Un marché en panne d'innovations
L'hygiène papier se porte bien, avec une croissance à faire pâlir les autres catégories de l'hygiène : + 5,2 % en valeur, + 3,6 % en volume en CAM à fin août 2009, selon Iri. Comment pourrait-il en être autrement ? Difficile de faire l'impasse sur ces produits ! Avec un taux de pénétration de plus de 95 % chez les ménages français, la catégorie papier toilette est la plus importante de l'hygiène papier, avec des ventes de 673 millions d'euros, en hausse de 3,4 %. Les autres segments ne sont pas en reste : en valeur, les ventes de mouchoirs progressent de 9,8 % (+ 4,2 % en volume), les essuie-tout de 6 % (+ 2 % en volume). Pour Aude-Laure Le Boulanger, consultante d'Iri, « depuis un an, on note un fort dynamisme des trois segments. Les consommateurs ne peuvent pas se passer de ces produits de première nécessité ».
Si les trois segments enregistrent des résultats positifs, les catégories propres à chacun évoluent différemment. Sur les mouchoirs en boîte, les couleurs sont en baisse de 7,8 % en valeur et de 10,4 % en volume. Pour une raison simple, selon Solenn Robic, chef de marque Le Trèfle chez Kimberly Clark : « La couleur blanche est importante sur des produits comme les mouchoirs, synonyme d'hygiène et de propreté. » Estelle Perret, chef de marque Kleenex, propriété du même groupe, renchérit : « L'ajout d'un colorant ne fait pas bonne figure dans le cadre d'un produit d'hygiène. »
Sur les papiers toilette, si les rouleaux standards et les « trois plis » enregistrent des croissances en valeur de respectivement 3,8 % et 12,8 %, les autres catégories accusent le coup. Les paquets standards (feuilles plates) reculent de 18 % en valeur et de 9,5 % en volume, les rouleaux parfumés/imprimés de 10,3 % en valeur et de 8,7 % en volume. Une baisse à relativiser : le marché est largement dominé par les rouleaux (à 97 %), suivis de très loin par les plats (2,8 %) et les papiers humides (0,2 %). « Cette dernière catégorie est absolument inexploitée en France, en raison d'un manque d'éducation des consommateurs », confie une chef de marque. Les papiers basiques et économiques représentent les deux tiers des ventes en valeur, les différenciés (couleurs, parfums) seulement un tiers. Enfin, concernant les essuie-tout, toute la catégorie est en croissance.
Des intervenants peu nombreux
Et sur un marché qui enregistre un chiffre d'affaires de plus de 1 milliard d'euros et des ventes de près de 17 milliards en volume, les acteurs sont pourtant relativement peu nombreux. Les MDD dominent les trois segments, représentant, sur l'ensemble de l'hygiène papier, 60,1 % en valeur et 67,2 % en volume. Pour Céline Dessanlis, chef de marque PGC Casino, « l'hygiène papier est le secteur le plus facile pour s'implanter en tant que MDD. C'est un marché historique. Les marques nationales n'innovent pas tellement, et les forces en présence ne bougent pas beaucoup. Les consommateurs ne prennent pas plaisir à acheter dans ce rayon. L'acte d'achat est rapide, et le prix est une donnée très importante. » Chez Géant Casino, les MDD représentent plus de 50 % des ventes en valeur sur les trois segments de l'hygiène papier, en croissance de 5 à 7 % selon les catégories. Une évolution supérieure à celle de la catégorie globale, qui progresse de 5,2 % en valeur et de 3,6 % en volume.
Face au poids des MDD, les marques nationales sont reléguées au second plan. Lequel est dominé par deux acteurs : Georgia-Pacific et Kimberly Clark. Le premier se place en leader des marques nationales sur le marché du papier toilette avec Moltonel et Lotus (32 % du marché en valeur et 23 % en volume), mais aussi sur les essuie-tout avec Okay (30,2 % en valeur et 20,8 % en volume) et sur les mouchoirs avec Lotus (23 % en valeur, 17 % en volume). Les miettes qu'il reste reviennent ensuite à Kimberly Clark et à des marques plus petites, comme Renova (2,5 % du marché en valeur sur le total GMS) ou Regina.
Si, pour les essuie-tout et les mouchoirs, les marques proposent presque toutes les mêmes références, à quelques innovations près (surtout Renova), elles se différencient clairement sur les papiers toilette. Georgia-Pacific met en avant une large offre avec ses deux marques de papier toilette Lotus (confort, douceur et résistance) et Moltonel (hygiène et propreté), alors que les autres acteurs ont davantage étudié leur cible. Kimberly Clark se positionne sur les papiers dits « différenciés » (parfumés, colorés et soin). « Nous touchons les consommateurs qui cherchent de l'émotion et de la valeur ajoutée sur ce type de produit. Notre cible, c'est la douceur, le confort et le bien-être », explique Solenn Robic.
L'écologie peu travaillée
Regina, marque de Sofidel, mise aussi sur l'émotionnel. Christophe Brosius, responsable du développement du groupe, indique : « Nous offrons un petit plus, sans pour autant être catégorisés comme une marque premium. Nos prix restent compétitifs. » Enfin, Renova se positionne en numéro un de l'innovation, ne reculant devant aucune idée lumineuse pour secouer le marché : des couleurs étonnantes (rouge ou noir), des dessins surprises allant des formules mathématiques aux soucoupes volantes... Joao Lopes, directeur du marketing de Renova, explique : « Nous restons compétitifs sur les prix, même si nous sommes légèrement plus chers sur le marché. Cependant, notre marque apporte une vraie valeur ajoutée, à la différence de certains acteurs nationaux qui ne proposent rien de plus que les MDD. »
Plus surprenant en ces temps de « tout-naturalité », les marques misent peu sur l'écologie, excepté Renova, qui propose la gamme de pa-piers toilette recyclés Renova Green. Pour Marie-Laure Mahé, directrice marketing et catégories Lotus de Georgia-Pacific, le verdict est sans appel : « Les produits écologiques sont des niches (moins de 1 % du marché en France). Sur ces produits-là, les consommateurs ne sont pas prêts à faire des compromis pour une gamme à tendance verte. Ils vont préférer la qualité. »
Alors, tout va bien dans le meilleur des mondes ? Pas vraiment. Ce marché connaît un sérieux problème : l'offre manque d'innovations et est standardisée. Pour Joao Lopes, « c'est la faute des fabricants présents depuis vingt ou trente ans si les consommateurs se désengagent du linéaire. Il n'y a pas d'innovation en rayon, toutes les nouveautés se ressemblent ». Avis aux créatifs !