[Enquête] Pourquoi robotiser ses entrepôts

Amazon vient d’annoncer que son entrepôt de Brétigny-sur-Orge (91) sera robotisé avec sa solution Kiva. Le géant américain n’est pas le seul à miser sur la robotique : Monoprix, Cdiscount, Decathlon ou Gémo ont de beaux projets en cours. Mais la robotisation est-elle la panacée pour mieux gérer les activités e-commerce ?

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[Enquête] Pourquoi robotiser ses entrepôts

Ce qu’on attend des robots

  • Gain de stockage: les robots dits « goods to man » apportent les produits aux opérateurs. Par conséquent, il n’y a plus besoin de prévoir des allées de circulation.
  • Meilleure productivité : en manuel, avec des instructions sur un PDA, les cadences oscillent entre 100 à 130 pickings à l’heure. Avec des robots, on peut tripler ou quadrupler ces chiffres.
  • Amélioration des conditions de travail : l’opérateur n’a plus besoin de parcourir les allées pour trouver les produits ni de tirer un chariot qui peut atteindre 10 à 15 kg en fin de tournée.

Les points d’attention

  • Investissements : le financement va au-delà des robots et de la solution de pilotage. Par exemple, le bâtiment doit disposer d’un sol le plus plat possible.
  • Gestion des projets : implanter les robots n’est que la partie émergée de l’iceberg. Il est nécessaire de s’approprier la solution pour affiner le pilotage selon sa propre activité.
  • Qualité des datas : il faut disposer de données fiables de prévisions des ventes pour lisser au maximum les flux et limiter les pics d’activité.

C’est une première en France : les robots Kiva débarquent. Amazon vient d’annoncer que son nouvel entrepôt de Brétigny-sur-Orge (91) sera robotisé. C’est la dixième fois en Europe que la firme américaine dégaine son arme robotique, la Pologne étant pionnière sur le sujet. Comme à chaque fois, l’e-commerçant mise sur une technologie propriétaire puisque le système Kiva est tombé dans son escarcelle en 2012 pour 770 millions de dollars (soit l’équivalent de 616 millions d’euros actuels). La structure Amazon Robotics a ensuite déployé immédiatement aux États-Unis et trois ans plus tard en Europe ces robots qui répondent à une logique « goods to man » (« les choses viennent aux hommes »). Autrement dit, les robots déplacent des armoires stockant les produits vers des opérateurs qui, eux, restent fixes dans des « gares ». Ils peuvent alors procéder à de la mise en stock ou à de la préparation de commandes.

Course contre la montre

Dans le cas de Bretigny, le bâtiment de 58 000 m² au sol comportera trois étages pour une surface totale de 142 000 m². La construction de l’entrepôt a pris un peu de retard et Amazon compte sur une mise en service fin 2018 pour une montée en puissance en 2019. Le site joue un rôle crucial dans la conquête de la capitale, car « Paris commande beaucoup : elle est la deuxième ville d’Europe la plus dynamique, détaille Ronan Bolé, président d’Amazon France Logistique. L’objectif de la robotisation est d’organiser les flux pour que les cadences soient les plus fluides possible. Les robots nous apportent de la vitesse dans la préparation des commandes et doivent accompagner notre croissance », qui tourne autour de 30 % par an. Concrètement, sur le site de Dunstable, au Royaume-Uni, le record de vitesse pour la préparation d’une commande est de dix-huit minutes et les robots ont permis un traitement de plus de 500 000 colis en une seule journée…

Dans cette course contre la montre, Amazon ne concourt pas tout seul. Plusieurs autres distributeurs comptent sur la robotique pour améliorer leur cadence en 2018. Par exemple, Cdiscount va robotiser son entrepôt de Réau (77) avec la solution Exotec. « Après un premier test sur le site de Cestas (33), nous passons désormais à la phase d’industrialisation de la solution avec 50 000 bacs et une cinquantaine de robots, précise Pierre-Yves Escarpit, directeur des opérations de Cdiscount. Nous franchissons un cap dans la robotisation avec pour objectif d’expédier les colis le plus rapidement. De plus, le système permet de prioriser en temps réel les commandes express. » Côté rendement, l’e-commerçant annonce une productivité cinq fois supérieure à un traitement manuel, rien de moins ! Le tout avec une meilleure densité de stockage puisque les racks montent sur 10 mètres de haut et s’étendent sur 2 000 m². Un stockage classique demanderait 10 000 m² au sol. Le dirigeant de Cdiscount ne souhaite en revanche pas donner de détails sur le montant de l’investissement, précisant juste qu’il est « significatif mais que le temps du retour sur investissement se révèle inférieur à quatre ans ».

L’enseigne Gémo planche également sur un projet d’automatisation et de robotisation pour approvisionner ses magasins, une nécessité selon François Le Joncour, directeur supply chain : « Avec l’“omnicommerce”, les flux augmentent et il n’est pas possible de passer à la vitesse supérieure sans robot. Si nous avons mécanisé la partie textile, le traitement de la chaussure reste encore trop manuel. Nous étudions trois solutions dont le retour sur investissement est inférieur à deux ans, et nous ferons notre choix en fonction de la productivité, mais aussi des investissements à sortir ou encore de la capacité à traiter les pics d’activités. »

Pas que pour les fortes rotations

Dans l’alimentaire, le cas est un peu particulier. Peu de distributeurs, pour ne pas dire aucun, ont trouvé le secret pour proposer un service rentable. Du moins en France. Ocado, en Angleterre, a développé un système utilisant des robots pour le picking qui lui a permis de s’imposer comme le premier supermarché en ligne britannique. Le groupe Casino a d’ailleurs annoncé, le 28 novembre 2017, avoir signé avec Ocado pour s’offrir cette technologie en France. L’accord porte sur un entrepôt francilien de 50 000 références capable de préparer les commandes en moins de six minutes. Monoprix sera la première enseigne a en bénéficier, le site devant entrer en service au deuxième semestre 2019 pour livrer l’Ile-de-France, la Normandie et les Hauts-de-France. Régis Schultz, président de Monoprix, a déclaré à LSA en novembre 2017 « acheter en quelque sorte dix-sept ans de R & D en e-commerce alimentaire » et ainsi gagner « cinq ans d’avance sur tout le monde ».

Les projets de robotique ne s’appliquent pas uniquement pour les produits à forte rotation. Chez Gémo ou encore L’Oréal, le système Scallog a été mis à profit pour gérer les références ayant des rotations moyennes ou faibles. Mais l’objectif reste identique : améliorer la préparation des commandes. Le logisticien BSL, qui opère les deux entrepôts dédiés aux activités e-commerce des deux distributeurs, a déployé la robotique dès 2014 et, dans le cas de L’Oréal, les robots stockent 80 % des références qui ne représentent que 20 % des commandes. « Prélever les produits C ou D demande beaucoup de temps à l’opérateur, qui devra faire de nombreux allers-retours dans les allées, commente Rolf Beyer, dirigeant de BSL. Avec la robotisation, on optimise le temps de préparation, d’une part car l’employé reste fixe et d’autre part parce que l’on lancera le système pour gérer une centaine de commandes d’un coup, par exemple. In fine, sur 1 million de commandes passées sur le site e-commerce de L’Oréal, une sur deux nécessite au moins un passage sur la partie robotisée. Chez Gémo, on est plutôt à 30-35 %. »

Au-delà de générer de la productivité que des systèmes d’automatisation apportent également, la robotisation a en plus l’intérêt de rester flexible et agile. Or, dans l’e-commerce, les flux se révèlent différents d’un jour à l’autre et d’un mois à l’autre, avec une fin d’année toujours éprouvante. « L’installation d’Exotec peut être déplacée au sein de l’entrepôt si besoin et on peut adapter le rythme en ajoutant des robots et des gares », détaille Pierre-Yves Escarpit.

Même chose chez Gémo avec BSL, qui a ainsi loué des robots supplémentaires à Scallog pour davantage de rendement pendant la période des soldes. Pour le logisticien, il n’y a pas de doutes possibles : « La robotisation est une solution efficace et productive dès lors qu’on la dimensionne bien et qu’on la personnalise. » D’ailleurs, la finesse du calibrage des ­machines dépendra en grande partie de la qualité des données, notamment celles de planification et de prévision des ventes, que l’on injecte dans le logiciel de pilotage.

Amélioration des conditions de travail

Aux gains de stockage et de productivité se rajoutent ceux sur les conditions de travail. En effet, les solutions « goods to man » ne suppriment pas l’humain, « mais change la façon de travailler, indique Ronan Bolé. Les discussions avec les syndicats se sont très bien passées car ils ont constaté que ces outils sont orientés vers les employés ». Le dirigeant d’Amazon souligne également que le développement de Kiva en Europe n’a pas pour autant freiné les embauches. L’e-commerçant a d’ailleurs récemment annoncé la création de 2 000 CDI en France, sur ses différents sites. Pierre-Yves Escarpit souligne de son côté qu’il y a « beaucoup de tâches en entrepôt qui nécessitent la présence d’un humain. Il n’y aura jamais de site 100 % robotisé. En revanche, pour les opérations pénibles, le robot a toute sa place ».

Cdiscount densifie son stockage

Après un test sur l’entrepôt de Cestas avec 3 000 bacs et 8 robots (photo), Cdiscount déploie de façon industrielle la solution d’Exotec sur son site de Réau (77), avec 50 000 bacs et une cinquantaine de robots.

  • La solution d’Exotec :

Les machines se chargent d’aller ranger ou prélever des articles dans des bacs empilés. Les robots se déplacent donc latéralement et verticalement, gérant une ou des commandes.

Gémo optimise les faibles rotations

Pour gérer son activité e-commerce, Gémo dispose d’un entrepôt à Rennes exploité par BSL et équipé de robots Scallog. Installées sur la mezzanine, 8 machines déplacent des armoires qui contiennent des chaussures et du textile de faible rotation.

  • La solution de Scallog :

Les robots se déplacent à 1,4-1,6 mètre par seconde, s’orientant grâce à des bandes collées au sol. Ils apportent les armoires, hautes de 2,5 mètres et remplies sur deux faces, dans une « gare » où les opérateurs font le picking.

Monoprix sous-traite

Monoprix a annoncé avoir signé en novembre 2017 avec Ocado Technology, filiale d’Ocado, le cybermarché britannique. Le site devrait s’implanter en Ile-de-France pour gérer 50 000 références avec une préparation des commandes en six minutes.

  • La solution d’Ocado :

Les robots circulent sur un plancher composé de cases contenant des bacs dans lesquels sont stockées les marchandises. Les machines attrapent les boîtes pour les apporter aux opérateurs qui prélèvent les produits nécessaires.

Amazon construit autour des robots

L’entrepôt de Brétigny-sur-Orge, dont la construction devrait s’achever en fin d’année, sera équipé des robots Kiva. Son organisation reprend celle du site de Dunstable, en Angleterre, qui a été parmi les premiers à déployer Kiva en Europe. Le rez-de-chaussée sert à la réception des marchandises et à l’expédition. Les étages s’organiseront autour des robots.

  • La solution Kiva :

Le système sert pour l’intégralité des références. Les robots apportent des armoires aux opérateurs qui restent dans des gares, pour de la mise en stock ou du prélèvement. Les machines se déplacent en lisant des QR Code qui quadrillent le sol et communiquent entre elles.

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