Pas qu'une question d'argent [Edito]
Dans les programmes des candidats à l’élection présidentielle et les demandes des fédérations professionnelles, certains sujets économiques sont plus valorisés que d’autres. C’est ainsi qu’on parle beaucoup de la question du pouvoir d’achat et qu’on évoque aussi l’équité fiscale, la transformation digitale ou l’adoption de pratiques RSE. Autant de sujets essentiels. Mais une autre thématique est d’importance : il s’agit de l’accompagnement dans la transmission des entreprises familiales.
Bien souvent, ce processus est long et doit être anticipé plusieurs années en amont afin de transmettre, outre le capital matériel de l’entreprise, un savoir-faire, un réseau et une clientèle. Bien sûr, quelques esprits chagrins ne verront dans ce sujet que le souci d’actionnaires qui veulent s’en mettre plein les poches ou assurer l’avenir de leur progéniture. Une vision quelque peu caricaturale car, dans la vraie vie, beaucoup de dirigeants souhaitent avant tout ne pas voir péricliter le travail d’une vie et ont noué des liens forts avec leurs équipes mais aussi avec le tissu local.
Naturellement, industriels et distributeurs affrontent, eux aussi, la multiplication des cas de succession puisque les baby-boomers sont devenus les retraités d’aujourd’hui ou de demain. Autrement dit, beaucoup de patrons ont cédé ou vont céder leur entreprise, dans des secteurs qui attirent moins les jeunes. Contrairement à l’usage des décennies précédentes, ceux-ci préfèrent monter leur start-up plutôt que de reprendre l’affaire familiale. Et, là aussi, se pose la question de la taille critique. En France, contrairement à d’autres pays comme l’Allemagne, les transmissions sont, hélas, souvent l’occasion d’une vente à un grand groupe. Or il convient de tout mettre en place pour laisser ces entreprises grossir, pour que les TPE deviennent des PME, les PME des ETI et les ETI des multinationales. Pour les aider, il existe déjà, depuis 2003, le dispositif dit « pacte Dutreil », qui permet d’exonérer, à hauteur de 75 %, la valeur des biens affectés à l’exploitation de l’entreprise familiale lors de sa transmission. Même s’il est encore trop complexe à mettre en place, il faut le préserver.
Au passage, il ne faut pas oublier qu’une succession ne se résume pas à l’héritage puisqu’il n’existe pas toujours un repreneur familial. Pour un commerce, notamment, la reprise par un ou des salariés constitue une alternative. D’autant plus que ceux-ci ont tout intérêt à assurer le maintien de l’entreprise dans son agglomération. Là aussi, des coups de pouce sont nécessaires. On peut minimiser l’impact fiscal de la plus-value de cession pour le cédant ou mettre en place un Perco Transmission (plan d’épargne pour la reprise de l’entreprise par le salarié). Autant de pistes intéressantes pour éviter des fermetures faute de repreneurs. Car même s’il faut bien admettre que des héritages et des ventes sont aussi des occasions de plus-value, ces moments cruciaux engagent également la pérennité des entreprises familiales concernées, souvent très pourvoyeuses d’emplois localement. Pour reprendre l’expression à la mode, c’est le futur de nos territoires qui est en jeu.
ypuget@lsa.fr @pugetyves