Pourquoi Monoprix a signé avec Ocado pour son e-commerce

En s’alliant au cybermarché britannique pour développer l’e-commerce alimentaire de Monoprix, le groupe Casino s’offre la technologie de loin la plus avancée au monde. En ligne de mire, un entrepôt francilien de 50 000 références capable de préparer les commandes en moins de six minutes.

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Pourquoi Monoprix a signé avec Ocado pour son e-commerce
L’entrepôt dernier cri d’Ocado à Andover (Royaume-Uni), qui va servir de modèle à celui de Monoprix.
Les points forts de la logistique d’Ocado
  • Plus de 50 000 références alimentaires et PGC.
  • Préparation des commandes en moins de six minutes.
  • Gestion des DLC qui limite le taux de casse à 0,7 % seulement.
  • Part des commandes livrées à l’heure ou en avance : 94,9 %.
  • Part des commandes sans produit manquant ni substitué : 99 %.
  • Coûts de préparation de commande les plus bas du marché.
  • Opérations e-commerce rentables.
  • Dix-sept ans de R & D et plus de 100 brevets, principalement en supply chain.

Le groupe Casino a annoncé le 28 novembre avoir signé avec ­Ocado pour offrir à ses enseignes l’exclusivité pour la France de la technologie de pointe développée par le cybermarché britannique. La première à en bénéficier sera Monoprix. Ocado équipera pour elle un entrepôt automatisé en région parisienne, qui devrait entrer en service au deuxième semestre 2019 pour livrer l’Ile-de-France, la Normandie et les Hauts-de-France. Outre la gestion de l’entrepôt, les solutions du marchand-prestataire serviront à piloter le ship-from-store de Monoprix, à optimiser ses livraisons et à opérer son site marchand. À terme, d’autres entrepôts pourraient voir le jour près de grandes villes.

Un très joli coup pour le groupe Casino, à même de rebattre les cartes de la livraison à domicile de courses alimentaires en France, plus encore qu’une arrivée d’Amazon Fresh. Inconnu des Français, Ocado est en effet, avec 1,27 milliard de livres sterling de chiffre d’affaires en 2016 (1,49 milliard d’euros), le plus gros pure player d’e-commerce alimentaire au monde. Fondé en 2000 par trois anciens de Goldman Sachs, il n’a cessé d’innover pour surmonter les difficultés logistiques que pose la vente en ligne de nourriture. 50 000 références, trois températures, une ségrégation stricte de certains produits et une mécanisation poussée : l’infrastructure bâtie par Ocado dépasse de loin, de leur propre aveu, celle des distributeurs traditionnels.

Des robots en essaim

Chaque jour, ses trois entrepôts expédient un total de 1,7 million de produits. Dans le plus récent, mis en service fin 2016 à Andover, dans le sud du Royaume-Uni, un essaim de plusieurs centaines de robots prépare les commandes. Les stocks sont répartis « en ruche », sur cinq étages d’alvéoles que surplombe une immense grille, d’où les robots accèdent aux produits en dessous d’eux. Internet des Objets et machine learning sont à l’œuvre pour optimiser tous les déplacements, tout en intégrant les dates de péremption des produits. Comme dans un ­essaim, les robots collaborent : si l’un d’eux doit atteindre une alvéole trois étages plus bas, d’autres déplacent les casiers du dessus en quelques secondes. À chaque instant, environ 8 000 éléments sont en mouvement. Résultat : à Andover, préparer un panier de 50 articles ne prend que six minutes entre la réception de la commande et son expédition, au lieu de plusieurs heures chez un distributeur traditionnel. À l’arrivée, un niveau de service inégalé, que le consommateur perçoit en termes d’offre, d’interface, de non-substitution des produits, de rapidité et de ponctualité. C’est donc ce type d’entrepôt et de service que vise Monoprix.

En effet, Ocado, qui depuis 2002 distribue les produits de Waitrose, a franchi un nouveau cap en 2013 en signant avec un autre distributeur britannique, Morrisons, pour opérer son site marchand et sa logistique e-commerce.

Toutefois, son cours de Bourse décline depuis 2014. Il continue certes d’accroître sa part de marché, malgré l’arrivée mi-2016 au Royaume-Uni d’Amazon Fresh. Mais ses actionnaires sont impatients de le voir développer un relais de croissance qu’il ne cesse d’annoncer comme imminent : l’international. Ne parvenant pas à nouer des joint-ventures avec les distributeurs du continent, Ocado a donc entrepris, il y a deux ans, de leur faire miroiter son savoir-faire technologique. En France, toute la grande distribution a défilé dans ses entrepôts pour en observer l’efficacité.

Des craintes balayées par Monoprix

Sauf que, jusqu’ici, aucun n’avait signé. Pourquoi tant d’hésitation à s’approprier les prouesses technologiques du prodige anglais ? Les retailers évoquaient un prix élevé… et craignaient de faire entrer le loup dans la bergerie. Concrètement, l’infrastructure logistique de l’Ocado Smart Platform est proposée avec des frais d’installation bas et une facturation à l’usage, au nombre de commandes préparées par heure. Le distributeur partenaire a ainsi peu à investir pour disposer d’une infrastructure de pointe, qu’Ocado se charge de dimen­sionner et de maintenir à la façon d’une plate-forme cloud. Mais le jour où l’une des deux parties veut reprendre son indépendance, ­Ocado repart non seulement avec l’infrastructure, mais aussi avec les données de l’activité, et peut se lancer en propre ou s’allier à un rival.

Pour Monoprix, cette crainte n’est plus digne de notre époque. « C’est une réflexion de la vieille économie, estime son président, Régis Schultz. Ce risque n’existe pas. Les datas et les clients de Monoprix restent les nôtres. Si le contrat prend fin, comme avec n’importe quel logisticien, nous pourrons le remplacer par un autre. »

Il est vrai que, plus le temps passe, plus la peur du loup s’estompe. On vient de le voir avec Auchan, qui n’a pas craint de s’allier avec Alibaba pour digitaliser ses enseignes chinoises, alors même qu’il est déjà le numéro un des hypers dans le pays. S’associer avec un champion de l’e-commerce pour dépasser la concurrence ? Forcément mieux que d’avancer à pas de fourmi. Quant au prix, Régis Schultz balaie aussi la question d’un revers de la main : « Nous avons trouvé quelque chose qui fait du sens finan­cièrement pour nous. Le coût de préparation de commande sera inférieur à nos coûts actuels, pour une largeur d’offre et une rapidité largement supérieures. Nos opérations seront incomparablement plus efficaces. »

Un coup à la hauteur de l’achat de Cdiscount

Possible aussi qu’Ocado ait été suffisamment désireux d’étoffer son portefeuille pour revoir ses prétentions à la baisse et que l’effet du Brexit sur le change euro-livre ait emporté le morceau. Il faut également envisager que Jean-Charles Naouri n’ait pas rechigné à la dépense devant cet investissement stratégique. Le PDG de ­Casino avait déjà su agir au bon moment en prenant le contrôle de Cdiscount dès 2000 pour en faire le plus gros e-commerçant de France après Amazon. Le secteur de la distribution alimentaire a passé des années à contourner le sujet de la livraison à domicile pour se concentrer sur le drive. Devenir le premier acteur français à la maîtriser – c’est-à-dire à y trouver une croissance rentable – serait pour Casino un autre très bel accomplissement, en plein core business qui plus est. Qu’adopter la technologie d’Ocado constitue ou non un aveu d’échec de l’e-commerce de Monoprix n’est même plus la question : faisant table rase du passé, Jean-Charles Naouri offre à l’enseigne le moyen de dépasser tous ses concurrents. Les retailers qui n’ont pas saisi l’opportunité de signer avec le britannique (ni de le racheter) sont peut-être en train de s’en mordre les doigts.

Les concurrents devraient réagir

Enfin, ce partenariat semble particulièrement pertinent pour Monoprix, et pas uniquement du fait de son retard sur l’e-commerce. Car, à l’inverse de ses rivaux, il tire la majorité de ses ventes en ligne alimentaires de la livraison à domicile. L’enseigne qui, historiquement, livrait depuis ses magasins, explore en parallèle depuis 2016 un modèle reposant sur un entrepôt à Gennevilliers (92). Manifestement, ce choix est conforté. Outre les avantages qu’il peut attendre d’Ocado, un entrepôt centralisé lui apporte une zone de chalandise étendue, des créneaux de livraison élargis, un meilleur niveau de service et des prix souvent inférieurs au Monoprix de quartier, qui lui permettent même de se rapprocher nettement de ses concurrents.

Reste maintenant à voir la réaction des autres distributeurs tricolores actifs dans les grandes villes, et en particulier de Carrefour dont on attend l’annonce du plan de transformation pour le 23 janvier. Dans le digital, Casino vient de mettre la barre très haut. Pour contenter ses actionnaires, Alexandre Bompard aura plutôt intérêt à ne pas se contenter de mesurettes.

Ocado en 2 dates et 6 chiffres clés
  • 2000 : création
  • 2013 : Ocado commence à opérer l’e-commerce de Morrisons
  • 1,27 Mrd £ (1,49 Mrd €) de CA 2016, en hausse de 14,81 %
  • 12,1 M £ de bénéfices avant impôt en 2016
  • 580 000 clients
  • 108,10 £ de panier moyen
  • 230 000 commandes par semaine
  • 3 entrepôts au Royaume-Uni, un 4e prévu pour 2018
Source : Ocado

UNE ROBOTISATION TOUJOURS PLUS POUSSÉE

Les humains qui, à Andover, ne servent quasi plus qu’à mettre les fruits et légumes dans des sacs, seront sur ce point aussi remplacés par des robots dans le quatrième entrepôt qu’Ocado ouvrira en 2018, à Erith, à l’est de Londres.

UNE TECHNOLOGIE DE POINTE

À Andover, les produits sont stockés « en ruche » sur cinq étages d’alvéoles que surplombe une immense grille sur laquelle des centaines de robots se déplacent pour accéder aux articles. Des algorithmes modélisent et optimisent tous ces déplacements en temps réel en intégrant une dimension temporelle : les DLC des produits.

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