Produits défectueux : le distributeur est responsable
JURIDIQUE
Produits défectueux : le distributeur est responsable
· Le distributeur est-il responsable des dommages causés par un produit défectueux ?
Même s'il a la faculté de se retourner contre son fournisseur, le distributeur est responsable des dommages matériels ou physiques engendrés par tout produit défectueux qu'il commercialise, qu'il s'agisse d'une marque de fournisseur ou d'une MDD. Dans la pratique, le consommateur s'attaque souvent à lui, parce qu'il est l'interlocuteur le plus facile à identifier. Le distributeur est responsable même sans avoir commis de faute : présumé de mauvaise foi, il est censé connaître le vice caché. Quand bien même une faute serait exigée pour engager sa responsabilité, une jurisprudence constante juge que la livraison d'un produit défectueux constitue en elle-même une faute.· Peut-on reprocher d'autres fautes au distributeur ?
Oui. Parmi ces fautes figure le fait de ne pas retirer de la vente un produit reconnu dangereux ou dont la date limite de consommation est atteinte ; ou encore d'oublier de mettre en garde sur les risques d'utilisation d'un produit. A noter que le professionnel reste aussi gardien (donc responsable), même après livraison, de la structure des produits dotés d'un dynamisme propre et susceptibles d'être dangereux : boissons gazeuses, produits explosifs ou inflammables, téléviseurs· Pour quels motifs le distributeur peut-il être attaqué ?
Sans envisager la voie pénale ouverte pour homicide involontaire ou atteinte à l'intégrité physique, la palette d'actions en réparation civile des victimes de produits défectueux est très large. Le distributeur peut être attaqué sur le plan de la responsabilité contractuelle, si la victime est l'acheteur ou le loueur de l'objet, ou sous l'angle délictuel quand aucun contrat (de vente ou de location) ne le lie à la victime.· L'application en France de la directive européenne de 1985 va-t-elle modifier notre droit ?
Le texte de cette directive de 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux ne retient pas en principe la responsabilité du vendeur, sauf s'il se comporte comme un producteur (en apposant son nom ou sa marque) ou s'il importe le produit hors de la communauté. Mais la proposition de loi qui va transposer ce texte communautaire en droit français (dite proposition Catala), retient une autre interprétation puisqu'elle cite clairement le distributeur parmi les responsables en matière de produits défectueux. Reste que, quelle que soit sa version finale, ce texte ne changera pas fondamentalement la situation en France puisqu'il coexistera avec le droit précédent. Le distributeur restera donc responsable.· Cette directive n'ouvre-t-elle pas également aux victimes de nouvelles voies de recours ?
En vertu de cette nouvelle voie de recours, tout « producteur » (ou assimilé) est responsable de plein droit, sans qu'une faute soit nécessaire, dès lors qu'il a mis sur le marché un produit défectueux ayant causé un dommage. Pour obtenir réparation, la victime (l'acheteur ou un tiers) doit prouver le dommage, le défaut du produit et le lien de causalité existant entre les deux. Cette voie de recours est ouverte à toutes les victimes (acheteurs ou tiers) et encadrée de délais d'action en réparation : trois ans au plus à compter de la connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du « producteur » et dans la limite de dix ans à partir de la date de mise en circulation du produit.Encadré(s) |
Attention au « risque de développement »· Le « risque de développement » est celui que fait courir au consommateur un défaut soudain « découvert » sur un produit, mais impossible à déceler lors de sa mise en circulation, parce que l'état des connaissances scientifiques et techniques d'alors ne le permettait pas. C'est ce type de risque qui a été révélé lors des « affaires » du sang contaminé, de la vache folle, de l'amiante· Les tribunaux français considèrent que ce risque de développement est à la charge du distributeur ou du producteur, car ceux-ci doivent livrer des produits exempts de tout vice. Le professionnel peut alors être condamné par le biais de la garantie légale des vices cachés. Présumé connaître le vice, il ne peut prouver le contraire et ne peut dégager (totalement ou partiellement) sa responsabilité, à moins qu'il ne prouve la survenance d'une cause étrangère (due à la victime ou à un tiers) ou d'un cas de force majeure. · La directive européenne ouvre aux Etats membres la possibilité d'exonérer les professionnels de cette responsabilité. Tous ont retenu cette option. La France se propose de suivre la même voie, bien que le débat soit toujours ouvert sur le sujet. Cette exonération de responsabilité serait en effet contraire à notre jurisprudence. Dans tous les cas, les distributeurs n'en seraient pas quitte pour autant, dans la mesure où les victimes pourraient toujours emprunter les voies du droit actuel (le vice caché) pour obtenir réparation. |
Les textes à connaître· Directive européenne n° 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 en matière de responsabilité du fait des produits défectueux.· Code civil : Articles 1645 et suivants (responsabilité contractuelle pour vice caché) ; articles 1146 et suivants (responsabilité contractuelle du fait personnel) ; articles 1382 et suivants (responsabilité délictuelle du fait personnel et des préposés, du fait des choses) ; futurs articles 1386-1 et suivants (transposition de la directive). · Articles L 111-1 et suivants du code de la consommation (obligation de renseignement). |