Tout le dossier Tout le dossier
-
Distributeurs
Philippe Houzé, "dresseur de dinosaures" et visionnaire
-
Distributeurs
Serge Papin, l'homme qui murmure à l'oreille des agriculteurs
-
Distributeurs
Gilles Petit, le capitaine à la barre de Maisons du Monde
-
Bricolage
Christian Raisson et Philippe de Chanville, les entrepreneurs bricoleurs
-
Frais-froid
Christophe Bonduelle, une âme de conquistador
-
DPH
Julie Ducret met du soleil dans les cosmétiques bio
-
Loisir - culture
Serge Jacquemier, l'artisan du succès mondial de Sophie la Girafe
Philippe Houzé, "dresseur de dinosaures" et visionnaire
Il est entré chez Monoprix comme stagiaire. Il a gravi tous les échelons, épousé « la fille du patron » et développé avec brio le groupe Galeries Lafayette. Âgé de 70 ans désormais, il regarde la succession doucement s’organiser avec son fils Nicolas. A l'occasion des Trophées LSA de l'Innovation 2017, nous vous présentons le lauréat du Trophée d'honneur.
Assis derrière son bureau du 7e étage des Galeries Lafayette, avec vue splendide sur Paris, Philippe Houzé se lève. Il n’a pas à chercher loin pour dénicher ce qu’il veut nous montrer. Un livre, en l’occurrence. Exponential Organizations, de Salim Ismail, fondateur de la Singularity University sur le campus de la Nasa en Californie. « Il a offert ce livre à toute l’équipe dirigeante du groupe et a même fait venir l’auteur à Paris, devant nous », confie son fils, Nicolas Houzé.
Mais qu’a donc de si particulier cet ouvrage, pour que Philippe Houzé le considère ainsi ? Réponse : il est un résumé, assez limpide, de sa philosophie de vie. Pour simplifier, le message est de dire que, dans un monde des affaires où tout va plus vite, agilité, flexibilité et souplesse d’action doivent être les maîtres mots. Salim Ismail pense d’abord aux start-up, bien sûr. Mais Philippe Houzé, qui aime à se présenter en « dresseur de dinosaures » – « quand je suis entré chez Monoprix, tous me disaient que le modèle était dépassé, tout comme plus tard quand je suis arrivé aux Galeries Lafayette » –, compte en appliquer les vertus au concept des grands magasins. Il l’a fait sa carrière durant.
Voilà presque un demi-siècle que Philippe Houzé a son nom associé au groupe Galeries Lafayette. Pourtant, il vient d’ailleurs. Cette entreprise qu’il a faite sienne, cette famille illustre dans les pas de laquelle il s’est placé… Tout vient d’un hasard heureux. « Je suis tombé amoureux de la fille du patron », s’amuse-t-il. Et, comme le destin se montre facétieux, il l’a ramené sur un chemin qu’il s’était juré de ne jamais prendre : « Ne surtout pas travailler pour une entreprise familiale. »
Coup de massue en 1968
Pour Philippe Houzé, il y a un avant et un après 1968. Certes, le jeune homme de 21 ans ne peut pas rester insensible aux événements de mai, mais ce qui le trouble alors est plutôt du domaine privé. « Mon père était l’un des trois associés de notre entreprise industrielle familiale de biscuiterie Geslot-Voreux, et, un beau jour de 1968, il nous annonce devoir mettre la clé sous la porte », se souvient-il. Il faut imaginer le coup derrière la tête pour celui que l’on préparait, un peu malgré lui, à la succession. Les certitudes vacillent, et comme le régime gaulliste subit les mêmes soubresauts, la fièvre politique s’empare du jeune Houzé. Mais l’homme ne goûte guère aux excès révolutionnaires. Ce qui le titille, dans le sillage de Pierre Mauroy et de Gaston Defferre, dont il fut, un temps, le chauffeur personnel, c’est la prise de pouvoir, celle qui s’organise dans les réunions et les arrière-salles enfumées de cigarettes et de débats.
Néanmoins, la passion et la fureur politiques nourrissent certes les âmes, rarement les hommes. Voilà donc Philippe Houzé ramené à la raison : vivre sa vie plutôt que de la rêver. « J’avais eu la chance de rencontrer peu de temps avant Étienne Moulin, patron du groupe Galeries Lafayette-Monoprix. Il avait su voir en moi ce que je n’avais pas encore intégré : “Vous n’êtes pas fait pour les études, m’avait-il dit. Quand vous l’aurez compris, venez me voir, j’aurai un travail pour vous.” » C’est ainsi que Philippe Houzé débute chez Monoprix. « C’était le 5 novembre 1969, quelques semaines avant mon 22e anniversaire : j’entre comme stagiaire sous-directeur au magasin Dimax de la rue du Temple, à Paris. Ma première mission fut d’installer le rayon des chocolats de Noël, se remémore-t-il. Depuis, le virus du commerce ne m’a plus quitté. »
La suite est connue : la rencontre et le mariage avec Christiane Moulin, la direction générale de Monoprix, en 1982, puis la coprésidence du groupe Galeries Lafayette, en 1998. L’ascension d’un homme brillant, inséré de plein droit au sein de la quatrième génération de dirigeants de la chaîne de grands magasins.
Toujours dans l’action
À 70 ans, il prépare sa succession en douceur. « Comme mon beau-père avec moi à l’époque, je l’organise à mon tour avec mon fils depuis quelques années », sourit-il. Une situation facile à vivre ? « Il faut s’habituer à quitter progressivement l’opérationnel quand on a été habitué toute sa vie à prendre vingt décisions capitales par jour », avoue-t-il. Qu’on se rassure : celui qui est encore président du directoire des Galeries Lafayette et administrateur de Carrefour ne manque pas d’activités. Quand nous l’avons rencontré, son agenda de la semaine avait déjà compté une vingtaine de rendez-vous avant nous.
« Il est comme ça, Philippe : toujours dans l’action, résume Daniel Cathiard, l’un de ses fidèles amis, propriétaire du grand cru château Smith Haut Lafitte, dans le Bordelais. C’est un homme qui est toujours dans l’analyse, à vouloir comprendre les choses et flairer les tendances. Il ne faut pas oublier que c’est lui qui, le premier, a introduit les produits verts en France ! » L’anecdote est savoureuse. Philippe Houzé, en vacances au Cap Nègre, découvre dans un article l’existence de ces produits « écolo » au Canada. S’il avait pu se téléporter là-bas dans l’instant, il l’aurait fait. Il prend l’avion dès que possible, revient avec quelques spécimens en poche et enjoint ses troupes à se démener pour les faire référencer chez Monoprix. Ainsi fut fait…
En dates
- 1947 Naissance à Boulogne-Billancourt
- 1969 Entre comme stagiaire sous-directeur au magasin Dimaxde la rue du Temple, à Paris
- 1971 Épouse Christiane Moulin, arrière-petite-fille de Théophile Bader, cofondateur des Galeries Lafayette
- 1982 Nommé DG de Monoprix
- 1994 PDG de Monoprix
- 1998 Coprésident du groupe Galeries Lafayette
- 2005 Président du directoire du groupe Galeries Lafayette
- 2012 Mise en place du processus de transition avec son fils Nicolas, nommé DGA de la branche grands magasins
PARCOURIR LE DOSSIER