Les ventes flash dopent l'audience des sites
Sylvie Lavabre
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Sylvie Lavabre
Qui n'a jamais entendu l'animateur d'un hypermarché ou d'un grand magasin inviter les clients à se précipiter au rayon collants pour bénéficier pendant les vingt prochaines minutes d'une offre de trois produits pour le prix d'un ? Et égrener le temps qui s'écoule dans son micro grésillant : « Attention, plus que dix minutes... Cinq, quatre, trois... », affolant la ménagère qui accourt essoufflée pour profiter de l'aubaine ? La vente flash sur internet n'est rien d'autre que l'application de cette bonne vieille recette qui a fait ses preuves dans les magasins.
Encore fallait-il y penser. Le site Mistergooddeal s'en attribue la paternité. « Nous avons été les premiers à créer les ventes flash sur Internet. C'était en 2003 et cela s'appelait "24 heures chrono », assure David Larramendy, son directeur général. Aujourd'hui, le concept est largement répandu sur le web, que ce soit pour des produits de grande consommation, des voyages, et même des services bancaires, puisqu'on a pu voir une agence du Crédit agricole proposer l'espace de 24 heures des prêts personnels à taux cassé !
Un e-mail crée l'urgence
L'idée est donc de lancer, à un instant T et sur une durée très courte, une offre qui va inciter le client à passer à l'acte d'achat. Pour créer le sentiment d'urgence, l'e-mail s'est substitué à l'animateur en costume-cravate. L'internaute est alerté par des messages avec couleurs tape-à-l'oeil, clignotements agressifs et comptes à rebours anxiogènes. « Incroyable ! Des produits à prix coûtant ! Dépêchez-vous, stocks limités », annonce, par exemple, le mail envoyé aux internautes par la Maison de Valérie. En cliquant sur une flèche mobile orange sur fond noir, une page s'ouvre sur une vingtaine de produits d'équipement de la maison : four, lit, commode, cafetière, proposés à prix discount.
Les réductions varient en fonction des opérateurs et des produits. « Cela peut être - 20 % ou - 40 %, il n'y a pas vraiment de règle, indique Ulric Jérome, directeur exécutif de Pixmania. Tout dépend de la valeur et du prix moyen du produit. Sur un téléviseur à 2 000 E, une réduction de 5 % peut séduire les consommateurs. Mais, tient-il à préciser, il s'agit d'une véritable réduction puisque, une fois la vente terminée, le prix du produit est automatiquement remonté. Ces tarifs avantageux sont négociés avec les fournisseurs. » « Nous achetons en gros volume avec des gains de marge que nous rétrocédons à nos clients », explique Pierre Trémolières, président de Delamaison.fr. Si tous les univers sont concernés, certains, comme le gros électroménager ou les produits high-tech, sont donc plus difficiles à traiter car les marges sont plus faibles.
Le prix, mais aussi le produit
La durée de ces opérations est variable. Elle peut être de quelques heures ou de quelques jours pour des achats plus impliquants, sachant que dès que le stock est écoulé, la vente est signalée comme close. « Sur les plus belles marques, comme Bodum, tout a été vendu en deux heures », se rappelle Pierre Trémolières.
Car si le succès d'une opération dépend du prix, il est aussi lié à l'attractivité du produit proposé. « Nous sommes particulièrement attentifs à la sélection des produits en amont, réalisée par les chefs de produits de chaque univers puis validée par le service commercial », indique Ulric Jérome. D'autant que le risque est réel pour le distributeur d'écorner son image si, à l'arrivée, le produit est déceptif pour l'internaute. La vente flash n'est donc pas plus adaptée aux produits bas de gamme qu'elle ne concerne des produits de luxe, incompatibles avec l'image discount de ces ventes.
Ouvertes à tous, elles ciblent les internautes en quête de bonnes affaires. « Il s'agit d'un achat d'impulsion, d'un coup de coeur. Nous sommes dans la culture du bon plan. Sur internet, les gens veulent faire des affaires. Sur un site comme le nôtre, qui propose de très belles marques moyen de gamme, les ventes flash apportent le grain de folie qui permet de passer à l'acte d'achat pour la première fois », estime Pierre Trémolières. Avec l'assurance d'une livraison rapide. « Contrairement aux ventes privées, les ventes flash sont des achats en nombre de produits qui sont disponibles immédiatement. Ils sont expédiés à l'internaute en 24 heures. »
Car si les ventes flash génèrent des volumes - de l'ordre de 20 à 40 % de ventes additionnelles chez Pixmania -, certains y voient un outil générateur de trafic et un relais de croissance pour gagner de nouveaux clients. « Un client acquis est un client qui recommande sur le site », assure Ulric Jérome. Mais Olivier Merz, responsable web-marketing chez Tape-à-l'oeil, met en garde : « Ce sont des clients qui cherchent les opportunités. Ils ne constituent pas un recrutement de bonne qualité. Ils peuvent générer des frais de marketing importants en pure perte pour tenter de les convertir en clients fidèles. La vente flash est plutôt un plan de renfort, un levier que le distributeur peut actionner pour relancer le business à un moment où l'activité est basse ou pour créer l'événement et générer du buzz. Mais ce n'est pas l'outil de trafic par excellence. »
Des internautes demandeurs
Certains, comme Pixmania, l'ont pourtant institué comme un rendez-vous, avec un espace dédié où 50 produits tournent en permanence. Au risque de lasser les consommateurs ? Au contraire, affirme Ulric Jérome. L'internaute vient vérifier les produits proposés et regarder les bonnes affaires qui s'offrent à lui.
« Pixmania a les volumes qui lui permettent de constituer un corner mais la plupart des e-commerçants dégainent quand ils ne disposent pas d'offres très fortes par ailleurs », estime Olivier Merz.
Reste que les internautes en sont friands. À tel point que Carrefour s'y est essayé... sur le réseau social Facebook, en mettant en ligne un produit non-alimentaire par jour en quantité limitée pendant cinquante jours, à l'occasion de son anniversaire. Chez Delamaison, la tendance est d'ailleurs à l'augmentation de leur fréquence : « Pour l'heure, nous proposons cinq ventes flash par semaine, mais nous allons passer à 32 d'ici à la fin du mois, indique Pierre Trémolière. Et pour cause. Depuis que nous avons lancé ces ventes flash il y a un an, nous avons plus que doublé le taux d'ouverture de nos newsletters et quadruplé le nombre de clics. » Un bon indicateur.