Petite forme pour le rasage masculin
Victime du contexte économique, le rasage masculin affiche sa morosité. Les innovations ont de plus en plus besoin d'un soutien fort en communication et en promotion.
YANNICK LEGOFF
\ 11h36
YANNICK LEGOFF
Petit problème de logique : sachant que les Français se rasent de moins en moins souvent et que, parallèlement, les lames de rasoir sont de plus en plus performantes (et donc durent de plus en plus longtemps), saurez-vous dire les perspectives du marché hexagonal du rasage masculin ? Confrontés à cette situation depuis déjà quelques années, les industriels refusent pourtant de céder à la déprime. Et pour cause , tous ont trouvé la solution : valoriser le marché par l'innovation, bien sûr !
Question de look
Source : IRI CAM au 24 février 2013 vs 2012, en hypers et supermarchés
Une solution certes séduisante, mais que, pour l'heure en tout cas, le rayon semble avoir quelque peine à mettre en oeuvre. De fait, selon l'institut IRI, à fin février 2013, toutes les catégories du rasage masculin mécanique s'affichent en recul, en volume et en valeur. Exception faite du segment des systèmes, les baisses en volume sont très nettement supérieures aux baisses en valeur. « Un décalage qui montre bien que le marché ne refuse pas la montée en gamme », affirme un industriel, « même si elle se révèle insuffisante pour assurer la croissance... ».
Il faut dire que la crise est passée par là, venant compliquer encore un peu plus la tâche des industriels. « Nos études ont prouvé que la dernière lame du boîtier recharge d'un système est utilisée en moyenne 10% plus longtemps que la précédente... », a constaté Gillette, net leader du marché (jetables et systèmes). La marque revendique pour 2012, malgré le contexte et l'orientation globale du secteur, des progressions importantes de ses parts de marché sur les deux segments.
« Nous avons lancé, en juin 2012, le Fusion ProGlide Styler, un rasoir équipé d'une tondeuse qui permet de tailler, raser et sculpter sa barbe. Un produit très bien accueilli, puisqu'il a conquis plus de 20% de part de marché depuis son lancement », indique Céline Mairet, chef de produit Gillette systèmes et préparations à raser. Une innovation à l'attention des « stylers », ces hommes qui ne se contentent plus du seul rasage et considèrent leur barbe comme un élément de leur look . « Un tiers des hommes se reconnaissent déjà dans cette tendance », assure la chef de produit, qui estime donc que les innovations sont encore capables de valoriser le marché, pour autant, bien sûr,« qu'elles aillent dans le sens des attentes des hommes et qu'elles soient soutenues au lancement ».
Source : IRI CAM au 24 février 2013 vs 2012, en hypers et supermarchés
Confort d'utilisation
Source : IRI CAM au 24 février 2013 vs 2012, en hypers et supermarchés
Ce que Gillette affirme avoir fait, tant en communication qu'en promotion. Pour 2013, la marque entend rééditer la performance avec une nouveauté Pro Glide, le Silver Touch, « spécial peaux sensibles », doté de lames encore plus fines et plus rapprochées. Gillette parie aussi, du côté des jetables cette fois, avec la dernière version du Blue 3, qui se rince beaucoup plus facilement...
Le temps où innover rimait avec l'ajout de lames supplémentaires semble donc bel et bien révolu. Pour la valorisation et la montée en gamme, les marques souhaitent jouer désormais les cartes du look et du confort d'utilisation. Une tendance qui se retrouve chez tous les grands acteurs. Ainsi, chez Wilkinson, avec, dès 2010, le lancement des Hydro 3 et 5 lames, les premiers rasoirs « soin », soulignait l'industriel. Des rasoirs dotés d'un réservoir d'agents hydratants... Fin 2012, la marque enfonçait le clou avec l'Hydro 5 Power Select, doté de trois intensités de vibrations « pour un rasage maîtrisé et sur mesure »
Gillette, la marque de Procter et Gamble, est leader en volume et en valeur sur les trois segments majeurs du rayon rasage mécanique.
Peaux respectéesGillette domine le rasage mécanique
Chez Bic également, le spécialiste du jetable, l'évolution est en marche. Le Flex 3 (jetable à trois lames mobiles) intègre, lui aussi, une bande lubrifiante. La dernière évolution, le Flex 03 Control, va même un peu plus loin en ciblant spécifiquement les jeunes. « Nous leur proposons une solution à la fois sophistiquée, respectueuse des peaux sensibles, et néanmoins accessible », explique Lorène Schantz, marketing manager pour la marque, qui résume ainsi toute la stratégie de l'industriel.
En effet, et particulièrement en cette période de crise, l'accessibilité reste le premier atout de la marque. Dans les rayons depuis 1975, le Bic 1, qui a évidemment évolué depuis sa naissance, reste la première rotation du marché des jetables, même s'il perd régulièrement du terrain face aux deux et trois lames.
Preuve supplémentaire d'une réelle et progressive montée en gamme qui atteste de l'attente d'innovations, mais aussi de l'impact des solutions économiques, clairement incarnées par les jetables. Reste à savoir si le moteur « soin-confort-style », qui caractérise les dernières générations de rasoirs, sera aussi puissant que le précédent, c'est-à-dire le nombre de lames, beaucoup plus axé sur la seule efficacité du rasage. L'évolution récente du marché permet d'en douter.
Malgré les légères progressions de Braun et surtout de Remington, Philips reste le grand leader du côté de l'électrique.
Les produits associés pénalisés par la crisePhilips règne sur le rasage électrique
Indice supplémentaire, la grande souffrance des segments des « produits moussants à raser » et des produits « avant et après rasage ». Pour renouer avec la croissance, ces deux segments doivent-ils attendre un meilleur climat économique ? « C'est certain, la conjoncture économique ne nous favorise pas. Beaucoup d'hommes ont, semble-t-il, tendance à faire des économies sur leur budget rasage. Les produits associés, mousses, crèmes et autres lotions, sont donc parmi les plus pénalisés », avance un industriel. Il souligne aussi que, « sur tous les segments, les innovations ont de plus en plus besoin d'être soutenues en communication et en promotion pour s'imposer. Négliger cette étape devient davantage synonyme d'échec. »
Au-delà de la qualité des innovations des uns et des autres au cours de l'année écoulée, certains attribuent d'ailleurs les gains récents de parts de marché revendiqués par Gillette comme la conséquence directe de la forte présence de la marque sur les terrains de la communication et de la promotion, cette dernière favorisant grandement l'accès aux innovations.
Le constat vaut également, et probablement avec encore plus d'acuité, pour le rasage électrique. Évalué à environ 100 millions d'euros, ce marché aurait perdu près de 7% de sa valeur en 2012. Comment maintenir son activité et favoriser les montées en gamme dans un tel contexte ? Numéro deux du marché derrière Philips, Braun déclare avoir légèrement progressé en part de marché au cours de l'année écoulée. « Résultat obtenu grâce à des innovations bien soutenues », martèle la marque.