Philippe Rio, maire de Grigny : « L’eau est un bien commun que nous devons gérer avec sobriété »

Coca-Cola EuroPacific France dispose depuis 1986 d’une usine à Grigny (91). Une usine alimentée en eau par puisement dans une nappe phréatique. Une situation qui, quoique légale, ne convient plus à une époque où le réchauffement climatique amenuise les ressources en eau. Philippe Rio, maire de Grigny, revient sur ce sujet pour LSA.

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Philippe Rio, maire de Grigny : « L’eau est un bien commun que nous devons gérer avec sobriété »
Philippe Rio, maire de Grigny (91) depuis 2012.

Philippe Rio, maire de Grigny où Coca-Cola EuroPacific Partners (CCEP) France dispose d'un site industriel, demande à cet acteur des boissons sans alcool de se raccorder à l’eau de surface, celle qu’utilisent les habitants et toutes les autres entreprises de l’agglomération, et de ne plus puiser dans la nappe phréatique qui se trouve sous cette usine. Selon les chiffres avancés mais difficilement vérifiables, Coca-Cola EuroPacific Partners (CCEP) France puiserait 730 000 mètres cubes d’eau par an dans la nappe phréatique située à plus de 100 mètres sous ce site.

CCEP France agit cependant de façon légale car il est propriétaire du terrain sur lequel il a fait construire son usine, ce qui lui donne accès au sous-sol. CCEP France verse une redevance – au montant inconnu à ce jour – à l’agence de l’eau Seine-Normandie qui dépend de la préfecture. Interview du maire de Grigny, suivie de son portrait et du communiqué de presse envoyé par CCEP France.

LSA - Quand vous êtes-vous rendu compte que Coca-Cola EP France puisait son eau dans la nappe phréatique qui est sous son usine de Grigny ?

Philippe Rio - Ce n’est pas un secret. Nous le savons depuis la construction de l’usine, en 1986, car l’utilisation de l’eau de la nappe phréatique était l’un des points du cahier des charges, tout comme la présence à proximité d’un axe routier rapide et un nombre d’hectares important. Nous discutons cependant de cette ressource en eau depuis que je suis maire de Grigny (en 2012, NDLR).

Pourquoi ce sujet est-il tout à coup médiatisé ?

P. R. - Il y a eu une émission pendant laquelle une députée a soulevé ce fait. Puis, un article du Parisien….Cela a mis le feu aux poudres.

La manière de faire de Coca-Cola EP France est-elle cependant légale ?

P. R. - Oui, c’est légal. Mais, aujourd'hui, l’urgence climatique et l’inquiétude sur la ressource en eau, notamment dans les nappe phréatiques, ne font plus qu’un seul sujet que les groupes industriels doivent prendre en compte. Et puis, il y a une prise de conscience citoyenne pour dire que certaines manières de faire ne sont plus acceptables. C’est pourquoi nous avons demandé à Coca-Cola de changer de système et de raccorder son usine à l’eau de ville, celle de tous les habitants de Grigny et de l’agglomération.

Que répond Coca-Cola ?

P. R. - Nous discutons régulièrement avec Coca-Cola et nous avons maintenant un accord de principe pour que cette entreprise se raccorde à l'eau de la régie publique.

CCEP France vous répond en effet qu’il est d’accord mais seulement pour une partie de ses boissons (voir la réponse de Coca-Cola ci-dessous)…

P. R. - Je l’ai compris comme la nécessité pour Coca-Cola de se laisser la possibilité de changer de modèle d’approvisionnement en eau de façon progressive. Sans doute également pour garder l’eau de la nappe phréatique comme un plan de secours s’il y avait un problème de réseau. C’est de la prudence industrielle.

Cela changera-t-il quelque chose à la qualité de l’eau utilisée par Coca-Cola?

P. R. - Partout dans le monde, on sait que Coca-Cola purifie l’eau qu’il utilise pour ses boissons… Donc, que l’eau soit de surface comme celle que nous proposons ou d’une nappe phréatique, cela ne devrait rien changer.

Et d’un point de vue économique ?

P. R. - C’est en effet une question. L’eau que nous distribuons a un coût de production, notamment pour son assainissement et sa distribution. Elle coûte 3,5 euros le mètre cube. Nous ne faisons aucun profit sur le prix de l’eau. (La nouvelle facture pour CCEP France s'élèverait donc à 2,6 millions d'euros, selon nos calculs. Le montant de la redevance que paie aujourd'hui CCEP France à l'Agence de l'eau n'est pas connu. NDLR)

Vous êtes vice-président de l’agglomération Grand Paris Sud, en charge de l’eau, et président de la Régie publique de l’eau du Grand Paris Sud qui gère l’eau fournie aux particuliers comme aux entreprises de cette agglomération de l’Essonne qui compte 27 communes. Coca-Cola EP est-il un cas unique ?

P. R. - Oui c’est un cas unique.

Quand pensez-vous que les discussions avec Coca-Cola aboutiront ?

P. R. - Nous étudions actuellement la faisabilité technique de ce dossier. Je pense que d’ici la fin d’année, une issue favorable sera trouvée.

L’eau est-elle l’une de vos priorités ?

P. R. - L’eau est un bien commun. Les nappes phréatiques subissent un stress hydrique et l’on sait que cela va aller en s’aggravant. Les eaux automnales qui rechargeaient les nappes phréatiques tombent de façon moins régulière aujourd’hui qu’autrefois, ce qui renforce ce stress. C’est pourquoi nous devons gérer l’eau avec sobriété car la situation va inévitablement se compliquer.

La biographie de Philippe Rio, un élu qui se préoccupe du partage de l'eau

Membre du Parti Communiste français, Philippe Rio, 48 ans, est maire de Grigny depuis 2012, suite de la démission du précédent maire. Il a été réélu en 2014 puis en 2020. Il a presque toujours vécu dans cette ville présentée comme la plus pauvre de France, selon les données de l’Observatoire des inégalités. Il était conseiller municipal de cette ville de l’Essonne depuis 1998. Titulaire d’un master 2 en urbanisme suivi à Sciences Po Paris, Philippe Rio a notamment travaillé dans le domaine du renouvellement urbain.

Elu en 2021 "meilleur maire du monde" par la fondation World Mayor Award, Philippe Rio est également vice-président de l’agglomération Grand Paris Sud, en charge de l’eau, et président de la Régie publique de l’eau du Grand Paris Sud qui gère l’eau fournie aux particuliers comme aux entreprises de cette agglomération de l’Essonne qui compte 27 communes. Autant dire que l’eau est un sujet que Philippe Rio connait bien. En mars, il a assisté à La Conférence des Nations Unies sur l'eau 2023 qui s'est achevée avec l'adoption du Programme d'action pour l'eau, un plan d'action qualifié d’"historique" car il contient plus de 700 engagements visant à favoriser la transformation vers un monde où l'eau est en sécurité. Avec quelques autres maires, il a alors discuté avec le secrétaire général des Nations Unies, le Portugais Antonio Guterres. L’occasion de partager sa position : l’eau est un bien commun de l’humanité. Elle n’est pas gratuite car il faut entretenir le réseau et payer les salariés des régies qui s’occupent d’assainir cette eau et de la distribuer. Il préside par ailleurs la branche française du réseau international Mayors for Peace (Maires pour la Paix).

Voici la réponse de CCEP France

"Nous travaillons étroitement avec la préfecture du département depuis la création de l’usine de Grigny et nous versons une redevance à l’Agence de l’eau Seine-Normandie sur l’ensemble de nos prélèvements. Notre forage est soumis à des autorisations préfectorales qui sont révisées et délivrées régulièrement, et qui peuvent évoluer en fonction de la situation de stress hydrique du territoire, sur décision des services de l’État. Il répond à des normes de qualité strictes qui font l’objet de contrôles fréquents et avec une quantité d’eau autorisée. Nous travaillons également avec un cabinet d’experts hydrogéologues indépendants qui analyse régulièrement l’impact de nos prélèvements sur le niveau de la nappe. Il a conclu, dans son dernier rapport de mars 2022, que l’exploitation de notre forage était sans influence sur la disponibilité locale en eau. Par ailleurs, nous sommes en discussion permanente avec la municipalité, la préfecture et les autorités compétentes et nous travaillons actuellement avec la municipalité à des modalités pour acheter de l’eau de ville pour une partie de nos boissons. CCEP France a déployé plusieurs projets de long terme pour protéger la ressource en eau et son accès. Nous investissons de longue date sur le site de Grigny afin de limiter au maximum notre consommation d’eau. Cela a notamment permis des économies supérieures à 50 000 m3 par an".

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