No parking, no business...
par Yves Puget, directeur de la rédaction
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par Yves Puget, directeur de la rédaction
Pour lutter contre l'artificialisation des sols, Cécile Duflot, ministre de l'Égalité des territoires et du Logement, s'attaque, dans son projet de réforme sur l'urbanisme, aux parkings des grandes surfaces. Que propose ce texte qui passera au Sénat le 22 octobre ? Les commerces de moins de 5 000 m² disposeraient, au mieux, d'un parking de la taille de la surface plancher construite, et ceux de plus de 5 000 m² de seulement 75%. Or, la loi SRU fixait ce ratio à 150% ! Au final, cette loi, dite Alur, réduit de moitié la taille des futurs parkings des grandes unités. Pire encore, la commission des affaires économiques du Sénat a adopté un amendement du rapporteur qui ferait que magasins et centres commerciaux seraient concernés dès 1 000 m² ! L'enjeu n'est pas mince, puisque, selon la base de données LSA Expert, les seules grandes surfaces alimentaires comptent la bagatelle de 2,6 millions de places de parking. Et comme chaque emplacement nécessite 25 m², le total dépasse 65 millions de mètres carrés ! On comprend mieux l'intérêt de Cécile Duflot à l'égard du bitume des grandes surfaces...
Sauf que les distributeurs peuvent répliquer que le commerce n'est pas le principal responsable de l'artificialisation des sols. Il représenterait moins de 3% des sols incriminés, contre 50% pour le logement et 20% pour les routes. Mais là n'est pas le plus important.
Ce projet souffre surtout d'une méconnaissance de la réalité du commerce puisqu'il s'appliquerait de façon autoritaire à tous les types de
magasins. Or, une grande surface de bricolage ou de meubles, par exemple, draine trois fois moins de clients qu'une enseigne alimentaire. De même, entre deux hypers, le nombre de clients peut varier du simple au triple selon leur zone de chalandise et leur desserte en transports en commun. Tout dépend également de la place prise par les voies de circulation, actuellement comprises dans le calcul. De plus, la diminution du nombre de parkings risque d'accroître les stationnements sauvages. Sans oublier que des contraintes urbanistiques (hauteur de bâti limitée due à la proximité d'une zone aérienne) ou naturelles (géologiques, environnementales...) peuvent empêcher la réalisation de parkings enterrés ou aériens. On peut aussi ironiser sur le fait que le meilleur moyen de limiter le besoin en stationnement est de favoriser l'expansion du drive. Une piste que le gouvernement ne veut visiblement pas suivre, puisque, dans la même loi, il met tout en place pour en freiner l'essor. Encore plus « drôle », toujours dans le même texte, Arnaud Montebourg voudrait imposer aux distributeurs l'installation de bornes de recharge pour véhicules électriques sur tous les parkings des magasins de plus 1 000 m² ! Une facture pour le commerce chiffrée entre 375 à 600 millions d'euros ! Comme s'il lui revenait de soutenir le coût du développement des véhicules électriques...
Le projet de loi de Cécile Duflot souffre visiblement d'une méconnaissance de la réalité du commerce.
Enfin, le projet de Cécile Duflot, s'il passe en l'état, freinera l'arrivée de nouveaux entrants. Un parking couvert (7 500 à 9 000 € la place) coûte en effet 6 fois plus cher que le même sans toiture (1 500 €). Le coût est même 10 fois supérieur dans le cas d'un parking sous-terrain (15 000 à 18 000 €). Ainsi, en effrayant quelques investisseurs, l'article 58 de la loi Alur pourrait limiter la concurrence sur bon nombre de zones de chalandise. Cette même concurrence qui pousse les commerces à baisser les prix et profite aux consommateurs. Mais, visiblement, au ministère du Logement, on ne se préoccupe pas de la question du pouvoir d'achat...