Tout le dossier Tout le dossier
-
Distributeurs
Tout un symbole [Edito]
-
Équipement des magasins
Philippe Lemoine, ancien coprésident du groupe Galeries Lafayette : « Notre métier est d'identifier, pour développer les échanges »
-
Équipement des magasins
Quand l'information produits deviendra dynamique
-
Équipement des magasins
La donnée, solution pour en dire plus à propos de ses emballages
-
Métiers
Une aide à l'avènement d'une économie plus circulaire
-
Équipement des magasins
« Une période de transition de cinq à dix ans sera nécessaire »
Quand l'information produits deviendra dynamique
Pour favoriser la transition alimentaire et répondre à l'attente de transparence des consommateurs, industriels et distributeurs pourront, s'ils le souhaitent, s'appuyer à partir de 2027 sur un QR Code qui remplacera le code-barres EAN 13.
Les enjeux
- Offrir plus d'informations et de transparence sur les produits aux consommateurs.
- Garantir une meilleure traçabilité des produits.
Tout. Sur le papier, ils veulent tout. Quand on interroge les Français, ceux-ci déclarent vouloir des prix attractifs, sans rogner sur la qualité. Et à la question de savoir quels types de produits supplémentaires ils aimeraient trouver dans leurs grandes surfaces, un sur deux répond sans hésiter des produits locaux (51 % pour être précis) et des références françaises (49 %). S'ajoute à cette volonté une demande croissante d'informations : les consommateurs aimeraient par exemple savoir d'où vient le lait de leur yaourt. D'autres scrutent de près des allergènes ou font la chasse à certaines substances… Un seul packaging n'y suffirait pas ! Etc'est bien là le nœud du problème.
« Les informations à délivrer aux consommateurs sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus complexes, comme ce qui est attendu sur l'affichage environnemental. Il n'y a pas assez de place sur les emballages pour réussir à synthétiser ces nouvelles données avec un contenu clair et compréhensible », confirme Emmanuel Treuil, directeur des affaires réglementaires et de la nutrition du groupe laitier Savencia (Saint-Môret, Tartare, Elle & Vire, Caprice des Dieux, etc. ). Nombreux sont les industriels et les distributeurs à dresser le même constat. « Nous allons vers un packaging étendu, augmenté », assure Alain Plougas-tel, adhérent Intermarché chargé du marketing produit des marques propres.
Le souhait de ce distributeur est commun à d'autres. GS1 France propose une solution nouvelle pour y répondre : le QR Code augmenté GS1. Son objectif ? Faire la lumière sur le plus d'informations possibles, et ce, pour chaque référence. « Aujourd'hui, un code-barres ne délivre ni le numéro de lot, ni la DLC. Demain, toutes ces informations pourront être regroupées dans ce QR Code qui orientera également vers un lien internet où bien d'autres informations seront regroupées », explique Cédric Lecolley, directeur commercial et filières de GS1 France.
Enjeux colossaux
Ce QR Code est déjà visible sur plusieurs packagings de L'Oréal et de Grand Frais. Demain, d'autres suivront : « Le code EAN 13 présente certaines limites. Nous avons besoin de construire un monde dans lequel la donnée est le support pour aider le client », appuie Bertrand Swiderski, directeur RSE de Carrefour. « L 'arrivée d'une nouvelle codification est nécessaire, car elle va permettre une meilleure traçabilité du produit. C'est une révolution : un yaourt produit le 3 1 janvier n'aura pas le même QR Code qu'un yaourt produite r le 1 janvier ! Même si le client n'est pour l'heure pas très demandeur, il en aura besoin demain et ce sera pour lui une réassurance », soutient-il. D'ici à 2027, les distributeurs se sont engagés, au niveau mondial, à être en capacité de lire ce QR Code encaisses et à ajuster leurs systèmes d'information, notamment le back-office magasins.
Derrière ce changement se cachent des enjeux datas colossaux pour les industriels qui souhaitent l'apposer. Car si l'industrie a l'habitude de traiter des données produits, ce n'est pas toujours le cas pour l'amont (notamment la filière agricole). Demain, l'industriel qui souhaite créer la carte d'identité numérique de son produit et communiquer des informations sur l'alimentation animale et des éléments de traçabilité sanitaire devra collecter ces informations harmonisées auprès de ses fournisseurs et les partager au travers du QR Code.
En plus de la collecte de ces données, l'impression du QR Code augmenté GS1 est également un défi. Car si les informations sont plus riches et diffèrent davantage, cela suppose d'imprimer ce QR Code avec des données dynamiques, comme le numéro de lot ou la date d'expiration, lors de la fabrication du produit, pour que la référence ait son propre QR Code. « Cette impression nécessitera des équipements spéciaux et aura des impacts potentiellement lourds tant sur les cadences que le dimensionnement des lignes de production », assure le patron de la réglementation chez Savencia. « Cela nécessite qu'elles soient agrandies, ce qui suppose de pousser les murs, en plus des autres défis et normes auxquels nous devons faire face », égrène encore Emmanuel Treuil.
Selon plusieurs industriels interrogés, même si les solutions de marquage de ces QR Code avec des données dynamiques existent, le coût de cette transformation se chiffrerait en « centaines de milliers d'euros par ligne de production ». Car, encore une fois, le code n'est plus imprimé sur des étiquettes qui sont achetées avec un certain nombre de jours ou de mois de stock, mais directement sur les emballages lors de la production. « Le grand défi, c'est d'aboutir à un langage simple et lisible pour faire la lumière de la valeur de notre produit », pointe Emmanuelle Paille, directrice RSE, affaires publiques et communication du groupe Bel.
Un vocabulaire commun
La grande consommation a déjà fait face à des enjeux similaires par le passé. Le Nutri-score a ainsi imposé ses standards aux acteurs de l'alimentaire. Plus récemment, une batterie de solutions, Yuka en tête, ont donné des informations complémentaires aux consommateurs. Ces start-up ont même fait bouger les lignes de plusieurs industriels, qui ont revu la recette de leurs produits afin d'obtenir une meilleure note sur l'application mobile Yuka, entre autres. L'enjeu aujourd'hui est donc aussi de se réapproprier le canal de communication à destination des consommateurs et de faire toute la transparence possible. « Il faut normaliser les attributs et standardiser un langage. C'est important pour reprendre le contrôle des informations livrées au consommateur. Demain, il s'agira aussi de calculer ses émissions carbones et de donner cette information aux consommateurs », avance la directrice de Bel. Pour Emmanuel Treuil, « il faut se mettre d'accord sur un vocabulaire commun. S'accorder sur la définition, le dictionnaire des données. C'est l'une des conditions pour pouvoir partager ces données et les faire remonter dans toute la chaîne vers le consommateur ». Il ajoute : « Placer la donnée produit au cœur de nos métiers suppose une acculturation de l'ensemble des équipes et constitue un véritable chantier de transformation de l'entreprise nécessitant une implication forte du top management. C'est ce que nous faisons chez Savencia. » Bertrand Swiderski ne dit pas autre chose. Pour lui, « l'information produit sera clairement un levier puissant de la transition alimentaire que nous souhaitons tous ».
Les limites des emballages
La digitalisation de l'information produit va permettre aux marques de communiquer de façon de plus en plus transparente sur leur chaîne de valeurs et sur les conditions de production de leurs aliments. « Le groupe Savencia s'y emploie, notamment en mettant ses données produit à disposition sur des plates-formes en open data, comme Universalim », explique Emmanuel Treuil. « Beaucoup de choses sont à faire dans l'aide à la décision, mais à condition d'avoir des propositions simples pour les utilisateurs, poursuit un distributeur. Si tel est le cas, des marques nationales en feront certainement un axe de différenciation et de compétitivité. Elles se positionneront comme étant les plus transparentes et informatives. » C'est déjà le cas de Système U, qui avait communiqué sur la structure de coût de certains produits à marque propre en affichant le pourcentage du prix reversé à chaque partie. Dans la même mouvance, C'est qui le patron ? ! a incité les consommateurs à mettre en parallèle la qualité et le prix. Ceux-ci ont en effet pu cocréer des produits de cette marque où, pour chaque item, était indiqué le surcoût engendré sur le prix final.
Les Mousquetaires, qui disposent de magasins et d'usines, ont également amorcé ce travail : « Nous avons déjà touché ce degré de souplesse grâce à notre site de ventes e-commerce, par lequel nous pouvons fournir aux consommateurs davantage d'informations sur les produits, et plus rapidement que par le changement de packagings, dont le temps d'arrivée sur le marché est bien plus important évidemment », indique Alain Plougastel. De même, la technologie de la blockchain permet de stocker de façon sécurisée les informations relatives au produit. Mais à terme, pour ne pas dire dès à présent, il est évident que l'emballage ne pourra pas afficher toutes les demandes réglementaires et porter tous les labels ainsi qu'une avalanche de scores.
Un projet ambitieux
D'où l'idée de ce QR Code. « On pourra y mettre liens et informations qui pourront être accessibles grâce au QR Code augmenté GS1. La traçabilité jusqu'à l'exploitation serait possible », assure Cédric Lecolley, de GS1. On pourra ainsi avoir des informations sur les usines, les producteurs, les engagements environnementaux et sociaux des marques… « À plus ou moins long terme, les systèmes de certification seront peut-être moins crédibles. Nous serons alors en mesure de les remplacer par des données réelles en allant ainsi vers une transparence totale du produit », estime un distributeur, avant d'ajouter : « Ce projet de QR Code est ambitieux. Pour remporter ce pari, il ne faudra pas en faire un projet de data scientists … »
Chez Carrefour, on y voit même la possibilité de révolutionner le travail des équipes en magasins : « Demain, on pourrait imaginer que ce code 2D soit relié à des lunettes portées par les salariés. Grâce à un système de filtres, ils pourraient par exemple voir en rouge les produits dont la date limite de consommation approche. Cela permettrait un gain de temps considérable et une productivité en magasin bien meilleure ! », envisage Bertrand Swiderski. Le défi à venir repose sur l'interopérabilité des données afin de livrer une lecture identique et simple des informations délivrées via le QR Code augmenté GS1.
PARCOURIR LE DOSSIER