Régis Schultz, président de Monoprix : "Nous pouvons être le leader omnicanal du centre-ville"
Nommé l’été dernier président de Monoprix après avoir largement contribué à relancer Darty, Régis Schultz a depuis effectué une vaste tournée des magasins. De quoi observer le fonctionnement de l’enseigne citadine et tirer un premier constat...
\ 15h13
La livraison à domicile, la différenciation produit et le pôle beauté, points forts parfois délaissés ces dernières années, vont être au coeur des travaux de l’enseigne, tout comme le déploiement omnicanal. Dans cet entretien avec LSA, Régis Schultz dévoile aussi la nouvelle équipe de direction qu’il est en train d’installer pour mettre cette partition en musique. Dopée par de nombreuses ouvertures, Monoprix reste une enseigne - et "une marque", ajoute Régis Schultz - incontournable, qui a malgré tout cédé du terrain à données comparables depuis quelques exercices. Mais le cap est donné : offrir le meilleur rapport qualité/prix/service en centre-ville.
LSA - Après avoir observé l’entreprise du sol au plafond, quelles sont vos impressions sur Monoprix ?
Régis Schultz - Notre force, par rapport à d’autres enseignes, est d’être une véritable marque. Il n’y a aucun distributeur qui nous arrive à la cheville en matière d’expression de marque.
LSA - Quels sont les chantiers à lancer ?
R. S. - Ils sont au nombre de trois. Il faut animer notre commerce, surprendre nos clients, les étonner dans le bon sens. Ensuite, avoir l’offre la plus différenciante possible, et investir sur les services. Notre chance est justement d’avoir une clientèle désireuse de services. Et il y a le défi du multicanal. Les courses commandées sur le site ou en magasin et livrées à domicile représentent 8% du chiffre d’affaires. Nous pouvons doubler ce chiffre ! Notre ambition est toujours d’offrir le meilleur rapport qualité/prix/service.
LSA - Parmi vos décisions récentes, il y a un renouvellement du comité exécutif. Quelles en sont les orientations ?
R. S. - Il y a effectivement eu un certain nombre de changements.
David Murciano, ex-directeur financier de Monoprix, devient directeur de l’exploitation et du développement, avec la responsabilité des réseaux de magasins, du développement, des travaux et de la logistique.
Diane Coliche lui succède à la direction administrative et financière. Sa carrière parle pour elle : elle travaille depuis plusieurs années en fusions-acquisitions auprès de Jean-Charles Naouri, le PDG de Casino, la maison mère de Monoprix. Sa nomination démontre la richesse du groupe.
Pascale Cartier, qui était à la direction de l’offre alimentaire, cédera sa place à Nicolas Bonnetot à partir du 1er mars. Il travaillait précédemment chez Carrefour Belgique et a notamment dirigé Rob, qui est un peu l’équivalent de La Grande Épicerie de Paris à Bruxelles. Il possède une excellente connaissance des produits. Cela va nous permettre de travailler encore plus la différenciation produit.
Sur l’offre textile-maison-loisir, Lilian Rosas va poursuivre sa mission. Lilian, véritable experte de la mode, a un immense talent.
Florence Chaffiotte a rejoint Monoprix en mai dernier. C’est une grande professionnelle du marketing, elle saura encore développer la très belle marque qu’est Monoprix !
Valérie Decaux pilote les ressources humaines de Monoprix depuis trois ans maintenant. C’est grâce à elle qu’a été négocié l’accord sur le travail en soirée qui va redynamiser le commerce de nos magasins.
LSA - Les changements vont aussi toucher l’e-commerce. Comment ?
R. S. - Pour composer le nouveau comité exécutif, j’ai souhaité un tiers de promotion interne, un tiers de gens déjà en place et un tiers de personnes venant de l’extérieur. Xavier Guery a travaillé avec moi chez But et Darty. Il m’a rejoint chez Monoprix et va s’occuper de l’e-commerce et des systèmes d’information. Notre entreprise n’est pas au niveau en la matière. Il faut revoir le site. Avec nos atouts, nous avons tout pour être le leader omnicanal des centres-villes. Nous avons l’offre, la qualité, la vitesse. Il faut maintenant avoir un site marchand au niveau des attentes des clients.
LSA - Vous avez aussi pointé la perte de terrain sur l’emblématique rayon beauté…
R. S. - Nos difficultés sur la beauté s’expliquent par différents facteurs. Monoprix a peut-être trop laissé filer les prix. Ensuite, nous n’avons pas su nous différencier suffisamment ni assez théâtralisé nos magasins. Or, dans le même temps, les pharmacies sont devenues plus agressives sur tout ce qui touche à la parapharmacie et il y a eu dans le maquillage des nouveaux arrivants, comme Kiko, qu’on a laissés entrer sans faire assez attention. Mais nous restons dynamiques, comme le prouve par exemple l’arrivée de la marque Nyx dans nos magasins.
LSA - Où en êtes-vous sur le textile et la maison?
R. S. - Sur le textile, nous gagnons des parts de marché avec des ventes légèrement positives en 2016 dans un marché qui recule de plus de 4%. Ce que nous faisons sur le textile reste assez unique. Nous avons un bureau de style en interne, des équipes de spécialistes avec près de 200 personnes – les meilleurs du secteur, qui viennent de la mode et du luxe et qui nous apportent un positionnement et des produits uniques sur le marché. Sur le pôle maison aussi, nous gagnons des parts de marché et nous pensons qu’il y a beaucoup à faire car, en centre-ville, il n’y a pas grand monde sur ce marché. Conforama et But sont en périphérie, Ikea est loin et propose des produits de plus en plus standardisés.
Dans tous ces secteurs, Monoprix a cette chance de ne pas avoir à acheter le trafic : il est là. Un million de personnes franchissent nos portes tous les jours. L’assortiment 60% alimentaire, 40% non alimentaire est le bon mix, le bon équilibre pour nous.
LSA - Pourquoi avoir publié une vidéo sur la livraison à domicile en forme de clash avec Amazon Go ?
R. S. - Il y a ceux qui disent, et ceux qui font. Nous, on agit. Nous effectuons plus de 2 millions de livraisons à domicile par an. En termes de chiffre d’affaires, la livraison à domicile représente plus de 10% de nos ventes. Et depuis décembre, nous déployons un service de livraison à pied. Dans nos magasins tests, les livraisons ont doublé avec ce système. Nous travaillons avec différents acteurs de la livraison à domicile. Nous l’ouvrons dans dix magasins par semaine et, d’ici à la fin du semestre, l’ensemble de nos magasins éligibles devraient le proposer. Personne ne peut offrir la livraison en une heure ou dans des créneaux de trente minutes comme nous. Seul Monoprix peut le faire grâce à son emplacement au cœur des villes.
LSA - Que voulez-vous proposer d’autre en matière de services ?
R. S. - Nous réfléchissons beaucoup à de nouveaux services. Il faut que les courses soient un plaisir. On peut imaginer les faire avec son téléphone en scannant les étiquettes intelligentes, et décider de se faire livrer. Le tout sans mettre un seul produit dans un chariot. On teste aussi le personnal shopper avec Deleasy, dans le 17e arrondissement de Paris et à Neuilly-sur-Seine. Cela permet une livraison groupée dans l’heure de produits achetés chez Monoprix et dans les commerces du quartier.
LSA - Votre entrepôt dédié à l’e-commerce a un an. Quel bilan en tirer ?
R. S. - La vérité est dans le meilleur des deux mondes, physique et digital. C’est par les services et leur qualité qu’on peut se différencier d’Amazon, pas sur la logistique et les systèmes, où ils peuvent investir des sommes colossales. C’est ce qu’on a fait lorsque j’étais à la tête de Darty. Il faut s’appuyer à la fois sur le magasin et sur l’entrepôt. C’est peine perdue de vouloir lutter en frontal avec les mêmes armes. On bascule la livraison en camion vers la livraison à pied ou sans véhicule. Et le magasin doit être un lieu de dispatching. Plus on démutualise en étant proche du client, mieux c’est pour l’environnement. Et on réutilise des ressources qu’on a déjà en notre possession. Amazon ne pourra pas faire de livraisons en une demi-heure, nous si.
LSA - L’expansion du réseau va-t-elle se poursuivre ?
R. S. - Nous avons ouvert environ 55 magasins l’an dernier, et environ le même nombre en 2015. Chez Naturalia, il y a un fort développement à venir, avec environ 20 ouvertures par an. Chez Monoprix, l’idée, c’est d’être le plus proche des clients. Installer des monop’daily dans des tours de bureaux comme cela se fait a du sens, car il y a une vraie demande. Et sur le format monop’, on peut se développer encore, en franchise en particulier.
LSA - Que faites-vous de l’image de cherté de Monoprix ?
R. S. - Elle est fausse et on va le montrer. Je vais prendre un exemple. Pendant les fêtes, on livrait des plateaux avec les huîtres ouvertes sur demande, gratuitement. Ça vaut combien d’ouvrir des huîtres ? L’accessibilité prix, ce n’est pas un gros mot, et il faut faire attention à ne pas être décalé. Dans le centre-ville, on a le meilleur rapport qualité/prix/service et encore plus si on intègre le prix des livraisons, qui, chez nous, sont gratuites. Notre objectif est de nous différencier et de créer la préférence par nos produits et nos services. La différenciation par le prix n’a pas de sens. À long terme, seuls la qualité et le service sont les vecteurs de création de valeur pour le client et pour nous.
LSA - Comment analysez-vous l’exercice 2016, même si vous n’avez rejoint Monoprix qu’en juillet ?
R. S. - Nous avons connu un beau quatrième trimestre. Chez But et Darty, j’ai toujours fait de la croissance, même dans des contextes de marché compliqués. J’ai envie que cela continue chez Monoprix. Nous avons mis de l’énergie dans le commerce, de la réactivité, du média chaud avec de la radio. L’effet météo nous a été positif au T4, et on a enregistré de bonnes fêtes. Sur l’année entière, en revanche, le résultat est en demi-teinte. L’été a été très compliqué avec une météo très défavorable en septembre et la baisse de la fréquentation touristique à Paris après les attentats.
Propos recueillis par Morgan Leclerc et Jerôme Parigi
5 Mrds€
d’activité (y compris franchises) 646 magasins en France (314 Monoprix, 120 monop’, 146 Naturalia, 32 monop’ daily, 26 monop’ station, 8 monop’ beauty), 98 à l’étranger
4,23 Mrds€
Le CA France à + 2,3% sur un an (mais - 1,1 % à périmètre comparable)
2%
La part de marché (CAM au 25 décembre 2016), stable sur un an
44,4 M€
Investissements publicitaires bruts (CAM au 25 décembre 2016), en hausse de 89% sur un an
Source : Kantar, origine distributeur
Sources : Casino et Monoprix