Les marges des enseignes au plus bas sur les produits agricoles
Le rapport sur la formation des prix et des marges des produits alimentaires confirme la faible rentabilité de certains rayons. Les syndicats accusent toutefois les enseignes de capter la valeur ajoutée.
Il faut sérieusement s’accrocher pour lire et tirer des conclusions du rapport de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, qui doit être remis chaque année au Parlement. Il compte pas moins de 260 pages ! Mais pour faire simple, il n’y aurait pas de captation de la valeur ajoutée par les enseignes au détriment des exploitants agricoles. Ni même des industriels vis-à-vis de ces derniers.
Des liens distendus
« Il y a au fond deux univers, l’agricole et l’alimentaire, de plus en plus distincts, et pour certaines filières, comme les céréales et le pain ou le blé dur et les pâtes, la deconnexion est presque totale. Pour d’autres, comme le lait et le fromage, ou la viande, le lien est surtout subjectif », écrit Philippe Chalmin, président de l’Observatoire. Les variations de cours des produits agricoles ne viennent pas de la pression de l’aval, même si elles existent, mais des cours mondiaux – pour le lait, ce sont les « enchères Fonterra » en Nouvelle-Zélande, pour le blé, les cours à Chicago – qui font aussi les cours en France.
Une valorisation de l’offre qui coûte aux enseignes
Certes, les prix à la production ont plongé et les exploitants agricoles français n’arrivent pas à couvrir leurs coûts de production. Mais les industriels, transformateurs ou coopératives n’en sont pas responsables. Et dans les rayons, les marges des enseignes sont négatives ou faibles. Ainsi, pour 100 € de chiffre d’affaires, elles sont à - 5,3% en poissonnerie, à - 1,3%en boucherie, et à - 0,7% en boulangerie . Elles sont très faibles en produits laitiers (+ 0,1%) et en fruits et légumes (+ 1,4%). Mais plus fortes en volaille (+ 5%) et en charcuterie (+ 5,7%).
D’où vient cette différence de marge ? Pour partie, de la transformation. Ou des charges de personnel. Pour la boucherie et la poissonnerie, le distributeur est contraint de valoriser son rayon, via les bouchers, les poissonniers, le coût des étals. C’est l’enseigne qui prend en charge la valorisation de l’offre ; et elle lui coûte. Alors que pour la charcuterie et la volaille, c’est l’industriel qui met en avant les produits.
Certes, la FNSEA s’insurge sur les tendances divergentes entre prix alimentaires et prix agricoles. « Comment ne pas s’interroger sur la nouvelle baisse généralisée en 2015 des prix payés aux producteurs (- 2,4% en moyenne, - 15% dans le lait par exemple), alors qu’en magasin les prix sur les étiquettes ont augmenté (+ 0,5%) ?, interroge le syndicat présidé par Xavier Beulin. La crise bénéficie à certains acteurs : grande distribution ou transformateurs… L’étude montre que sur les trois produits phares que sont le steak haché, la longe de porc, le lait UHT, l’écart grandit entre le prix payé aux producteurs et le prix payé par le consommateur. »
L’analyse n’est pas totalement fausse, puisqu’en réalité, face à la forte volatilité des prix agricoles, les distributeurs restent assez passifs. En 2014, les cours du lait ont grimpé, et leurs marges ont fondu. Et quand les cours baissent, les marges des enseignes se regonflent. Mais pas à un niveau aussi élevé que les syndicats agricoles veulent le croire. La faiblesse des marges sur tous les rayons le prouve.
Ce que dit l’Observatoire
- Boucherie et poissonnerie perdent de l’argent.
- Les marges sont nulles ou quasi nulles surles fruits et légumes et les produits laitiers, tandis que charcuterie et volaille sont à 5%.
- L’approche de marge nette par rayon est assez artificielle et n’est pas utilisée comme un critère de gestion.
- La totalité des acteurs ont approuvé le rapport avant sa publication.