Les négociations commerciales s'ouvrent sur fond de guerre des prix
Le plateau de stratèges de la grande distribution s'est évertué, lors du Congrès Négociations commerciales organisé par LSA à Paris, à réfuter toute politique de guerre des prix, tout en précisant qu'il ne serait pas question que les conditions tarifaires proposées par les fournisseurs les écartent de la concurrence. Un discours à mi-chemin entre les craintes de créer des tensions et celles de perdre des parts de marché. Autre sujet de la journée : l'alliance Système U-Auchan, qui pose beaucoup d'interrogations.
Sylvain AUBRIL
\ 20h40
Sylvain AUBRIL
C'est Georges Plassat, PDG de Carrefour, qui a ouvert le bal du Congrès "Négociations Commerciales 2015" organisé par LSA aux Folies Bergères, à Paris. Michel-Edouard Leclerc les a clôturées. En tout cas du côté des dirigeants d'enseignes ! L’intervention du patron des Centres Leclerc s’est en effet tenue juste avant celle de la secrétaire d’Etat au Commerce, Carole Delga, venue rappeler les nouvelles règles de la loi Hamon et la volonté de régulation économique du gouvernement, qui a "convoqué" ou invité les parties à une réunion sur la guerre des prix dans les prochains jours. Entre les deux, un plateau exceptionnel de distributeurs, de Vincent Mignot (Auchan) à Serge Papin (Système U), et Thierry Cotillard, dirigeant d'Intermarché. Les "Big Five" de la distribution, en quelque sorte.
Négociations commerciales 2015 : ambiance étonnante
Georges Plassat, connu habituellement pour son punch et sa répartie, a tenu un discours très - presque trop - apaisant, notamment concernant la guerre des prix et la situation économique. "On dit que la consommation baisse, c'est faux, elle tient et même plutôt bien. Carrefour a gagné des parts de marché sur tous ses formats. La psychose que certains entretiennent n'est pas la meilleure conseillère, elle n'aide pas à faire les bons choix". La prestation de Serge Papin et de Vincent Mignot, venus parler de l'alliance Système A, était nettement plus réservée sur les effets de la déflation et de la guerre des prix. C'est même la raison principale du rapprochement des deux enseignes, selon Serge Papin. "La déflation a été voulue par la LME, elle donne un avantage au leader, c'est la loi du plus fort, et elle est défavorable à Système U qui pèse la moitié du leader. Nous avons fait cette alliance dans un souci de pérennité du réseau, on se redonne les moyens d'une ambition", a-t-il lancé, soutenu par de nombreux hochements de tête de Vincent Mignot, directeur général d'Auchan.
La guerre des prix au cœur des débats
Ce dernier a enchaîné sur la "nécessité de massifier pour conserver notre politique commerciale, élargir l'offre, au bon positionnement prix". Et d'ajouter que l'alliance visait à "obtenir de meilleures conditions d'achat". Les deux suggèrent que l'accord aurait un "effet dilutif sur la guerre des prix", les trois leaders affichant la même part de marché supérieure à 20 % : il suffirait donc que les fournisseurs opèrent une réallocation de ressources entre enseignes d'un même poids... Bref, il suffit d'aller chercher chez Leclerc et Carrefour ce qui peut revenir à Auchan-Système U. Subtil. Et évidemment, les deux dirigeants ont bien rappelé qu'ils n'étaient pas à l'origine de la guerre des prix. En renvoyant le sujet - comme l'a fait Georges Plassat - à Michel Edouard Leclerc. "Le thermomètre qui indiquera si les conditions sont équitables, on sait où il est", a lancé Vincent Mignot. Thierry Cotillard, dirigeant d'Intermarché, a préféré aborder le sujet des négociations via le potentiel de son enseigne qui doit devenir la "maison de la préférence client par le prix et l'offre, notamment locale". Avec tout de même un ardent désir de baisse de prix via les promos : "Nous avons 18 % de parts de marché, mais seulement 13 % via les promos. Nous voulons un rééquilibrage, via des prospectus, des opérations drive".
Attaqué, Leclerc réplique
Face aux très nombreuses accusations sur l'origine de la guerre des prix qu'entretiendrait Leclerc, la prise de parole de Michel-Edouard Leclerc était très attendue. Un peu tendu, il a lui aussi préféré éviter de surjouer la puissance d'achat. "On veut nous faire jouer le mauvais rôle. Les Centres Leclerc ne sont pas responsables de la crise et de la baisse du pouvoir d'achat. Il y a des tensions qui ne nourrissent rien de bon, un climat anxiogène alimenté par le lobby agroalimentaire. Mais s'il faut accepter des hausses de tarifs et nous entendre avec Creyssel [delégué général qui représente les enseignes intégrées], c'est non ! La constance du message de Leclerc est un gage d'assurer un débouché. Nous ferons très attention à la situation des entreprises, nous savons qu'en face il y a des salariés". Le président de Leclerc a tout de même lancé quelques flèches sur l'alliance Système U-Auchan : "Si j'avais confié un mandat de négociation à Carrefour, je ne serais pas là". Mais aussi sur la politique de Jean-Charles Naouri (PDG de Casino) "qui a décidé de flamber 10 % de son chiffre d'affaires dans des baisses de prix". L'intéressé étant très discret, on ne saura jamais ce qu'il aurait répondu à Michel-Edouard Leclerc...