Négociations commerciales: le difficile point d'équilibre [Edito]
A chacun son tour ? En 2008, on disait que la loi de modernisation de l'économie était à l'avantage du commerce. En 2018, puis 2021, on écrivait qu'Egalim 1 et 2 étaient favorables au monde agricole. Et, en 2023, beaucoup clament que la loi Descrozaille portant sur les négociations commerciales bénéficiera à l'industrie.
Une question simple se pose donc : est-il possible d'imaginer une loi de filière qui trouve le juste point d'équilibre entre des demandes et des attentes contradictoires ? Un texte qui ne favorise aucun secteur mais œuvre pour le bien de l'ensemble, afin que tout le monde puisse vivre de son travail et investir pour son avenir ? Qui défende à la fois le pouvoir d'achat des Français victimes de l'inflation et l'emploi de ces mêmes Français ? Qui protège les multinationales ainsi que les PME ? Qui respecte la diversité des secteurs car, même au sein de l'alimentaire, le marché du foie gras n'est pas celui de la pâte à tartiner ? Qui comprenne qu'une obligation sur un marché (le plafonnement des promotions dans l'alimentaire) peut avoir des impacts négatifs sur un autre (le DPH) ? Qui garantisse notre souveraineté alimentaire et industrielle tout en tenant compte des risques et des avantages de la mondialisation ? Sans oublier la contrainte du temps. Avec des textes, par exemple, qui sont réfléchis à des époques de croissance et d'attentes de valorisation, comme Egalim 1 et 2, et qui entrent en vigueur lorsque la situation économique n'est plus la même et que les Français veulent avant tout des prix bas.
Voilà pourquoi il est vain de croire qu'une loi calmera les négociations commerciales pour les vingt prochaines années, ou plus. D'autant plus que, demain, les interrogations climatiques feront peut-être que la question de l'approvisionnement dépassera celle de la négociation tarifaire. Que de nouveaux entrants sur les marchés imposeront peut-être de nouvelles règles du jeu. Et que la bataille sur les coûts de distribution primera peut-être enfin sur les seuls gains à la négociation.
«Est-il possible d’imaginer une loi qui ne favorise aucun secteur mais œuvre pour le bien de l’ensemble d’une filière?»
En attendant, il convient de ne pas rester figé. En parlant de plus en plus souvent d'expérimentations temporaires, Bercy va dans ce sens. Idem lorsque le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a rouvert l'année dernière les négos (pour des hausses) et qu'il pourrait faire de même en juin (pour des baisses). Certains avancent aussi l'idée de simplifier les clauses de renégociation dans les contrats annuels. Et Dominique Schelcher, le patron de Système U, a quant à lui proposé de supprimer la sacro-sainte date butoir du 1er mars à minuit.
Finalement, ce festival d'injonctions contradictoires doublé d'un trop-plein législatif explique en partie pourquoi l'ensemble de lois - qui finit par ressembler à un puzzle - ne satisfait totalement personne, tant la perception du temps diffère entre les politiques et les consommateurs, qui veulent des résultats immédiats, et les professionnels et les fédérations, qui regardent à moyen terme. Trouver le point d'équilibre est donc une gageure et, probablement, seule une bonne croissance économique finirait par remettre tout le monde d'accord… ou presque.
A savoir
Le CONGRES LSA DES STRATEGIES COMMERCIALES
Perspectives sur les négociations commerciales 2024
Le 4 Octobre 2023 à la Salle Gaveau à Paris
Programme et réservation : https://evenements.infopro-digital.com/lsa/evenement-congres-des-strategies-commerciales-2023-p-16051/?xtor=CS7-199