Tout est une question de désir… [Edito]
Dépôt de bilan, procédure de sauvegarde, cessation de paiement… Les mauvaises nouvelles se succèdent pour les enseignes du non-alimentaire. Pour expliquer de telles situations, il est toujours possible de se réfugier derrière la pandémie de Covid, la guerre en Ukraine, l'inflation généralisée ou la question du pouvoir d'achat. Et même d'évoquer quelques erreurs stratégiques comme des investissements « contracycliques ». On peut aussi mettre en avant un marché surcapacitaire en nombre de magasins, se plaindre que le textile et l'habillement ne sont plus des priorités d'achat pour les Français, constater l'explosion du marché de la seconde main ou pester contre l'e-commerce qui représente quasiment 20 % des ventes de ce secteur. Sans oublier de pointer du doigt la hausse des baux commerciaux ou de crier contre les difficultés de circulation en centre-ville. Autant d'explications valables, mais parfois insuffisantes. Toutes ces enseignes sont surtout coincées entre les premiers prix et le moyen/haut de gamme ou le luxe accessible. Résultat de ce fameux effet sablier, elles n'arrivent plus à se distinguer.
Et pour attirer les regards, tout commence par le désir. Les enseignes cœur de gamme manquent d'abord de désirabilité. Plus que jamais, il faut faire rêver ses clients ou ses futurs clients. Cette mission est possible par l'offre (le plaisir d'avoir) le prix (la possibilité d'avoir), mais aussi par le service (le sourire) ou tout simplement l'excellence opérationnelle (le gain de temps). À chacun de trouver ses atouts de séduction. Mais pour y parvenir, quelques prérequis sont nécessaires. Pour commencer, il ne faut passe voiler la face. Et malheureusement, l'histoire démontre que l'aveuglement de dirigeants et actionnaires n'est pas un mythe. Par confort personnel ou embourgeoisement, ils ne sentent pas leur situation se dégrader. Beaucoup d'enseignes, qui ont connu de très belles années dans les décennies 1980-1990, ne se sont pas vues vieillir et, surtout, n'ont pas vu vieillir leurs clients. Le désir s'est volatilisé… Ensuite, l'argent est nécessaire pour accompagner sa mutation (digital, développement durable… ).
«Les enseignes cœur de gamme manquent de désirabilité. Plus que jamais, il faut faire rêver ses clients ou ses futurs clients.»
Et là, malheureusement, les liquidités ne coulent plus à flots. Les fonds d'investissement ou la Bourse n'ont plus les yeux de Chimène pour le commerce. De plus, certains actionnaires, une fois en place, ont plus le désir de la finance que du commerce, plus d'intérêt pour l'immobilier que pour le carrelage, plus d'attirance pour la rentabilité que pour l'écoute client…
Après, il convient d'avoir des idées. Car singer ses concurrents n'est guère ambitieux. Et c'est justement la curiosité qui permet de se dépasser. Enfin, il faut nommer les bons dirigeants, qui définissent la ligne directrice, impulsent et contrôlent. Sans oublier les équipes qui mettent en musique. Quant à la fameuse « marque-employeur », elle passe forcément par de la désirabilité pour attirer les bons talents.
Finalement, ces enseignes ne peuvent plusse contenter d'aligner des produits sur des rayons ou des portants, mais doivent raconter des histoires, afficher des valeurs et vendre du sens. Encore une fois, tout est une question de désir…