Les GMS au rythme des 35 heures
Comment ce changement est-il vécu sur le terrain ? Pour le savoir, nous avons interrogé des distributeurs alimentaires répartis sur tout le territoire. Dans l'ensem-ble, le phénomène de lissage souligné par l'étude est confirmé. À deux exceptions près. Adhérent Système U dans le Calvados, Olivier Catherine l'assure : « L'impact des 35 heures, c'est quelque chose dont on entend beaucoup parler dans les médias mais, à notre niveau, nous ne le ressentons pas. Il y a tellement de paramètres locaux qui jouent sur le chiffre d'affaires d'un point de vente qu'il est impossible d'en isoler un en particulier. »
Même constat et tentative d'explication de la part de Patrick Pailloux, directeur du magasin Géant de Grand-Quevilly (76). « Lors de l'élaboration de mon budget prévisionnel 2003, en prenant en compte le nombre de samedis et autres jours de la semaine, je n'ai relevé aucun changement notable dans les chiffres d'affaires au jour le jour, assure-t-il. Les gens continuent de faire leurs courses alimentaires le vendredi ou le samedi soir. Que voulez-vous qu'ils achètent le lundi ou le mardi en frais alors qu'ils ne savent pas quels amis passeront les voir le week-end suivant ? Si impact des 35 heures il y a, pour nous, généralistes, il est infime. »
Des transferts évidents
Ces deux témoignages reflètent néanmoins une opinion mino- ritaire parmi les commerçants que nous avons interrogés. Tous les autres évoquent un « lissage », un « rééquilibrage », un « glissement ». Et chacun pointe une évolution plus ou moins marquée sur une période particulière de la semaine. « La fréquentation est en progression le mercredi et le vendredi, en baisse le samedi, note ainsi Michel Gauron, directeur du Leclerc de Saint-Médard-en-Jalles (33). Des transferts semblent s'opérer en particulier entre le samedi (de -10 à -12 % de chiffre d'affaires) et le vendredi (+15 %). On perçoit également une évolution dans les tranches horaires : la fréquentation diminue sur celle, tardive, des 21-22 heures. »Plus atypique, un magasin Éco Service, situé près de Saint-Étienne (42), note « un net transfert des courses du samedi vers le dimanche matin, qui est le moment où nous réalisons notre plus gros chiffre d'affaires ». Globalement, ce franchisé estime qu'il n'y a « plus vraiment de pic de fréquentation ».
Autre cas à part, celui du Casino de la station balnéaire de Saint-Cyr-sur-Mer (83). « Les vendredi et samedi restent les plus gros jours de la semaine, mais leur poids diminue, reconnaît son directeur, Thierry Salichon. Le samedi matin est toujours intense, mais on ressent un glissement l'après-midi. Ce sont le lundi et le mercredi qui progressent le plus. On peut l'attribuer aux RTT, mais aussi aux personnes qui travaillent quatre jours par semaine et gardent leur week-end pour faire autre chose. »
Le temps libre avant les courses
Quant aux interprétations, elles sont tout aussi divergentes que les constats eux-mêmes. D'accord avec les conclusions de l'étude MarketingScan, plusieurs distributeurs estiment que la baisse de fréquentation des fins de semaine révèle l'assimilation croissante des courses alimentaires à une corvée. « Paradoxalement, les gens sont beaucoup plus pressés, estime André Deljarry, PDG de l'Intermarché de Juvignac (34). Ils organisent leur temps libre autour de leurs loisirs et ne veulent plus passer trop de temps à faire leurs achats. Ils n'acceptent plus les magasins encombrés. »Au Carrefour d'Anglet (64), Yolande Guchen, responsable du service caisses, a également noté « un changement de comportement d'achat des clients : comme ils doivent consacrer plus de temps et d'argent aux loisirs, ils font beaucoup plus attention à ce qu'ils achètent, sont moins prompts à l'achat d'impulsion ». L'analyse de Daniel Gournay, directeur d'un Système U et membre de la commission d'achats liquides, est à l'opposé. « Les consommateurs ayant désormais plus de temps disponible, ils s'intéressent davantage aux produits », juge-t-il.