Les premières cartes cobrandées arrivent enfin !
marketing - Depuis le 1er octobre, les distributeurs peuvent s'associer à un organisme financier pour proposer une carte bancaire commune. Les Galeries Lafayette et LaSer Cofinoga ont dégainé les premiers, suivi par Auchan et Banque Accord. Mais gare à bien y trouver son intérêt.
Florence Bray et Véronique Yvernault
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Florence Bray et Véronique Yvernault
Chez LaSer et aux Galeries Lafayette, on devait en piaffer d'impatience : l'enseigne de grands magasins a lancé dès le 1er octobre, date de la levée de l'interdiction du cobranding en France, une carte bancaire cosignée. En partenariat avec LaSer et Mastercard, cette carte comporte tous les services d'une carte bancaire classique, avec, en plus, les offres de crédit contenues dans la carte privative Cofinoga et les avantages proposés par le programme de fidélité S'miles. Du trois-en-un !
Les Galeries Lafayette et LaSer ont prévu une grande opération de communication auprès du quelque million de clients déjà porteurs de la carte Galeries Lafayette-Cofinoga, pour en faire basculer la moitié au plus vite vers la nouvelle carte. L'objectif est ambitieux, mais nécessaire, si l'on en croit Michel Philippin, directeur général de LaSer : « Seules les cartes qui proposent un véritable contenu marketing, avec une animation commerciale forte survivront. »
De fait, il sera vite difficile de se démarquer, car l'offre de cartes cobrandées risque de devenir pléthorique au cours des semaines à venir. Déjà, Auchan vient de dévoiler sa nouvelle carte, Auchan Mastercard Pay Pass, une carte bancaire sans contact. Au-delà de l'univers de la grande distribution, plusieurs cartes ont déjà été annoncées : Nouvelles Frontières-Franfinance, Fiat-Sofinco, Renault-RCI Banque. Début 2008, Orange et BNP-Paribas sortiront une carte prépayée à destination des 12-18 ans, suivie dans l'année par l'arrivée d'une carte de paiement universel destinée aux adultes. Comme le note, non sans à-propos, Gérard Touati, directeur général de Franfinance, « le cobranding représente une nouvelle frontière de développement, car il permet à de nouveaux acteurs de venir sur le marché de la carte. C'est aussi d'une importance stratégique pour notre entreprise ».
Une question d'image
La carte est stratégique, certes, mais pas révolutionnaire. Malgré l'interdiction du cobranding, le marché français a déjà une certaine expérience. Outre les cartes Cofinoga de LaSer et Aurore de Cetelem, accessibles dans plusieurs enseignes, la plupart des distributeurs proposent depuis longtemps des cartes privatives à leurs clients, assorties d'offres de crédit à la vente ou de facilités de paiements. C'est le cas des cartes de la Fnac et de La Redoute (avec Finaref) ou de But.
« Près de 40 millions de cartes privatives sont déjà en circulation en France, auxquelles il faut ajouter les cartes de fidélité : chaque Français en possède 2,6 en moyenne », note Delphine Bittoun, directrice du marketing de la société de marketing relationnel Affinion International. Sans oublier Carrefour et Auchan, qui ont déjà lancé de vraies cartes bancaires avec Visa et Mastercard par le biais de leur propre organisme financier, Société des Paiements Pass pour Carrefour et Banque Accord pour Auchan. « Depuis son lancement en 2003, notre carte Banque Accord-Visa est clairement identifiée par nos clients comme la carte Auchan. La levée de l'interdiction du cobranding va simplement nous permettre d'ajouter notre nom commercial dessus », explique Dominique Stourme-Breton, directrice du marketing de Banque Accord. Avec cependant une innovation de taille : la carte, dotée d'une puce RFID, permet de payer ses achats en quelques secondes.
Mieux connaître ses clients
Pour les enseignes, les cartes cobrandées représentent d'abord un nouveau support de communication, que les clients garderont toujours à portée de main et qu'ils pourront utiliser partout. Mieux, ces cartes pourront être déclinées avec des visuels et des avantages adaptés à différentes cibles de clientèle. Financièrement, elles permettront de baisser les commissions prélevées par les organismes financiers pour traiter les transactions.
Pour le relationnel, en revanche, leur apport sera plus limité. « Juridiquement, le client est d'abord client de la banque qui traite les données, placées sous le sceau du secret bancaire », rappelle Thierry Dinard, directeur associé du cabinet de conseil Alténor Consulting. Mais les enseignes pourront tirer des enseignements généraux sur les achats effectués via leur carte et savoir, par exemple, que tel type de clients achetant des yaourts nature chez eux fréquente aussi une enseigne de hard-discount. Cependant, elles ne pourront pas utiliser cette mine d'informations pour des actions commerciales ou relationnelles nominatives.
L'intérêt du cobranding est aussi commercial. « Lors du passage en caisses, le client sera plus tenté d'utiliser sa carte d'enseigne avec crédit ou paiement différé que de payer en chèque ou en liquide. Or, c'est en développant les opérations de crédit que ces cartes seront rentables », note Pascal Paquet, directeur du développement d'Affinion International. Le créneau est déjà occupé par les cartes privatives. Faut-il alors les remplacer ? Non, répond Nicolas Denis, directeur commercial enseignes de Finaref : « Les cartes cobrandées s'ajouteront aux cartes privatives, mais ne les remplaceront pas. Tout le monde n'a pas intérêt à se lancer dans le cobranding. » Ainsi, Go Sport vient de lancer une nouvelle carte avec Finaref. « La question du cobranding s'est posée, mais nous avons finalement opté pour une carte privative, plus en adéquation avec les besoins de l'enseigne », poursuit Nicolas Denis.
Trois clés de succès
La fréquence d'utilisation de la carte est le principal frein. « Une carte cobrandée ne sera viable que si elle devient l'une des deux premières cartes bancaires du client », prévient Gérard Touati. Pour cela, seuls trois types de distributeurs ont intérêt à développer une carte cobrandée. Au premier chef sont concernés ceux proposant déjà des facilités de paiement ou des crédits à la vente via des systèmes privatifs, tels les spécialistes à gros paniers moyens (électroménager, meuble, bricolage, électronique).
Deuxième clé de succès, il faut disposer d'un fort taux de fréquentation, comme les grandes enseignes alimentaires. Enfin, il faut pouvoir jouer sur la fibre « affinitaire ». Cette dernière condition permettra à certains réseaux moins importants de tenter l'aventure du cobranding en surfant sur le sentiment d'appartenance à des valeurs, à des hobbys... Hors de nos frontières, certains sont allés très loin, comme Harley Davidson et US Bank avec une carte affichant une photo de vous sur votre Harley. De quoi donner envie de sortir sa carte souvent !