Loi El Khomri : tout ce qui pourrait changer pour les entreprises
Le projet de loi sur la réforme du droit du travail, présenté par la ministre du travail Myriam El Khomri, pourrait, demain, transformer la vie des entreprises. Licenciements économiques, rémunération des heures supplémentaires, évolution du forfait jour et barème des indemnités aux Prud’hommes… Décryptage des points clés du texte.
Un projet de loi qui déchaîne les passions. Devant les contestations grandissantes autour de la réforme du code du travail, porté par la ministre du travail Myriam El Khomri, le gouvernement a décidé de revoir sa copie ; elle sera présentée le 24 mars prochain en Conseil des ministres, soit deux semaines après la date initiale. « Le texte a donné lieu à des interrogations qui sont assez légitimes », a d’ailleurs admis François Hollande lors de sa visite surprise, lundi 29 février, aux salariés du site e-commerce Showroomprive.com. Il a annoncé la convocation imminente des organisations syndicales et patronales dans le but « d’apporter des améliorations » au texte. Sept syndicats ont d’ores et déjà appelé à la grève le 31 mars prochain. Quels sont donc ces motifs de discorde ? Zoom sur les principales mesures de la réforme du code du travail.
Des indemnités prud’homales plafonnées
C’est LE sujet qui s’attire les foudres des syndicats. Jusqu’alors, pour tout préjudice subi par un salarié qui porte son dossier aux Prud’hommes, le juge pouvait apprécier le montant des indemnités au cas par cas. Ce projet de loi instaure un barême pour les indemnités prud’homales. Il est calculé en fonction de l’ancienneté du salarié et est plafonné à 15 mois de salaire à verser au salarié qui peut se prévaloir d’une ancienneté d’au moins 20 ans dans son entreprise. A noter que ce projet de barême avait déjà été proposé dans le cadre de la loi Macron mais avait été retoqué par le Conseil constitutionnel. Cette grille, établie dans le projet El Khomri, ne prend pas en compte la taille de l’entreprise et favoriserait donc grandement les entreprises les plus importantes.
Les licenciements économiques facilités ?
Actuellement, il existe quatre motifs pour motiver un licenciement économique : l’entreprise doit justifier d’une difficulté économique, de mutations économiques, d’une cessation d’activité ou encore d’une sauvegarde de compétitivité. Le texte de la ministre y apporte certaines précisions. Il faut ainsi prouver "une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires pendant plusieurs trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l'année précédente, soit par des pertes d'exploitation pendant plusieurs mois, soit par une importante dégradation de la trésorerie, soit par tout élément de nature à justifier de ces difficultés".
En outre, le licenciement économique doit être apprécié au regard du secteur d’activité implanté sur le territoire national. Un point « incompréhensible et contre-productif » qui fait railler Stéphane Béal, directeur du département Droit social au cabinet Fidal, qui compte quelque 80 000 entreprises parmi ses clients (ci-contre). Explications : Jusqu'à présent, si une entreprise était une filiale d'un groupe implanté à l’international, le juge considérait la santé économique de l'ensemble de l'entreprise. Désormais, seul le territoire national sera pris en compte. En clair, si une entreprise veut licencier dans sa filiale française alors même qu'elle se trouve dans une situation prospère, avec ce projet de loi, elle pourra le faire.
La majoration des heures supplémentaires pas si bouleversée
Le code du travail prévoit actuellement une majoration de 25 % pour la rémunération des huit premières heures supplémentaires effectuées puis + 50 % pour les suivantes. Si la loi passe, un accord d’entreprise ou un accord de branche pourrait abaisser la majoration de ces heures jusqu’à 10% « cette disposition était déjà prévue par la loi du 17 janvier 2003 » rappelle au passage l'avocat Stéphane Béal. La nouveauté, c’est que l’accord d’entreprise primerait sur l’accord de branche.
Le « forfait jour » étendu pour les petites entreprises
Le forfait jour quésaco ? Il s’agit en fait d’une double dérogation : on peut rémunérer des salariés en fonction du nombre de jours travaillés par an et non en fonction des heures travaillées à la semaine. Cela s’applique surtout pour les cadres. Pour le mettre en place, une entreprise doit actuellement bénéficier d’un accord de branche ou d’entreprise et d’une convention individuelle. Demain, la loi El Khomri n’exigerait que la seconde partie de cette obligation. C’est-à-dire que le salarié et son employeur pourrait convenir ensemble de ce mode de calcul du temps travaillé. Un moyen de déroger plus facilement aux 35 heures…
12 heures par jour, et 60 heures par semaine…le temps de travail assoupli
La règle en place est la suivante : la durée d’une journée de travail n’excède pas 10 heures, sauf en cas d’accord de branche ou d’entreprise où la journée de travail peut s’étaler sur 12 heures. Selon le projet, un accord de branche ou d'entreprise pourra prévoir un dépassement jusqu'à 12 heures "en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l'entreprise". Idem pour une durée de travail hebdomadaire, aujourd’hui plafonnée à 48 heures, exception faite d’un accord qui peut prévoir jusqu’à 60 heures de labeur par semaine. De ce côté, pas de grands changements en perspective, donc.
Le référendum d’entreprise modifié
On se souvient du cas de La Fnac. Le distributeur n’a pas obtenu l’ouverture de ses magasins le dimanche car des syndicats ont fait blocage à la proposition de la direction. Aujourd'hui, une décision peut être validée si elle est approuvée par des syndicats qui représentent au moins 30 % des suffrages exprimés. Les syndicats majoritaires peuvent constituer quant à eux un droit d’opposition, comme ce fut le cas pour la Fnac.
Le projet de loi prévoit que 50 % des suffrages exprimés « en faveur d'organisations représentatives » suffirait. Au passage, le texte fait fi de ce droit d’opposition qui disparaitrait. Si un accord n'atteint pas la nouvelle barre des 50 %, alors la consultation des salariés est envisageable après un délai de huit jours pour tenter de trouver « les éventuelles signatures d'autres organisations syndicales représentatives ». A l’issue de ce référendum d’entreprise, si plus de 50 % des salariés disent oui, l'accord sera alors validé.
Le compte personnel d’activité pour faciliter la vie des salariés
C’est l’une des rares mesures qui facilite la vie des salariés mais complique celle des entreprises. Le Compte personnel d’activité (CPA) regroupe le compte personnel de formation (CPF) de prévention de la pénibilité. Outil pratique pour les salariés qui changent fréquemment d’employeurs, ce projet considérée par François Hollande comme la grande réforme sociale du quinquennat, représentera, pour les entreprises, une tâche administrative supplémentaire loin de les ravir...