Négociations commerciales 2023: le décryptage de Thierry Dahan, le médiateur des relations commerciales agricoles
Le Médiateur des relations commerciales agricoles, Thierry Dahan, revient sur le déroulement des négociations 2023 dans un contexte de discussions parlementaires sur la proposition de loi Descrozaille. Il constate un plus grand nombre de désaccords au 2 mars que l’année dernière mais veut être rassurant sur la négociation des conditions de la période de préavis.
LSA : L’examen de la proposition de loi Descrozaille sur les produits de grande consommation a -t-il eu un effet sur les négociations 2023 et les médiations ?
Médiateur : Le débat autour de la PPL a incontestablement échauffé les esprits pendant la première lecture à l’Assemblée nationale mais cela n’a pas perturbé notre travail car le début d’année est une période de faible activité pour les médiations dont la masse n’arrive qu’à partir de fin janvier. La tension était un peu retombée pendant les discussions au Sénat et je n’ai pas sente, sur les nombreux dossiers ouverts en février, de perturbation particulière probablement parce que le texte a évolué et qu’il reste une incertitude sur sa rédaction finale. La véritable cause des difficultés rencontrées cette année est que les désaccords portaient beaucoup plus que l’année dernière sur les intrants industriels qui ne sont pas protégés par la loi Egalim.
LSA : Y-a-t-il eu plus d’échecs des négociations au 1er mars que l’année dernière ?
Médiateur : Je ne saurais le dire mais ce qui est sûr c’est qu’il y a eu plus d’échecs des médiations que l’année dernière et ces échecs ont concerné des fournisseurs plus importants, certains étant parmi les leaders de leur marché. Ce constat ne me permet pas d’en tirer des conclusions plus générales sur le niveau des signatures puisque tous les dossiers bloqués ne sont pas venus en médiation. J’en veux pour preuve que nous appris l’existence de plusieurs négociations en échec au 2 mars pour lesquels les opérateurs ne m’ont contacté tardivement qu’en pensant à tort que la saisine du médiateur leur donnerait un mois supplémentaire.
LSA : Certaines enseignes ont-elles plus bloqué que d’autres ?
Médiateur : Disons que la répartition des médiations entre enseignes n’est pas la même que l’année dernière et de beaucoup. Ce qui montre que certaines ont adopté une posture de négociation différente dès le début des discussions. L’autre fait notable est que, pour un volume identique d’environ 70 dossiers traités en médiation, les saisines ont émané autant des enseignes que des fournisseurs. On est quasiment à 50/50 alors que l’année dernière on était plutôt à 80% des saisines à l’initiative des fournisseurs et à 20% des enseignes.
LSA : L’article 3 de la proposition de loi Descrozaille porte sur les conditions du préavis en cas d’absence d’accord. Comment est-ce que cela se passe sur le terrain ?
Médiateur : Mieux qu’on ne pouvait le craindre. Le nombre de demandes de médiations sur les conditions du préavis (durée, volumes, prix) pourrait dépasser la dizaine si toutes les demandes orales sont confirmées. Ces demandes concernent plusieurs enseignes, ce qui confirme que le sujet est sensible même il n’y a pas lieu de dramatiser puisque que les enseignes concernées ont toutes accepté le principe de la médiation. Un autre signal encourageant est que les responsables des enseignes consultés reconnaissent qu’on ne peut conserver les prix 2022 en préavis. On est donc dans l’esprit de la PPL Descrozaille même si le message n’est encore descendu à tous les étages.
LSA : Est-il encore utile de légiférer ?
Médiateur : Bien entendu puisque nous avons la preuve que le texte en discussion est praticable et que les opérateurs ont, en quelque sorte, modifié leur attitude pour anticiper son adoption. Nous avons d’ailleurs un dossier qui est quasiment bouclé sur ces bases. Mais je reste très prudent. Les déclarations d’intention ne suffisent pas et il faudra les confirmer sur le terrain. Le vote est donc important pour sécuriser les bonnes pratiques et donner de la visibilité aux opérateurs qui ne doivent être soumis à un aléa judiciaire incompatible avec le temps économique. Nous ferons un point sur ce sujet début avril, date à laquelle le nouveau texte sera, je l’espère, applicable.
A savoir
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Perspectives sur les négociations commerciales 2024
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Programme et réservation : https://evenements.infopro-digital.com/lsa/evenement-congres-des-strategies-commerciales-2023-p-16051/?xtor=CS7-199