Polémique autour de la confiserie
Étude - Alors que le débat se poursuit entre professionnels et politiques sur la suppression de certains produits des devants de caisse, les industriels rappellent combien ce lieu est vecteur de valeur, sans être un mur de sucre.
ANGÉLIQUE D'ERCEVILLE
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ANGÉLIQUE D'ERCEVILLE
Un jus de fruits 100 % naturel ? Un paquet de galette de riz équitable ? Qui viendra remplacer les Kinder Surprise et autres sachets de Haribo s'ils sont contraints et forcés de quitter les devants de caisse ? « Roselyne nous demande de mettre des préservatifs à 20 centimes », lâche-t-on chez Système U ! Une jolie façon de faire coup double du côté du ministère de la santé, luttant d'une part contre l'obésité infantile et d'autre part contre le Sida. Mais la place n'est pas encore libre. Car si l'annonce de Roselyne Bachelot de vouloir supprimer une partie des publicités télé et la confiserie vendue à proximité des caisses a mis le feu aux poudres, le combat n'est pas terminé. Loin de là. Et c'est plutôt le capharnaüm qui règne, amplifié par des annonces groupées (Ania, FCD), ou unilatérales (Leclerc), mais aussi par le boycott des réunions de concertations au ministère et des remarques constructives lancées ici et là. « Une mesure paillette » pour certains ; « un angle de vue bien étroit » pour d'autres.
« On veut bien se mobiliser sur l'obésité infantile ; mais sur une mesure aussi futile que celle des caisses, on reste opposés, résume Christophe Bordin, directeur des relations extérieures de Ferrero. Cela n'aura qu'un impact économique. Une conséquence sur 8 % de notre chiffre d'affaires. » Et Bertrand Jacoberger, chez Solinest, d'ajouter : « La plupart de nos produits sont sans sucre et destinés aux adultes. » Confirmation chez Système U, dont le président Serge Papin s'est opposé à tout retrait et où 70 % de l'offre en devants de caisse (80 % du chiffre d'affaires) sont déjà sans sucre. Une petite part de l'offre présentée (12,5 %) est sucrée et ciblée enfant, soit 9 références sur 138.
Le devant de caisse, une place enviable
Pour tous, il s'agit de défendre le droit de vendre et de choisir ce que l'on vend. Mais aussi de défendre un espace aux enviables rotations. « C'est vrai que cet emplacement fait rêver. Le chewing-gum à lui tout seul pèse déjà 0,7 à 0,9 % du chiffre d'affaires d'un magasin, et jusqu'à 1,2 % de sa marge », déclare Robin Blondel, responsable marketing de Wrigley France.
Déjà, certains avancent que les jeux seraient faits, et l'offre maintenue : « Le gouvernement entend nos arguments, nous arrivons à un consensus... »
Véritable engouement pour le chewing-gum
Une bonne nouvelle pour les industriels et notamment pour les acteurs du segment le plus porteur en devants de caisse, le chewing-gum. « C'est devenu un vrai produit de masse, avec une forte consommation et un important taux de pénétration. Avant, c'était surtout les jeunes qui mâchaient ; aujourd'hui, toutes les tranches d'âge sont concernées », souligne Laurence Verdick, area manager chez Perfetti.
Pour comprendre cet engouement qui ne se dément plus pour le chewing-gum, il faut admirer le travail des artistes. De ces trois groupes qui, en France, se partagent la catégorie et la rendent si innovante et dynamique : Cadbury (Hollywood), Wrigley (Freedent et Airwaves) et Solinest (Mentos). Ensemble, ils ont su apporter chaque année de la nouveauté au marché : le format boîte lancé en 2005 s'attribue désormais 37 % des ventes. Et l'innovation s'est poursuivie l'an passé, mais sur la texture cette fois, avec les Tabs. Finalement, rien de plus qu'une ancienne tablette de chewing-gum plus courte et plus épaisse... Mais le marketing est très fort. En emballant cette « nouveauté » dans un format inédit, en promettant un produit plus tendre, les marques en ont déjà fait un phénomène : 10 points de part de marché en volume et 13 en valeur !
« C'est bien plus qu'un nouveau format, revendique Robin Blondel, responsable marketing de Wrigley. C'est un emballage premium qui permet de montrer sa consommation et de la partager. Nous avons instauré une nouvelle gestuelle, comparable à un paquet de cigarettes qu'on ouvre et qu'on offre. »
Et après que toutes les marques ont lancé leurs boîtes, chacune a aujourd'hui sa formule tendre... Celles de Freedent et d'Hollywood étant particulièrement semblables. Au point de se demander qui a copié qui. « Ce format existait déjà aux USA depuis plusieurs années, Cadbury l'a importé. Ce que Wrigley avait fait en introduisant la box en France, à partir d'un produit repéré en Chine », raconte Robin Blondel. Finalement, le dernier vrai changement dans l'équilibre concurrentiel de ce marché aura été l'introduction par Solinest et Perfetti d'une nouvelle marque de chewing-gum, Mentos, en 2005. En deux ans, elle s'est attribué 18 % de part de marché.
La PCP, en difficulté, tente de se renouveler
De nouveaux produits prometteurs s'annoncent encore cette année. Notamment le Mentos Cool Schok, qui joue sur les deux tableaux : pile, c'est un chewing-gum ; face, un bonbon à sucer. Une nouveauté attendue (avec les autres), entre autres pour enrayer le léger relâchement des derniers mois. « On observe un petit ralentissement du chewing-gum ce début d'année, puisque la croissance de ce segment tourne plutôt autour de 5 %, sur les derniers mois », note Laurence Verdickt.
Mais ce n'est rien, comparé aux difficultés de la petite confiserie de poche (PCP pour les intimes). «Des changements importants sont intervenus dans le portefeuille de la PCP. Un certain nombre de produits avaient enregistré des croissances qui se sont révélées éphémères et, aujourd'hui, le marché se resserre sur Mentos et Tic-Tac », souligne Laurence Verdickt. Après un plan de relance en 2007, passé par l'introduction de deux nouveaux goûts fruités, les ventes de Tic-Tac ont effectivement progressé de 24 % en un an. « Cerise Acerola et Fruits de la passion représentent déjà 20 % du chiffre d'affaires de la gamme et sont devenus incontournables », indique Guillaume Simon, responsable du category management chez Ferrero France. Pour continuer son renouveau, la marque tentera également un nouveau style de communication, travaillant les licences en 2008 (Prison Break). Ricola revient également dans la course. Ainsi, la marque arrive en boîte. « La bouteille est un format qui rajeunit la cible de la marque et stimule la consommation en voiture, au bureau ou chez soi », indique Bertrand Jacoberger.
La confiserie de sucre manque de dynamisme
Quant à la confiserie de sucre en sachet, toujours vendue dans les linéaires, elle ne bénéficie pas non plus d'une grande dynamique... « Le marché est stable dans son ensemble ; c'est surtout le pôle enfant qui est énergique, avec une croissance de 6-7 % », note Bertrand Jacoberger, chez Solinest. Un segment dont Haribo reste le grand leader (et Dragibus la première référence). Même si certains points lui échappent encore. Ainsi, après avoir laissé à Lutti une certaine avance sur l'offre de bonbons acides, Haribo compte reprendre les rênes. « En lançant notre Fruikipik, nous cherchons à récupérer un marché abordé avec succès par Lutti, mais créé par Haribo », indique Frédéric Schaeffer, directeur marketing de Haribo. Au-delà de son goût piquant, censé séduire les enfants, la composition de ce bonbon, à base de jus de fruits, est censée rassurer les mamans. De là à proposer un jour ce sachet en devants de caisse... Haribo sera seul maître. À moins que les pouvoirs publics ne tranchent définitivement la question, et lui retirent cette option.