Les mètres carrés commerciaux de plus en plus à la peine
L'immobilier de commerce s'enferre dans ses paradoxes. La consommation est atone, mais la production de surfaces commerciales ne tarit pas. Les chiffres d'affaires dépriment, sans que les loyers n'échappent aux hausses indicielles. Par contrainte plus que par choix, la profession devra s'autoréguler.
Daniel Bicard
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Daniel Bicard
Cran après cran, la mécanique de l'immobilier commercial se grippe. Les experts de la fédération Procos, du Conseil national des centres commerciaux (CNCC) et du cabinet CBRE Richard Ellis, penchés sur la « machine », en ont encore fait le constat, lors de leurs bilans annuels. La consommation est atone. Le CNCC pointe non seulement une fréquentation annuelle en recul de 1,3%, mais aussi un chiffre d'affaires en baisse de 0,5% : « Performance négative enregistrée trois fois seulement depuis quarante ans, en 1993 et 2009 », souligne son président, Éric Ranjard.
À peine plus optimiste, Procos évalue l'évolution des ventes du commerce spécialisé à + 0,1% en 2011 (à périmètre comparable). Tandis que les commissions d'aménagement commercial « shadockiennes » continuent d'alimenter la pompe à mètres carrés commerciaux constructibles. Soit 3,1 millions autorisés l'année dernière, à peine moins qu'en 2010. Et pendant ce temps, les commerçants souffrent... Les taux d'effort [NDLR : loyers et charges rapportés aux chiffres d'affaires] relevés par CBRE Richard Ellis auprès de grandes foncières ne cessent de grimper depuis 2007, dépassant la barre des 9% pour atteindre jusqu'à 12%. Les chiffres d'affaires s'étiolent, mais les loyers grimpent... mécaniquement, sous l'effet, de l'ILC, indice pourtant modérateur mis en place depuis trois ans, qui ressort à + 2,88% au troisième trimestre 2011. Et plus encore avec l'ICC, indice antérieur qui bat les records à + 6,84% et garde notamment cours chez les inflexibles propriétaires-rentiers de rues commerçantes !
Centres et périphéries à redéfinir
Le moteur va-t-il exploser ? Pas encore. Déjà, par une sorte d'effet décanteur de la crise, les acteurs sont contraints de « s'autoréguler ». Ainsi, les promoteurs annoncent en début d'année leurs intentions de surfaces (autorisées ou non) livrables à cinq ans. Avec 457 projets pour 6,8 millions de mètres carrés, selon Procos, ce stock théorique est, pour la première fois depuis dix ans, en baisse. En revanche, la proportion de surfaces autorisées (49,7%) s'est accrue de 7,6%. Ainsi, « la croissance du parc commercial semble davantage tirée par les collectivités que par les promoteurs privés, circonspects sur la conjoncture, mais surtout confrontés à un secteur financier de plus en plus exigeants sur les taux de précommercialisation des projets », analyse Pascal Madry, directeur de Procos.
Où donc et comment construire à coup sûr ? Certes, la périphérie offre le plus d'espace, puisqu'elle rassemble 84% des projets à cinq ans, une proportion stable. En revanche, même s'il n'est pas facile d'y débusquer de la place, la part des centres-villes (14%) s'accroît de 11%. Beaugrenelle à Paris, So'Ouest à Levallois-Perret (92) ou les Rives de l'Orne à Caen (14) font partie de ces projets de revivification intra-urbaine. Au-delà, « les promoteurs ciblent le marché de l'immobilier commercial de proximité, et s'intéressent à des villes moyennes, voire petites, où ils développent des programmes mixtes, associant commerces, logements et équipements », note-t-on chez Procos.
À ceci près que sur le critère de leur activité économique, la notion même de centres-villes et de périphéries est à reconsidérer. Longtemps, les premiers ont été tenus pour les archétypes de la proximité. Il est vrai que Procos relève la meilleure performance annuelle dans les rues de centres-villes (+ 0,7%), quand le commerce spécialisé décline en périphérie (- 0,5%) et dans les centres commerciaux de centre-ville (- 1%).
Déplacements limités vers les centres-villes
De même, en raisonnant par typologie d'emplacement, le CNCC établit que les centres commerciaux les plus déprimés sont ceux de coeur de ville (- 1,5% en cumul sur douze mois à fin novembre 2011), ainsi que les « gros » à attraction régionale (- 1,2%). Alors que les plus modestes centres intercommunaux résistent, à - 0,2%. « N'oublions pas qu'une majorité de la population vit dans les périphéries, et tient compte du prix du carburant dans ses déplacements... y compris vers les centres-villes », souligne Jean-Michel Silberstein, délégué général du CNCC. Une donnée qui risque de compter encore plus en 2012.
Encore et toujours des projets...
3,1 millions Le nombre de mètres carrés autorisés en commission en 2011 (versus 3,2 millions en 2010)
Source : Procos
... Mais des fréquentations et des chiffres d'affaires en baisse
- 0,5 % L'estimation de l'activité des centres commerciaux sur l'année 2011 (versus + 0,8 % en 2010)
- 1,3 % La baisse de fréquentation des centres commerciaux en 2011
Source : CNCC