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Serge Papin: "L’entreprise sera politique ou ne sera plus" [Tribune - La conso demain]

Réconciliation, solidarité, résilience locale, intelligence collective, bien commun, "raison d'être" et "raison de venir" des enseignes... Serge Papin, ancien PDG de Système U encore très actif, livre en exclusivité pour LSA sa vision de ce que pourrait ou devrait être la consommation et le commerce au sortir d'une crise sans précédent. Une tribune éclairante et un plaidoyer pour des entreprises "politiques".

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Serge Papin:
Serge Papin

Les nouveaux médiateurs

La phrase clé : Les leaderships de demain se construiront dans la réconciliation : les leaders seront les médiateurs.

La pandémie que nous affrontons nous permet et nous incite à revenir à l’essentiel et redéfinir une raison d’être dans chaque entreprise, qui puisse s’inscrire dans l’intérêt général. À travers cette raison d’être, les collaborateurs y trouveront leur « raison d’y être » et les clients leur « raison d’y venir ». Ayant désormais la chance d’avoir un pied dans chaque monde, pourrait-on dire, j’ai récemment échangé avec Pablo Servigne (auteur d’Une autre fin du monde est possible) dans le cadre de l’initiative Sorry Children, puis discuté avec Bruno Lemaire aux Entretiens de Valpré, et je suis persuadé qu’on doit adopter une posture de médiateur et se nourrir des initiatives les plus inventives et les plus adéquates aux réalités nouvelles.

Comment s’adapter à l’époque ?

Tout l’enjeu de l’après-Covid sera de se nourrir du positif de cette crise et de ne pas toujours chercher à revenir au modèle précédent, de croissance à tout prix, de sacrifier le lien social, d’individualisme, de financiarisation excessive et d’avidité sans fin. Mais au contraire de saisir cette opportunité pour nous renouveler et inventer d’autres récits, faire appel à l’intelligence collective du pays ou du territoire, pour permettre une consommation et une distribution responsable et vertueuse, résolument tournée vers le bien commun.

Se nourrir doit toujours faire du bien !

Les leaderships de l’après se construiront dans la réconciliation et non plus dans le rapport de force. Les leaders de demain seront des médiateurs.

La fin des négos ?

La phrase clé : La solidarité héritée de la crise actuelle ne doit pas voler en éclats dans les box des négos

Dans cette dynamique, il est fondamental de soutenir les agriculteurs et de réconcilier les parties prenantes de la filière. Cela passe par une nécessaire contractualisation : le « contractualisme » doit nous permettre de sortir du rapport de force entre les agriculteurs, les transformateurs et les distributeurs. C’est le moment de quitter la négociation annuelle dans sa forme actuelle pour passer au pluri-annuel (ainsi que l’a énoncé Emmanuel Macron dans son discours de Rungis du 17 octobre 2017) et de se lier contractuellement sur du long terme. Cela permettra d’en finir avec la logique impitoyable du prix à tout prix : les enseignes ont aujourd’hui la responsabilité de passer du « prix prédateur » au « prix responsable ». De ce point de vue, le contexte est l’allié des Etats Généraux de l’alimentation car il oblige à réconcilier les filières. C’était l’ambition des conclusions des Egalim ! Nous y sommes ! Nous pouvons tourner la page de l’affrontement pour créer de la valeur pour l’alimentation.

La solidarité qui s’est développée entre toutes les parties prenantes pour nourrir les Français ne doit pas voler en éclats dans les box de négos.

Le commerce est le reflet de la société

La phrase clé : le drive et la proximité surpondèrent la part de marché des M.D.D.

Ce contexte conditionne forcément un rapport à la consommation, car n’oublions pas que le commerce n’est que le reflet de la société. Alors les Français•e•s thésaurisent et épargnent. Prudents, ils vont adopter un rapport plus modéré à la consommation, et sans doute limiter drastiquement leurs déplacements. Drive et proximité sont les grands gagnants, ce qui, dans les deux cas, surpondère la M.D.D. La livraison à domicile gardera également une place importante. Nombre d’entre eux se réapproprient leurs cuisines en se cococtant des petits plats. Cette tendance, qui était en route auparavant, va perdurer. Le prêt à manger de qualité accessible à tous et toutes dans les métropoles sera aussi un enjeu avec la reprise, il y a là une grosse fenêtre de tir. Pour l’offre, cette crise amplifie les inégalités économiques, et les nouveaux premiers prix intégrant les valeurs de marque de l’enseigne seront aussi nécessaires que le bio. Les enseignes devront savoir conjuguer les paradoxes !

Dans cette obligation du confinement, la maison va redevenir un précieux abri, un ultime refuge, et l’on se préoccupe davantage du confort domestique. Les hypers ont sans doute là une opportunité sur une offre d’équipement de la maison (en particulier de la cuisine), revisitée sur des valeurs durables. Les enseignes doivent être disruptives : ce qui sera n’est pas seulement la continuité de ce qui fût.

Contrôler la ressource

La phrase clé : Les supermarchés sont les premiers de cordée de la résilience locale

Quand je quittais mes fonctions de président de Système U, il y a tout juste deux ans, en mai 2018, j’ai déclaré à mes collègues de la coopérative : « si j’avais trente ans et que j’ouvrais un supermarché aujourd’hui, j’installerai une ferme à côté ! ». La suite prouve que cette intuition était bonne : la résilience passe par un ancrage local fort, mais aussi par une autonomie alimentaire et par le recours aux circuits courts. Les supermarchés sont en première ligne de cette résilience locale, et doivent par conséquent être moteurs de ce mouvement.
Les groupes de distribution devront investir dans la maîtrise de leurs approvisionnements, soit de manière contractuelle, soit par acquisition, et ils le feront avec leurs marques et en lien avec leurs communautés de clients et avec leurs territoires.

Le virus siffle la fin de la récré et amplifie des tendances qui avaient émergé ces dernières années : le patriotisme agricole, la re-territorialisation locale, la pertinence des circuits courts, la juste rémunération des agriculteurs. Il peut même contribuer à redorer le blason des distributeurs s’ils veulent s’impliquer fortement dans la dynamique collective et la résilience locale.

Conclusion

Cette crise sanitaire renforce un sentiment d’angoisse des Français•e•s face à l’avenir du monde. Je reprends volontiers le terme de solastalgie, qui a été forgée par Glenn Albrecht, un philosophe australien spécialiste de l’environnement. Il définit ce néologisme comme « la douleur ou la détresse causée par une absence continue de consolation et par le sentiment de désolation provoqué par l’état actuel de son environnement proche et de son territoire ». Ce sentiment, consciemment ou inconsciemment, est partagé par bien des personnes, et il est particulièrement palpable actuellement : la conviction que « plus rien ne sera comme avant » est de plus en plus tenace.

Le covid 19 n’est pas le fruit du hasard, il est là pour nous obliger à changer. Nous n’échapperons pas à la prochaine pandémie si les mécanismes d’hier continuent d’être mis en œuvre. Les enseignes doivent rassurer. En tant qu’entreprises, nous pouvons opérer ce changement, en nous engageant sur le bien commun. Je reprends volontiers le titre du livre de Pascal Demurger, qui dirige la MAIF : « L’entreprise du XXIème siècle sera politique ou ne sera plus ».

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