« Traduire de façon plus concrète la différenciation positive pour les PME »
A quelques semaines de l’ouverture des négociations commerciales 2016, Dominique Amirault, président de la Fédération des entrepreneurs et entreprises de France (Feef), se réjouit des bons indicateurs de ventes pour les PME et annonce la signature prochaine d’accords bilatéraux, enseigne par enseigne, pour préciser les règles du jeu des relations commerciales.
LSA - Quel constat faites-vous pour les PME à la fin de ce premier semestre 2015 ?
Dominique Amirault - Le climat global n’est pas euphorique. En valeur, la hausse des ventes n’est que de 1,2 %. Si on regarde plus finement, on s’aperçoit, selon Nielsen, que les grandes marques progressent de 1 % et que les MDD baissent d’autant. À l’inverse, les marques de PME bondissent de 4 %. Ce chiffre confirme la tendance des dix-huit derniers mois. Il est évident que les PME s’intègrent parfaitement dans la stratégie des enseignes. Les grandes marques se développent grâce à des baisses de prix et à la pression promotionnelle. Ces deux pratiques additionnées génèrent, certes, de la croissance volume, mais aussi de la destruction de valeur. Les grandes marques cherchent avant tout à préserver leur rentabilité et, pour y parvenir, elles tentent d’imposer un dogme comme si elles étaient les seules à générer du trafic en points de vente. Comme s’il y avait qu’elles à pouvoir séduire les consommateurs et à les faire venir en magasins. Les données de Nielsen prouvent nettement non pas le contraire, mais que les deux, les grands industriels comme les plus petits, ont cette capacité à attirer les consommateurs et à fidéliser. Et si les PME s’en sortent bien, c’est bien évidemment parce qu’elles apportent de la différenciation, elles enrichissent les assortiments pour « coller » aux attentes consommateurs dans les points de vente, et elles innovent. Les distributeurs construisent leur image prix sur les grandes marques, et ils construisent leur différenciation sur les marques PME qui leur apportent, par ailleurs, de la rentabilité. De quoi justifier une bonne mise en valeur dans les linéaires. Comme je le répète souvent, entreprendre c’est innover, et innover c’est entreprendre. Notre politique est clairement une politique ou une stratégie de différenciation. Cette stratégie prend pleinement son sens dans la collaboration avec nos clients distributeurs. Et contrairement à ce que l’on entend ici ou là, ça marche. Il y a, là, une logique vertueuse.
+ 4 % : l’évolution du chiffre d’affaires des marques d’ETI, de PME et de TPE, soit
• ETI + 5 %
• PME + 3 %
• TPE + 4 %
CAM à P5 2015, en HM +SM + HD + drives
+ 1 % : pour celles des grands groupes
- 1 % : pour les MDD
Source : Nielsen
LSA - Et comment comptez-vous vous y prendre ?
D. A. - L’objectif est d’« implémenter » concrètement, sur le terrain et dans le box, la différenciation en faveur des PME avec des relations commerciales équilibrées, responsables, donc collaboratives. Nos accords cadres, signés l’an dernier avec les enseignes, ont planté le décor, mais ont été quelque peu perturbés par les alliances aux achats des grands distributeurs. Nous sommes donc au début d’une nouvelle étape. L’excellence d’une stratégie s’exprime dans l’excellence opérationnelle. Nous ne sommes pas allés encore assez loin dans le détail. Certes, nous voulons nous engager à faire du commerce autrement et à travailler différemment mais, par nos nouveaux accords, nous voulons nous donner les moyens d’aller jusqu’au box car le box est le lieu des relations commerciales.
Très présentes sur les spécialités
PDM valeur, en %, des marques de PME et TPE, par produits
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Source : Nielsen, CAM à P5 2015
Des catégories de produits dépendent fortement des petites entreprises.
Un poids variable selon les rayons
PDM valeur, en %, des marques de PME et TPE, par rayons
Source : Nielsen, HM+ HM, CAM à P5 2015
Dans certaines familles de produits, les marques de PME ne désarment pas.
C’est pourquoi, en collaboration avec les dirigeants des enseignes et leurs équipes, nous travaillons des plans d’action enseigne par enseigne, afin de « bouger les lignes ». Il ne sert à rien de signer des contrats globaux. Il faut entrer dans la problématique de chacun afin de mettre en place des modes opératoires très précis, avec des objectifs de discernement PME et avec des instruments de mesure simples et stables pour piloter la collaboration avec nos clients vers la création de valeur. Nous souhaitons raccourcir et simplifier les périodes de négociation. La « juridiciarisation » du commerce ne nous va pas. Nous voulons définir des règles simples, applicables rapidement sur le terrain avec des objectifs et des modalités précis, pour le bénéfice de tous. Ce qui est nouveau, c’est la volonté d’entrer concrètement dans le processus de la négociation, « de mettre les mains dans le moteur », afin d’engager une relation différenciée et constructive sur le terrain pour que PME et GMS développent, ensemble, le commerce. C’est notre engagement. Pour y parvenir, nous comptons sur notre « fer de lance », notre marque PME Entrepreneurs + Engagés (E+).
Propos recueillis par Yves Puget