Réinventer la promo [Edito]
Depuis le 28 mai, la transposition d’une directive européenne impose à tous les commerçants d’indiquer le prix le plus bas pratiqué au cours des trente derniers jours précédant une promotion. Ainsi, il n’est plus possible d’augmenter artificiellement les tarifs pour afficher une remise plus impressionnante. Et, dès le 1er septembre, les habitants de 15 collectivités pourront choisir d’accoler l’autocollant « Oui Pub » sur leur boîte aux lettres s’ils souhaitent continuer à en recevoir. Aucun prospectus ne sera distribué dans les autres boîtes.
Si ces deux innovations auront des répercussions sur les programmes promotionnels des distributeurs, le plus important n’est peut-être pas là. Ces derniers temps, les prix ont tant flambé que les Français misent plus que jamais sur les promos. Lidl a lancé son « coup de pouce » avec 5 % de réduction, E. Leclerc son « bouclier anti-inflation » et Intermarché des remises pour ses clients aux revenus modestes. S’y ajoutent des propositions d’abonnements (Casino, Carrefour…). Toutes ces offres, basées sur la carte de fidélité, incitent les clients à venir régulièrement dans une enseigne.
Mais ce sera insuffisant. Il convient d’abord de se demander quelles sont les références à cibler. Concentrer ses efforts sur les produits onéreux et familiaux a ses limites, d’autant plus que la loi Egalim restreint les remises à 34 % dans l’alimentaire. Faut-il proposer des rabais sur les innovations, les produits plaisir ou, bien au contraire, sur ceux dits essentiels ? Ces produits qui répondent à la problématique du pouvoir d’achat et qui font l’image prix. Même question entre les marques nationales, qui sont beaucoup plus incrémentales, et les MDD, qui améliorent l’image prix. Et quid du choix entre remise différée et immédiate ? La seconde étant plébiscitée par ceux qui ont du mal à finir le mois. Les mêmes ne comprennent pas l’intérêt du « 2 produits achetés, le 3e gratuit », car ils ne réclament ni des gros volumes ni des solutions de stockage, mais la possibilité de manger correctement le jour même ! Et les industriels n’échappent pas à ce débat entre le souhait de ne pas « griller » du cash dans des ristournes, alors qu’ils ont du mal à faire passer leurs hausses de tarifs, et le désir de soutenir leurs ventes et leur part de marché et de faire « tourner » leurs usines.
Avec de telles incertitudes, la promotion « à l’ancienne » où une offre unique est définie pour tous les clients et dans tous les magasins de l’enseigne à travers un processus long et rigide paraît désuète. D’autant plus que ces promos de masse présentent un retour sur investissement incertain. C’est en offrant à chaque consommateur ce qui l’intéresse vraiment que les marques et enseignes donneront à la promo personnalisée l’importance qu’elle mérite. Les programmes doivent aussi s’adapter aux ventes de l’e-commerce en particulier et au digital en général. À condition de ne pas simplement dupliquer les bons vieux catalogues en papier, le numérique offre de la réactivité et de la flexibilité mais, aussi et surtout, d’autres façons de penser et d’imaginer, et donc de promouvoir. Avec l’obligation aussi d’inventer de nouveaux indicateurs de performances pour mieux en comprendre les impacts sur le trafic, le panier moyen et le chiffre d’affaires.
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