Les rasoirs masculins « victimes » de la mode
De nouveaux looks - la fameuse barbe de trois jours -, de nouveaux comportements - une utilisation moins fréquente... le marché des rasoirs jetables et rechargeables évolue, obligeant les marques à s'adapter. Avec des croissances, en valeur, de 3% sur les rechargeables et les lames, à 260 millions d'euros, et de 1% pour les jetables, à 135 millions d'euros, selon Nielsen (CAM à fin février), ce secteur nourrit, de fait, un fort potentiel. Et ce, malgré une évolution à deux vitesses.
371,7 M €
Le chiffre d'affaires du marché des lames et des rasoirs homme en 2010, + 1,9%
Source : SymphonyIRI
Le rechargeable repart
Alors que les rechargeables affichent une croissance exponentielle due, entre autres, aux deux grandes innovations de Gillette et de Wilkinson sur les six derniers mois, le segment des jetables enregistre une croissance moindre. « Pendant la crise, nous avons assisté à une très bonne performance des rasoirs jetables, avec des croissances de 2 à 4% en raison d'un pouvoir d'achat moins élevé des consommateurs. Depuis, les rechargeables reprennent un peu de vigueur sur les derniers mois grâce aux innovations », explique Marie Saglio, directrice générale de Bic France. Mais la crise n'est pas la seule raison de cette évolution. Les distributeurs ont également été plus offensifs sur cette cat, avec le lancement de leurs produits à marque propre, comme chez Leclerc et Intermarché. Par ailleurs, la mode a rendu les hommes plus coquets, ces derniers se mettent à la barbe de trois jours et ne veulent plus arborer le même look tous les jours, ce qui engendre, donc, une croissance moindre des ventes en volume. « Il y a trente ans, ces derniers se rasaient environ six fois par semaine et, aujourd'hui, c'est entre trois et demie et quatre fois », analyse Anne-Sophie Gaget, directrice générale de Wilkinson France (Energizer).
LA FORCE GILLETTE
Procter & Gamble, avec Gillette, est archileadersur cette catégorie, loin devant Wilkinson (Energizer). Pourtant, ce dernier a perdu des parts de marché au profit des offres des marques de distributeurs, comme chez Leclerc et Intermarché.
De nouveaux codes sociaux
En effet, les codes sociaux ont changé. Et si les ventes de tondeuses explosent avec cette mode, les acteurs du marché du rasoir se doivent de recruter de nouveaux consommateurs en apportant des bénéfices produits inédits.
Sur le rasoir rechargeable, par exemple, les hommes sont plus impliqués, le produit est plus onéreux, la relation à l'objet est très forte et le design prime.
Dans ce cadre, les deux gros acteurs du marché, Wilkinson et Gillette, ont mis les moyens. Le premier a ouvert le bal avec le lancement d'Hydro, en octobre. « Nous avons voulu redynamiser la catégorie en mettant l'accent sur la peau et le soin. Les hommes veulent des produits qui leur fassent du bien, avec une nouvelle sensation au moment du rasage », ajoute Anne-Sophie Gaget. Et la marque a clairement ouvert la brèche à un nouveau segment : le rasoir soin. Une dose de lotion hydratante sous forme de poudre est encapsulée dans le rasoir et, au contact de l'eau, elle se transforme en gel. Une première dans l'histoire du rasage, notamment rendue possible grâce au rachat, l'an passé, de la société Edge, leader sur le marché des soins masculins aux États-Unis. Fort du succès d'Hydro et de ce savoir-faire, Wilkinson élargit ses compétences avec une gamme de soins : le programme Hydro, avec des produits avant-rasage et une référence de baume. « Notre première ambition : prendre 5 % de part de marché sur les douze premiers mois sur l'avant-rasage », indique Anne-Sophie Gaget.
Les marques ont, en effet, compris que les consommateurs étaient friands de pouvoir acheter des produits de soins qui s'adaptent à leur rasoir. Gillette innove aussi avec deux gels qui vont avec son dernier-né, lancé en janvier 2011, le Fusion ProGlide - une modernisation de sa plate-forme Fusion.
WILKINSON PERD LE LEADERSHIP
Wilkinson a perdu la première place en raison d'un fort investissement de la marque avec le lancement du rechargeable Hydro en 2010. Gillette, de son côté, a innové sur les jetables avec un rasoir trois lames lubrifiées pour peaux sensibles.
LES MDD GRAPPILLENT
Tendance similaire pour les MDD sur les préparations au rasage : quand les marques nationales perdent des parts de marché, sauf Mennen, les MDD font leur beurre.
La praticité au service du rasage occasionnel
Si les jetables ont profité de la crise en raison d'un prix à l'achat moins onéreux, la reprise de croissance des rechargeables ne devrait pas cannibaliser cette dernière catégorie. « Les rasoirs jetables sont tout aussi performants que les rechargeables. Nos consommateurs sont des utilisateurs moins impliqués dans l'acte de rasage, mais souhaitent quelque chose de fonctionnel », confie Marie Saglio. Par ailleurs, les jeunes entrants ont souvent une fréquence de rasage occasionnelle. Dans ce cadre, les fabricants misent sur la praticité. Bic lance, en avril-mai, un rasoir accessible, Flex, doté de lames mobiles indépendantes les unes des autres. Wilkinson, qui a perdu la place de leader au profit de Gillette, en 2010, en raison de gros investissements liés au lancement d'Hydro, compte reprendre sa place de numéro un avec un repositionnement sur les jetables. Sur les gammes Extra 2, Extra 3 et Extrême 3, elle lance des produits avec des plaquettes lubrifiantes adaptées aux différents usages : Pure Sensitive pour le quotidien (sans paraben ni parfum) et Active (huile de jojoba et aloe vera) pour une fréquence occasionnelle. Même si les marques s'adaptent à la mode de la barbe de trois jours, elles avouent attendre de pied ferme le retour à un rasage plus fréquent, business oblige !
RASOIRS MÉCANIQUES
LA « BARBE DE TROIS JOURS » PLAÎT TOUJOURS
Représentant 4% du chiffre d'affaires du petit électroménager, à 91,8 M €, en 2010 d'après GfK, le marché du rasoir électrique reste très bien orienté, avec une hausse de 8,2%. Encore plus dynamiques, les tondeuses à barbe ont progressé de 20% l'an dernier, en valeur (source Gifam). L'effet « barbe de trois jours » plaît toujours : selon une étude réalisée par U et A Grooming Study pour Philips, 41% des Français cultivent un « style facial », dont 30% pour la fameuse barbe. Une cible que soignent les fabricants, à l'instar de Philips, qui sort deux nouvelles tondeuses proposant, pour l'une, 20 hauteurs de coupe avec des lames en diamant carbone et, pour la seconde, 18 hauteurs, des lames en acier inoxydable ondulées et autoaffutées, ainsi qu'un collecteur : fini les poils dans le lavabo ! La marque lance aussi, à la suite de Solac, une tondeuse multi-usages 9 en 1 pour couper le poil partout où il se trouve.
Wilkinson se lance dans le rasoir soin...
Une première sur le marché des systèmes : un rasoir doté d'un soin, Hydro. Une cartouche de poudre se transforme en gel au contact de l'eau pour une hydratation parfaite pendant le rasage.
... mais également sur les préparations au rasageFort du succès du rasoir Hydro, Wilkinson se lance sur les soins : le programme Hydro. La gamme compte une crème, deux gels et une mousse. Un baume après-rasage complète également cette dernière.