Obsolescence programmée: l’avis de Darty
Dans le cadre de la loi sur la transition énergétique qui vient d’être adoptée par les députés, l’obsolescence programmée devrait faire son entrée dans le code de la consommation. Alors qu’une immense majorité de Français y croient, Darty (le plus gros vendeur de téléviseurs et d’électroménager en France) nous explique en substance -par la voix de son directeur national des services Jean-Luc Le Douarin- que les produits ne sont pas de moins en moins fiables, au contraire…
LSA : Pensez-vous que les industriels orchestrent l’obsolescence programmée de leurs produits ?
Jean-Luc Le Douarin : Les fabricants vont évidemment dire que non. Le consommateur lui en est persuadé. Et au milieu, il y a nous les distributeurs qui vendons les produits et les réparons. Nous savons exactement de quoi il retourne. Sans entrer dans la polémique, je vais simplement donner des faits. Et ces derniers montrent que les taux de panne baissent. Quelques chiffres pour l’illustrer : Entre 2004 et 2014 les sollicitations au SAV concernant un problème de panne pour les téléviseurs a été divisé par 10. Il était de 40% à l’époque, il n’est plus que de 4%. La très grande majorité des appels au SAV pour les télés concernent des questions d’usage (comment connecter la télé à tel appareil ? etc.). En ce qui concerne le gros électroménager (les lave-linge, frigo…), nous constatons une baisse des pannes chaque année qu’on estime à 5%. Nous réparons 1,5 million de produits par an (sur un parc de 23 millions de clients sous garantie) et ce chiffre baisse d’une année sur l’autre.
LSA : Avez-vous déjà constaté la présence de systèmes qui auraient été sciemment introduits dans les appareils afin d’en limiter la durée de vie ?
J-L. L-D : Non nous n’avons jamais vu de programmes qui rendraient les produits caduques, ni autres compteurs de la sorte…
LSA : Pourtant aujourd’hui par exemple les cuves des lave-linge sont souvent scellées ce qui rend impossible leur changement? N’est-ce pas délibéré de la part des fabricants ?
J-L. L-D : Effectivement aujourd’hui un lave-linge sur deux dispose d’une cuve scellée à ce qu’on appelle les paliers. Il faut dans ces cas-là tout changer c’est vrai : la cuve et les paliers. Mais il faut savoir de quoi on parle : des cuves qui se percent c’est extrêmement rare. Chez Darty, nos interventions sur ce type de pannes se comptent chaque année sur les doigts d’une main…
LSA : Les fabricants limitent-ils l’accès aux pièces détachées afin de rendre les réparations impossibles ?
J-L. L-D : Non je n’ai pas constaté d’évolution allant dans ce sens. Pour l’électroménager, nous arrivons toujours sans problème à nous fournir en pièces détachées auprès des marques pour des modèles qui ont jusqu’à neuf ans ou sinon chez des grossistes. En ce qui concerne les produits électroniques, nous n’avons pas de problème pour des produits qui ont jusqu’à trois ans. Au-delà c’est, il est vrai, parfois plus compliqué. Mais ça s’explique aisément : le rythme des innovations s’accélère avec deux nouvelles gammes de PC par an. Dans ce cas-là, retrouver une carte mère qui a plus de trois ans devient un peu plus compliqué.
LSA : Les prix des réparations pour des clients hors garantie n’est-il pas dissuasif la plupart du temps ?
J-L. L-D : Il est vrai que les seuils de réparation aujourd’hui sont plus hauts. Mais c’est logique, il y a depuis des années un écroulement des prix des produits. Sans même parler des produits électroniques où la chute est flagrante, je vous donne un exemple dans l’électroménager: un bon lave-linge 800 tours minutes coûtait 600 euros il y a 20 ans. Aujourd’hui, on trouve la même qualité sur des produits qui valent moins de 300… Il me semble évident dans ce contexte que la baisse du prix a modifié le comportement du consommateur et sa culture du remplacement. Quand un client a un problème avec un produit, c’est lui qui décide où mettre le curseur : plutôt sur la réparation ou plutôt sur le changement. C’est finalement lui qui décide de l’obsolescence de son propre produit.
Retrouvez notre enquête sur l'obsolescence programmée dans le prochain numéro de LSA du 23 octobre.