Les plans de départ volontaire ne s'improvisent pas

Ils sont à la mode, mais plus pour longtemps. Appréciés des entreprises, les plans de départ volontaire échappent au contrôle des juges et pourraient lasser les salariés, difficulté de retrouver un emploi oblige.

Partager

PSA, Air France, SFR, Bouygues Télécom, Carrefour... Jamais il n'y a eu autant de plans de départ volontaire (PDV) ces derniers mois. Les PDV, nouvelle expression à la mode - qui remplace les désormais plus rares PSE (plans de sauvegarde de l'emploi), d'usage au milieu des années 2000 - ou véritable engouement ? Avec la crise, ces plans, qui existent depuis le début des années 2000, sont devenus une alternative aux plans sociaux et aux licenciements secs. Moins agressifs que des licenciements économiques, ils nécessitent pourtant une expertise juridique sans faille pour éviter les mauvaises surprises. Dans certains cabinets spécialisés dans les restructurations comme Alpha, la moitié des affaires traitées prennent la forme de plans de départ volontaire. Pourquoi une telle mode ? « C'est une procédure moins lourde et plus rapide qu'un PSE, répond Julia Talon, avocat associé au sein du département social chez Fidal. Et il ne peut pas y avoir de contentieux derrière puisque les salariés ne peuvent pas contester le motif économique du plan. » Enfin, surtout, il n'y a pas mieux en termes de communication : un « plan de départ volontaire » laisse toujours supposer qu'il y a des volontaires et que, donc, l'ajustement des effectifs se fait sans trop de casse.

Des mesures incitatives

En réalité, un plan de départ volontaire est d'abord une manière de prévenir les licenciements. Souvent inclus dans un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), comme c'est le cas chez Carrefour, ils permettent d'alléger les effectifs en fonction de l'activité. « C'est l'un des cas les plus chers pour l'employeur. Plus ça va être avantageux, plus cela va coûter cher à l'entreprise », précise Julia Talon. Les mesures incitatives (reclassement, aide à la reconversion, formation, indemnités de départ...) font partie du « package ». Mais, attention, dès lors qu'un plan de départ volontaire entraîne le départ de plus de dix personnes, l'employeur est soumis aux mêmes règles que pour un plan de sauvegarde de l'emploi.

Vide juridique

Et qui dit PSE dit contraintes supplémentaires. « Les obligations sont alors beaucoup plus contraignantes, confirme Marion Ayadi, avocat associé chez Raphaël Avocats, cabinet en droit social. Les instances du personnel doivent être consultées, elles peuvent faire appel à un expert et la Directe exerce un droit de regard ». Impossible de passer sous le joug du gendarme du travail sans prévoir des mesures en faveur des seniors et des congés de reclassement qui peuvent aller au-delà de la période de neuf mois prévue par la loi. Les entreprises doivent également redoubler de vigilance sur la qualité des cabinets de reclassement. « Trop de cabinets se contentent d'offrir un suivi flou ou des offres d'emploi en nombre insuffisant », note Marion Ayadi.

Mais lorsque le PDV n'est pas inclus dans un accord de GPEC, on tombe dans le vide juridique, celui-ci n'étant pas encadré par la loi. Seule la jurisprudence donne une ligne directrice aux employeurs. Les entreprises avancent alors de manière empirique : des mesures de reclassement ne sont pas obligatoires, les critères d'ordre comme les charges familiales non plus, et les syndicats pas forcément associés à la négociation. La différence se fait alors entre les bons et les mauvais élèves, entre les employeurs désireux de dialogue social et ceux qui se servent des plans de départ volontaire comme d'un instrument de régulation économique.

Beaucoup de PDV prévoient de définir des cibles. « Le choix doit rester objectif, explique Marion Ayadi. Âge minimal, critères d'ancienneté sont des critères objectifs, mais pas les critères liés à la compétence, trop subjectifs ». La difficulté étant de garder un équilibre entre les différentes catégories, avec des mesures incitatives mais pas trop, pour ne pas décourager ceux qui restent... Le contenu des mesures incitatives doit également retenir toute l'attention. Certains plans acceptent les « projets personnels » ou les « CDD de six mois », comme motifs de départ. Autant de possibilités qui ne garantissent pas un retour à l'emploi et déplaisent fortement aux organismes de surveillance du travail.

Toutes ces raisons font que l'engouement pour les plans de départ volontaire risque de ne pas durer. D'abord parce que toute une partie du contentieux échappe aux juges, contraints de se déplacer sur d'autres terrains, comme les critères de départ pour les salariés ou la qualité des cabinets de reclassement. Ensuite, pour des raisons conjoncturelles. Et si, jusqu'à aujourd'hui, il y avait davantage de volontaires que de restants, la tendance pourrait bien s'inverser. La barre des trois millions de chômeurs vient en effet d'être dépassée.

Les règles à suivre

Il faut que le plan de départ volontaire soit incitatif, dans les mesures de reclassement ou d'indemnisation, avec des congés de reconversion. Les seniors ne doivent pas être oubliés, avec des indemnités majorées, des périodes de formation ou d'outplacement plus longues, le paiement par l'employeur des cotisations patronales en cas de réembauche dans une autre entreprise... Attention aux mesures trop floues, comme le projet personnel. Bien déterminer les catégories professionnelles visées selon des critères comme l'âge, l'ancienneté, les charges de famille... Certains critères, comme la compétence, sont à bannir parce que trop subjectifs. Être vigilant sur la qualité des cabinets de reclassement choisis avec un cahier des charges précis.

2 mois

Le minimum pour négocier un plan de départ volontaire

Source : LSA

 

 

MARION AYADI AVOCAT ASSOCIÉ CHEZ RAPHAËL AVOCATS

 

« Les " PDV " risquent de se raréfier »

LSA - Pourquoi les plans de départ volontaire se multiplient-ils ?

Marion Ayadi - D'abord parce que c'est humainement plus facile à mettre en place, car moins douloureux pour les salariés. Et donc souvent plus facile à négocier avec les partenaires sociaux. Surtout, c'est mieux pour l'image des entreprises qui n'affichent pas de licenciements pour motif économique. Mais une entreprise qui met en place un PDV doit se conformer aux règles d'un PSE dès lors qu'il peut entraîner le départ de plus de dix personnes, ce qui signifie des contraintes de consultation du personnel, la possibilité pour les représentants du personnel de faire appel à un expert, le droit de regard de la Direccte, l'obligation de prévoir des mesures d'accompagnement suffisantes.

LSA - Cet engouement pour les plans de départ volontaire va-t-il durer ?

M. A. - Le salarié qui quitte son entreprise dans le cadre d'un départ volontaire voit son contrat rompu d'un commun accord. En conséquence, il ne peut contester le motif économique à l'origine de cette rupture. Avec la multiplication des PDV, les juges voient donc toute une partie des restructurations actuellement mises en place échapper à leur contrôle. Du coup, le contentieux se déplace sur un autre terrain : des salariés candidats au départ et qui ne sont pas pris engagent des procédures. Étant donné la conjoncture, les mesures d'accompagnement qui pourraient être moins attrayantes, les PDV risquent de se raréfier.

 

Sujets associés

NEWSLETTER Quotidienne

Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.

Votre demande d’inscription a bien été prise en compte.

Votre email est traité par notre titre de presse qui selon le titre appartient, à une des sociétés suivantes...

Votre email est traité par notre titre de presse qui selon le titre appartient, à une des sociétés suivantes du : Groupe Moniteur Nanterre B 403 080 823, IPD Nanterre 490 727 633, Groupe Industrie Service Info (GISI) Nanterre 442 233 417. Cette société ou toutes sociétés du Groupe Infopro Digital pourront l'utiliser afin de vous proposer pour leur compte ou celui de leurs clients, des produits et/ou services utiles à vos activités professionnelles. Pour exercer vos droits, vous y opposer ou pour en savoir plus : Charte des données personnelles.

LES ÉVÉNEMENTS

Tous les événements

Les formations LSA CONSO

Toutes les formations

LES SERVICES DE LSA CONSO

Trouvez les entreprises de la conso qui recrutent des talents

Stokomani

HOTE(SSE) DE CAISSE

Stokomani - 29/09/2023 - CDI - Bordeaux

+ 550 offres d’emploi

Tout voir
Proposé par
LSA

Les réseaux de Franchises à suivre

WEYOUCAR.FR

WEYOUCAR.FR

Réseau d’agences automobile

+ 2600 franchises référencées

Tout voir
Proposé par
Toute la Franchise

ARTICLES LES PLUS LUS