Retail-parks, dix ans d'innovations et encore du neuf
Apparus pour remettre de l’ordre dans l’anarchie des zones commerciales, les retail-parks n’ont cessé, depuis 2006, de magnifier leur architecture, d’étendre la palette de leurs loisirs et d’élever le standard de leurs enseignes. Au point de jouer, désormais, à ciel ouvert, en catégorie égale avec les « classiques » centres couverts !
Daniel Bicard
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Daniel Bicard
Les retail-parks « à la française » ont dix ans ! Et passeront, cette année, la barre des 150 unités, selon les comptes du Conseil national des centres commerciaux (CNCC). C’est en effet en 2006 que sortaient de terre les huit premiers exemplaires de ces parcs d’activités commerciales raisonnés, promettant de remettre de l’ordre architectural dans l’anarchie des zones commerciales. « On peut séquencer l’histoire des parcs périphériques en trois périodes, récapitule Antoine Frey, PDG de Frey. Leur préhistoire est celle des boîtes discount, qui défigurèrent les entrées de ville des années 60 à 2000. Puis l’avènement des retail-parks a marqué une montée en gamme du contenant, tout en conservant des enseignes périurbaines. Nous entrons dans une troisième période d’optimisation du contenu, où il s’agira d’attirer de nouvelles catégories d’enseignes. » Tour à tour encensés pour leurs visées vertueuses, dénigrés pour leur assèchement des centres-villes, les retail-parks ont trouvé leur légitimité. Laurent Bonnet, directeur commercial France et Luxembourg d’Immochan, y voit « une convergence d’intérêts entre élus soucieux de soigner leur politique urbanistique, clients sensibles au confort de leur shopping, enseignes contraintes de revoir leur équation économique. Et une prise de conscience collective pour construire beau et durable ». Pour Éric Duval, président-fondateur du Groupe Duval, « le retail-park est le format gagnant de l’immobilier commercial pour des enseignes dont le business model repose sur la maîtrise des coûts. Un grand nombre d’entre elles, venues des galeries commerciales, font le choix d’aller en retail-park, parce qu’elles y trouvent plus de surfaces, pour un coût immobilier bien plus faible et un trafic quasi équivalent ».
Un manifeste anti-virtualité
De fait, la première génération de retail-parks ralliait surtout des grandes et moyennes surfaces. « Puis ils ont commencé à intégrer des enseignes de “smart retail”, conciliant bonnes affaires et achats plaisir, comme GiFi, Centrakor ou Stokomani, décrit Laurent Bonnet (Immochan). Ou Action, que nous avons installé dans notre site de Louvroil, à côté de Maubeuge, en août dernier. » Et, désormais, ce sont des enseignes aussi « urbaines » que Camaïeu, Sergent Major, Esprit, Celio… jusqu’à Sephora, H & M, Nike, ou des franchises Swarovski, qui y ont leur entrée. Cette évolution du « contenu » est même une garantie pour sauvegarder la compétitivité économique du « contenant ». C’est le challenge que relève Antoine Frey pour sublimer le cadre de ses futur Shopping Promenade, « en restant économe, insiste-t-il. En effet, nous intégrons le plus en amont possible notre chaîne de valeur, et nous comprimons nos marges. En revanche, en accueillant de plus petites surfaces, nous approcherons des enseignes susceptibles de supporter des loyers plus élevés ».
C’est encore un manifeste anti-virtualité que la montée en gamme des retail-parks. « Quand l’e-commerce offre déjà tout ce que vendent les centres, les commerçants doivent revenir à ce fondamental de leur métier : rehausser leurs standards d’accueil pour justifier les visites, rappelle Jean Sylvain Camus, directeur de la communication de la Compagnie de Phalsbourg. Ce qu’a incarné l’audacieuse architecture de l’Atoll, à Angers, étape charnière dans la conception du commerce de périphérie contre la fatalité de la laideur. » Finalement, « il n’y a pas que l’air qui soit conditionné dans les espaces clos, mais également les sensations des visiteurs, avec les ambiances lumineuses ou sonores, philosophe Thierry Cahierre, président de Redevco France. C’est donc psychologiquement aussi que le chaland aspire au plein air ! »
Le « Beaugrenelle des retail-parks »
Et à la beauté ! Du moins pour certains retail-parks voulant se hisser en nouveaux objets iconiques. Tel Steel, à Saint-Étienne, qu’Apsys annonce comme « le Beaugrenelle du retail-park ». « Nous apporterons de l’extraordinaire, promet Céline Poix, directrice commerciale adjointe d’Apsys. Côté loisirs, notamment, avec une vague artificielle, et un partenariat avec la Cité des Enfants, forts de notre présence à la Cité des Sciences et de l’industrie de la Villette, à Paris, avec Vill’Up, ouvrant à la fin du mois. Et nous offrirons aussi la palette de restauration qui fait défaut à la quatorzième ville de France. »
De même, le projet Promenade de Flandre, coréalisé par Immochan et Altarea-Cogedim, qui ouvrira à côté de Lille, fin 2017, aura une architecture signée Wilmotte & Associés, des espaces de restauration en rotonde, une conciergerie et des parkings ménageant des espaces de specialty leasing. « Si les économies de climatisation inhérentes aux retail-parks s’inscrivent dans l’éthique du développement durable, leur étalement urbain s’en éloigne, estime Gilles Boissonnet, président du directoire d’Altarea Commerce. Ce qui ouvre la voie à des projets de mixité urbaine mutualisant le commerce avec des logements et des bureaux, comme nous l’avons déjà fait dans L’Avenue 83. » Dans le même esprit, la Compagnie de Phalsbourg édifiera un immense complexe de 100 000 m² dans la première technopole d’Europe, Valbonne Sophia Antipolis, regroupant commerces, bureaux, hôtels, restaurants et services. Mais toutes les foncières ne font pas dans la surenchère architecturale. Spécialement celles attachées à des groupes alimentaires, où les retail-parks sont devenus, après les galeries, les nouveaux satellites des hypermarchés.
Croissance naturelle
Ainsi, à côté de l’entité Carmila, consacrée aux galeries, l’ancien Carrefour Property Development est devenu Cardety (détenue à 42 % par le groupe alimentaire), dédiée aux retail-parks. « Carrefour s’est ainsi attribué un segment stratégique de renforcement de ses zones, plutôt que de laisser ses concurrents en veille foncière tirer parti de leur attractivité », justifie Anne-Marie Aurières-Perrin, directrice générale déléguée de Cardety. Qui compte déjà cinq projets d’ici à 2018, notamment à Cap Saran (45), Rambouillet (78) et Saint-Égrève (38). « Chez nous, l’installation de retail-parks est forcément cohérente avec nos valeurs de proximité, confirme Stéphane Vallez, directeur commercial de Mercialys. Pragmatique, elle appuie l’offre commerciale existante pour satisfaire les besoins précis de sa zone de chalandise. » Le site de Toulouse-Fenouillet est l’exemple parfait de cette « croissance naturelle » qui, sur la base d’un hyper et sa galerie, s’est successivement enrichi d’un premier retail-park en mai 2015, et d’un second, ouvert au début du mois, en même temps qu’une extension de galerie. Le tout totalisant 85 000 m² et rééquilibrant l’offre commerciale du nord de Toulouse, jusqu’alors sous-équipé.
Il reste encore à inventer de petits formats. « Des concepts peut-être moins puissants, mais avec un casting d’enseignes affiné pour des villes moyennes de 40 000 habitants, entourées de zones, parfois captives, de quelque 100 000 habitants, décrit Michel Cousin, PDG de Sopic. Tel notre projet de 9 000 m² à Saint-Doulchard, près de Bourges, où sera repositionné un Cultura local. » Et c’est un Food Park exclusivement dédié à la restauration que Cardety ouvrira, fin 2017, à Saint-Égrève, en entrée de Grenoble, en greffant six enseignes (2 150 m²) attenantes au centre commercial Carrefour.
- 146 : le nombre de retail-parks ouverts entre 2006 et 2015
- 2 103 685 m² : le total des surfaces. Soit une moyenne de 14 500 m²
- 21 : le nombre de sites labellisés Valorpark, pour distinguer les réalisations exemplaires en accessibilité, architecture, sécurité, convivialité et respect de l’environnement
Source : Conseil national des centres commerciaux
Des concepts plus imaginatifs
La justification des retail-parks était de remettre de l’ordre architectural dans les parcs périphériques sauvages défigurant les entrées de ville. Mais, à trop rationaliser, on a abouti à des concepts trop normés, qu’il faut vitaliser et humaniser.
Exemple : Shopping Promenade est le nouveau concept de Frey, visant à donner à ses ensembles davantage de chaleur et d’urbanité, et une « expérience augmentée » sur le lieu d’achat. Premier opus à Amiens, en octobre 2017, avec Green Som.
Des réalisations plus audacieuses
Les retail-parks ont longtemps constitué une catégorie à part, opposée aux centres commerciaux conventionnels couverts. Mais l’écart se réduit de plus en plus, comme le prouve la qualité de grandes réalisations à ciel ouvert, comme Polygone Riviera à côté de Nice ou L’Avenue 83, à Toulon.
Exemple : Steel, d’Apsys (70 000 m²), s’érigera comme un objet architectural iconique à Saint-Étienne. Reconnaissable par sa résille métallique et lumineuse. Également doté de jardins intérieurs et d’une vague artificielle. Ouverture en 2018
Des projets plus urbanistiques
Les retail-parks font l’économie de couverture et de climatisation de leurs allées. Cependant, conçus sur un niveau unique et pour le seul commerce, ils doivent exploiter plus durablement leur foncier en mixant d’autres fonctions urbaines.
Exemple : Open Sky Valbonne, de la Compagnie de Phalsbourg, développera 100 000 m² en entrée de Valbonne Sophia Antipolis, première technopole d’Europe, près d’Antibes. L’ensemble inclura bureaux, hôtels, restaurants et services, à côté de 60 000 m² de commerces. Échéance : 2019.
Des loisirs plus surprenants
Pour marquer leur différence avec les zones commerciales déshumanisées, les retail-parks ont très vite intégré des aires de jeux pour les enfants, des espaces d’accueil, et même des navettes. Et vont plus loin comme « parcs d’attractions ».
Exemple : DécouVertes, de Sopic (61 000 m²), à Ézanville (95), se présente comme « concept hybride et synergique », entre ferme pédagogique et shopping. Pour la première fois, un ensemble commercial donnera à voir et à vivre les rythme de la nature. Échéance : 2020.
Dix retail-parks qui ont marqué l’évolution
2002 : 14e Avenue, réalisation pionnière. Conçu par Altarea sur la vaste zone de la Patte d’Oie d’Herblay (95), en région parisienne.
2006 : Alpha Park, premier modèle exemplaire. Le site, ouvert par la Compagnie de Phalsbourg aux Clayes-sous-Bois (78), décroche le premier label qualitatif Valorpark.
2007 : Family Village, concept familial. Lancé par Altarea, à côté du Mans, depuis suivi de six autres.
2007 : Le Clos-du-Chêne, parc écoconçu. Prototype ouvert par Frey à Marne-la-Vallée (77), il préfigure ses Greencenter, au nombre de neuf.
2007 : Thiais Village (94), modèle hybride. Ce « lifestyle center » d’Altarea est à ciel ouvert, mais à parking en sous-sol, comme un équipement urbain.
2012 : L’Atoll, la révolution architecturale. La Compagnie de Phalsbourg pose cet « objet » en aluminium à Angers, comme manifeste contre le misérabilisme des équipements de périphérie.
2013 : Mondevillage, diversification de Carrefour Property. Installé comme maillon neuf du centre Mondeville 2, à côté de Caen.
2014 : Parc de la Jaufertie, diversification d’Apsys. Ouvert près d’Angoulême, il marque un virage pour le « couturier » des cœurs urbains.
2015 : St Max Avenue, la « fashion street ». JMP Expansion trace une avenue commerciale dans la vaste zone de Creil-Saint-Maximin, premier pôle de Picardie.
2016 : l’Avenue 83, morceau de ville. Doit-on encore parler de retail-park pour cet ensemble d’Altarea-Cogedim associant boutiques, logements, bureaux et hôtel près de Toulon ?
DÉFINITION
Un retail-park est un parc d’activités commerciales à ciel ouvert, réalisé et géré comme une unité. Comprenant au moins 5 unités locatives, avec plus de 3 000 m² de surface plancher construite.
Rendez-vous
Mapic, salon international de l’immobilier commercial
Du 16 au 18 Novembre 2016
Palais des Festivals de Cannes
En chiffres
- De 80 à 300 € le m² par an : les niveaux de loyers en retail-parks, selon les formats (des grandes surfaces aux boutiques)
- De 15 à 30 € le m² par an : les niveaux de charges
Source : LSA, d’après enquête