Les grandes manoeuvres se poursuivent dans le frais non laitier
Marie Cadoux
\ 00h00
Marie Cadoux
Deux annonces en l'espace de deux jours ! À la veille du grand week-end de l'Ascension, le marché des produits frais non laitiers s'est brusquement animé par l'annonce de deux opérations. La première, le rachat de Comtesse du Barry par MVVH, holding de tête de Delpeyrat, est finalisé et va permettre à la coopérative Maïsadour d'accélérer son développement à l'international. La seconde, les négociations exclusives entamées par le groupe Financière Turenne Lafayette pour le rachat de Madrange, incite à une plus grande prudence, tant ce dossier a fait l'objet de rebondissements ces dernières années. Force est de constater que ces deux groupes se sont bâtis à coup d'opérations de croissance externe, chacun dans le respect de leur culture. Distinctes, ces deux opérations n'en témoignent pas moins de l'effervescence qui caractérise le secteur des produits frais non laitiers confronté au défi de la taille critique et de la concurrence exacerbée.

Maïsadour diversifie ses débouchés avec Comtesse du Barry
MVVH, la holding détenue majoritairement par le groupe coopératif du Sud-Ouest Maïsadour mais aussi par Vivadour et Val de Sèvre, deux autres coopératives, vient d'annoncer le rachat de Comtesse du Barry. Créée en 1908 à Gimont (Gers) et détenue depuis trois générations par la famille Bramel, elle réalise un chiffre d'affaires de 30 millions d'euros via trois circuits de distribution : les boutiques - 62 au total - la vente par correspondance et internet. Comtesse du Barry, qui chaque année produit 150 tonnes de foie gras - soit de 30 à 35 % du chiffre d'affaires global -, est également présente sur le marché des pâtés fins et des plats cuisinés. « Avec cette opération, nous pourrons appuyer le développement du groupe sur des circuits et une marque complémentaires », explique Thierry Blandinières, directeur général de Maïsadour et président de Delpeyrat. Filiale à 100 % du groupe Maïsadour, Delpeyrat restera entièrement dédiée à la grande distribution.
Maïsadour
1,006 Mds € de CA
14,3 M € de résultat net pour l'exercice 2009-2010
Delpeyrat
420 M € de CA estimé au 30 juin 2011
3 activités principales
- 270 M € le foie gras et les produits à base de canard
- 75 M € le jambon de Bayonne
- 65 M € les plats cuisinés Une marque dédiée à la grande distribution
Comtesse du Barry
30 M € de CA dont 35% pour l'activité foie gras Un site de production à Gimont
Trois circuits de distribution
- Boutiques 55% du CA
- VPC 40% du CA
- Internet 5% du CA
Ambitions internationales
Ce qui n'exclut pas des synergies au niveau des achats, du back-office et de la logistique entre les deux entités. Le management opérationnel restera confié à Luc Bramel, directeur général délégué.
La coopérative Maïsadour nourrit des ambitions sur la scène internationale. Elle est sur le point d'ouvrir un atelier de préparation des produits transformés à base de canard à Shanghaï. La restauration haut de gamme est en ligne de mire avec un partenariat noué cette année entre Delpeyrat et le chef étoilé Guy Martin, très connu en Asie. Avec cette acquisition, la coopérative n'entend donc pas miser uniquement sur la grande distribution et la restauration pour pénétrer les marchés étrangers, mais également les circuits spécialisés, « excellent vecteurs d'image pour les produits de la gastronomie du Sud-Ouest », juge Thierry Blandinières. Dans les cinq prochaines années, le groupe compte ouvrir chaque année au moins une boutique par an dans une capitale étrangère. La première pourrait voir le jour à Montréal où Maïsadour détient une filiale, Élevages Périgord, hérité du rachat d'Excel Développement en 2008. D'autres ouvertures (New York, Shanghai) sont envisagées à moyen terme. Mais la France - où Comtesse du Barry vient d'ouvrir son premier magasin en centre commercial à Vélizy 2 - n'est pas en reste. Avec l'ouverture de 5 à 10 boutiques par an dans les cinq ans, l'enseigne table sur une progression de 10 % par an du chiffre d'affaires. Objectif : préserver l'équilibre actuel entre franchisés (au nombre de 30) et succursales (32).

Surtout, Delpeyrat qui réalise un CA de 65 M € sur le segment des plats cuisinés, essentiellement à la coupe, pourrait envisager un système de licence à la marque Comtesse du Barry. Après l'échec de la reprise de Marie (2009), Delpeyrat a mis la main peu après sur la partie traiteur de Loeul et Piriot et ses deux usines. Au total, Delpeyrat dispose de trois sites industriels et d'une capacité de production de 12 000 tonnes. Cependant, enfermé dans son périmètre de la gastronomie du Sud-Ouest, Delpeyrat ne parvient pas à s'imposer au rayon des plats cuisinés en libre-service. Comtesse du Barry lui en fournira peut-être l'occasion...
Madrange en pourparler s exclusifs avec Turenne Lafayette
Un peu plus de deux ans après la tentative de rachat de Madrange par le groupe Turenne Lafayette, en février 2009, l'histoire semble se répéter. Dans un communiqué, le groupe agroalimentaire dirigé par Monique Piffaut annonce être entré en négociation exclusive pour la reprise du charcutier limougeaud dirigé par Jean Madrangeas. Contactée, la présidente du groupe Turenne Lafayette se refuse pour le moment à tout commentaire et fait volontiers rappeler par son service de presse que l'opération n'est pas encore bouclée. En 2009, elle avait achoppé en raison de divergences, notamment sur la cession de la totalité des murs.
Groupe Financière Turenne Lafayette
679 M € répartis entre deux divisions
- La conserve (William Saurin, Panzani, Garbit, etc.)
405 M € de CA
17 500 tonnes
1 100 salariés en CDI
- La division frais
273 M € de CA en 2010
731 salariés
Madrange
273 M € de CA en 2010
50 500 tonnes
Deux pôles
- La charcuterie cuite (jambon cuit, mousses et terrines et jambon de volaille) : 95% des volumes et 94% du CA
1 000 salariés
- La charcuterie sèche (jambon sec pour l'essentiel) : 5% des volumes et 6% du CA
80 salariés
Un dénouement proche
Nul doute que ce point doit cette fois-ci encore faire l'objet de négociations entre les deux parties. Dans une interview accordée à LSA en septembre 2009, la présidente confiait volontiers à propos de Madrange : « C'est une très belle entreprise, avec une très belle marque qui aurait trouvé sa place dans le pôle charcuterie du groupe. » Le dénouement semble cette fois très proche même si la reprise de Madrange s'apparente à un feuilleton à rebondissements qui dure depuis des années. Cependant, l'enjeu pour la filière porcine en pleine crise mais aussi pour l'emploi est devenu si important que les discussions se sont déroulées sous l'égide du Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri). Dans un communiqué commun, les ministères de l'Économie et de l'Agriculture « saluent le projet de reprise de Madrange, fleuron de l'industrie agroalimentaire et des produits charcutiers français ». Avec une part de marché du jambon cuit désormais inférieure à 2% et un CA de 273 M € en 2010 contre 308 M € fin 2008, Madrange n'a cessé d'accumuler les déboires. En cause, un marché du jambon cuit sous MDD extrêmement concurrentiel et également des problèmes de management qui ont sans nul doute mis à mal la crédibilité de la marque auprès des acheteurs de la grande distribution.