
«Nous souhaitons, un jour, que toutes les chips Lay’s vendues en France soient fabriquées avec des pommes de terre françaises », affirme Olivier Péchereau, directeur général de PepsiCo France. Et pour y parvenir, il compte notamment sur Quentin Moilet, exploitant à Soyécourt, dans la Somme, et directeur général associé de la SAS Chipex. Une des terres les plus fertiles d’Europe avec plus de 10 mètres de limon sous les pieds ! Concrètement, PepsiCo achète ses pommes de terre en France à 16 fournisseurs, dont Chipex, qui travaillent avec 340 agriculteurs.
Et, de son côté, le négociant Chipex s’approvisionne avec 120 agriculteurs, dont 20 pour PepsiCo. Chipex est dirigée par la famille Moilet, qui détient également deux exploitations, l’une dans la Somme et l’autre dans l’Aisne (9 000 tonnes de pommes de terre au total). La famille Moilet a commencé à travailler avec la multinationale américaine en livrant le Portugal puis l’Espagne. En 2010, elle signe avec l’usine de Furnes en Belgique. Dix ans plus tard, 18 000 tonnes ont été livrées en 2020 et, cette année, l’objectif est d’atteindre les 28 000 tonnes ! En sachant que Furnes voit passer tous les ans 130 000 tonnes. « 36 % des volumes de Lay’s vendus en France se font avec des pommes de terre françaises, et ce ratio monte à 95 % pour la gamme traditionnelle Paysannes et À l’Ancienne », précise Olivier Péchereau. Ce qui n’est pas rien lorsque l’on sait que Lay’s, marque née en 1932 dans l’Ohio détient aujourd’hui 39 % de part de marché en France.
Honneur à la profession
Mais comment se déroulent les relations entre les deux parties ? « Nous avons une relation particulière avec PepsiCo. Nous ne travaillons pas seulement sur une simple fourniture de pommes de terre basiques, mais sur le long terme. Par exemple, en développant ensemble de nouvelles variétés », explique Quentin Moilet. Le négociant signe chaque année un contrat avec l’industriel, avec des prix et des volumes définis pour chaque mois. « Les prix ont augmenté depuis dix ans », note l’agriculteur. « Chipex est très impliqué avec nous », assure-t-on chez PepsiCo. « Depuis trois ans, nous avons lancé avec eux un vaste chantier sur la traçabilité des lots. Si nous travaillons avec un vrai cahier des charges, nous avons surtout de fortes relations », ajoute Quentin Moilet. « Nos huit salariés connaissent tous l’équipe agro de PepsiCo et nous allons régulièrement visiter l’usine de Furnes », poursuit-il.
Quant à la loi Egalim, elle n’a pas eu ici les résultats escomptés. « Elle n’a rien changé à notre travail. Vous pouvez toujours essayer de mettre un stop au milieu de l’autoroute : personne ne s’arrêtera. Et pensez-vous que, sur son tracteur, un agriculteur peut rédiger un contrat d’une dizaine de pages ? », peste Quentin Moilet. « La guerre des prix en GMS, qui est unique en Europe, m’inquiète. L’objectif d’Egalim était de l’arrêter. Cela ne marche pas, puisque nos coûts augmentent et que nos prix baissent. Cela ne peut plus durer, car nous souhaitons continuer à développer nos relations avec l’agriculture française et ses agriculteurs formidables », prévient Olivier Péchereau. Pour lui, la guerre de prix ralentit le processus d’industrialisation en France et les investissements de groupes étrangers. « Nos boissons sont embouteillées dans sept usines en France. Et pour les chips, nous espérons in fine qu’elles seront aussi fabriquées en France. »
Quant à l’ambiance actuelle, elle est pesante. « L’agribashing est détestable. Il faut rendre notre honneur à notre profession. Trop d’exploitants abandonnent leur métier. Autour de nous, trois agriculteurs se sont suicidés en cinq ans. Je vous assure qu’aujourd’hui il n’est pas simple de recevoir un journaliste , nous déclare Quentin Moilet. Cela me rend fou. Il faut peut-être se réinventer. Mais ça ne suffira pas. Tout le monde doit se poser les bonnes questions et arrêter de dire n’importe quoi. En trente ans, l’utilisation des phytosanitaires a été divisée par quatre ! »
Même son de cloche de PepsiCo. « Notre filière agricole est une filière d’excellence. Elle répond parfaitement aux attentes de qualité et de traçabilité. Et personne ne peut mettre en doute son savoir-faire », confirme Olivier Péchereau. Ni son implication. Et pour s’en convaincre, il suffit de se rendre à Soyécourt. Diplômé d’une école de commerce et d’un master en entrepreneuriat, Quentin Moilet, 28?ans, représente la septième génération de la famille à cultiver les terres de la Somme. Et malgré toutes les difficultés actuelles, il demeure optimiste et espère que son fils prendra le relais. Mais il n’a que… 3 mois.
Yves Puget, à Soyécourt
- CA 2020 : 1 Mrd €
- 700 collaborateurs
- 15 marques et 800 références