'agit pas d'une révolution, la tendance s'est affirmée entre 2000 et 2002.

Comment ce changement est-il vécu sur le terrain ? Pour le savoir, nous avons interrogé des distributeurs alimentaires répartis sur tout le territoire. Dans l'ensem-ble, le phénomène de lissage souligné par l'étude est confirmé. À deux exceptions près. Adhérent Système U dans le Calvados, Olivier Catherine l'assure : « L'impact des 35 heures, c'est quelque chose dont on entend beaucoup parler dans les médias mais, à notre niveau, nous ne le ressentons pas. Il y a tellement de paramètres locaux qui jouent sur le chiffre d'affaires d'un point de vente qu'il est impossible d'en isoler un en particulier. »

Même constat et tentative d'explication de la part de Patrick Pailloux, directeur du magasin Géant de Grand-Quevilly (76). « Lors de l'élaboration de mon budget prévisionnel 2003, en prenant en compte le nombre de samedis et autres jours de la semaine, je n'ai relevé aucun changement notable dans les chiffres d'affaires au jour le jour, assure-t-il. Les gens continuent de faire leurs courses alimentaires le vendredi ou le samedi soir. Que voulez-vous qu'ils achètent le lundi ou le mardi en frais alors qu'ils ne savent pas quels amis passeront les voir le week-end suivant ? Si impact des 35 heures il y a, pour nous, généralistes, il est infime. »

Des transferts évidents

Ces deux témoignages reflètent néanmoins une opinion mino- ritaire parmi les commerçants que nous avons interrogés. Tous les autres évoquent un « lissage », un « rééquilibrage », un « glissement ». Et chacun pointe une évolution plus ou moins marquée sur une période particulière de la semaine. « La fréquentation est en progression le mercredi et le vendredi, en baisse le samedi, note ainsi Michel Gauron, directeur du Leclerc de Saint-Médard-en-Jalles (33). Des transferts semblent s'opérer en particulier entre le samedi (de -10 à -12 % de chiffre d'affaires) et le vendredi (+15 %). On perçoit également une évolution dans les tranches horaires : la fréquentation diminue sur celle, tardive, des 21-22 heures. »

Plus atypique, un magasin Éco Service, situé près de Saint-Étienne (42), note « un net transfert des courses du samedi vers le dimanche matin, qui est le moment où nous réalisons notre plus gros chiffre d'affaires ». Globalement, ce franchisé estime qu'il n'y a « plus vraiment de pic de fréquentation ».

Autre cas à part, celui du Casino de la station balnéaire de Saint-Cyr-sur-Mer (83). « Les vendredi et samedi restent les plus gros jours de la semaine, mais leur poids diminue, reconnaît son directeur, Thierry Salichon. Le samedi matin est toujours intense, mais on ressent un glissement l'après-midi. Ce sont le lundi et le mercredi qui progressent le plus. On peut l'attribuer aux RTT, mais aussi aux personnes qui travaillent quatre jours par semaine et gardent leur week-end pour faire autre chose. »

Le temps libre avant les courses

Quant aux interprétations, elles sont tout aussi divergentes que les constats eux-mêmes. D'accord avec les conclusions de l'étude MarketingScan, plusieurs distributeurs estiment que la baisse de fréquentation des fins de semaine révèle l'assimilation croissante des courses alimentaires à une corvée. « Paradoxalement, les gens sont beaucoup plus pressés, estime André Deljarry, PDG de l'Intermarché de Juvignac (34). Ils organisent leur temps libre autour de leurs loisirs et ne veulent plus passer trop de temps à faire leurs achats. Ils n'acceptent plus les magasins encombrés. »

Au Carrefour d'Anglet (64), Yolande Guchen, responsable du service caisses, a également noté « un changement de comportement d'achat des clients : comme ils doivent consacrer plus de temps et d'argent aux loisirs, ils font beaucoup plus attention à ce qu'ils achètent, sont moins prompts à l'achat d'impulsion ». L'analyse de Daniel Gournay, directeur d'un Système U et membre de la commission d'achats liquides, est à l'opposé. « Les consommateurs ayant désormais plus de temps disponible, ils s'intéressent davantage aux produits », juge-t-il.

Les cadres privilégient la semaine

Pour expliquer ces différentes analyses, peut-être faut-il segmenter la clientèle, comme l'a fait MarketingScan. Confirmant les habitudes distinctes des catégories socioprofessionnelles, Bruno Lavaure, directeur du Carrefour de Givors, avance une explication : « La clientèle du samedi reste populaire. Il s'agit de personnes qui font du moment des courses un moment de loisir. La clientèle de la semaine est plutôt composée de cadres pour qui les courses sont un passage obligé. » Un jugement qui peut sembler socialement caricatural, mais que les chiffres de l'étude tendent, au moins en partie, à confirmer. Une certitude au moins se détache de la quasi-totalité des témoignages recueillis : le lissage sur la semaine de la fréquentation des points de vente semble avoir plus d'effets positifs que négatifs. Et si les plus petits magasins soulignent la nécessité de maintenir en permanence un minimum de personnel en service, les hypers y voient plutôt une opportunité de mieux organiser les congés des salariés. Et leurs RTT ! Au Carrefour d'Anglet, on note que « le personnel a plus de facilité à prendre des samedis que par le passé ».

Les enseignes poussent le mardi

D'ailleurs, plusieurs enseignes déploient des politiques incitatives visant à accentuer le lissage de la fréquentation. Ce qui, en pratique, se traduit, par exemple chez Carrefour et Auchan, par des avantages proposés aux clients du mardi. En région lyonnaise, les porteurs de carte Accord bénéficient d'une réduction de 10 % sur les produits à marque propre Auchan achetés ce jour-là. Et dans certains Carrefour, le client du mardi possédant la carte Pass se voit offrir des bons d'achat représentant 5 % de son panier du jour. La thèse défendue par Frédéric Basseto, de MarketingScan, selon laquelle tout le monde trouverait son compte dans une meilleure répartition des visites en magasins, semble se confirmer. Mais ne rêvons pas : les magasins vides et les parkings déserts le samedi matin ne sont pas pour demain.

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