Une enseigne ne choisit pas ses clients… [Edito]
par Yves Puget, directeur de la rédaction
\ 12h14
par Yves Puget, directeur de la rédaction
D'un côté, Biocoop, de l'autre, Naturalia. La première enseigne distille au fil du temps sa campagne publicitaire très militante (Poison d'avril …) et la seconde développe un concept original pour séduire de nouveaux consommateurs grâce à son positionnement autour du plaisir et de la santé. Deux choix opposés, qui suscitent bien évidemment des débats. Certains voient chez Biocoop une inutile attaque en règle à l'encontre de l'agriculture conventionnelle. Ils préféreraient que l'enseigne mette en avant ses valeurs et celles du bio.
D'autres, au contraire, y perçoivent une chaîne qui réaffirme ses engagements. Ils y devinent un moyen de resserrer les rangs. Car ces messages s'adressent en priorité aux sympathisants du bio.
Pour Naturalia, la stratégie est tout autre. Il ne s'agit pas de compter ses fidèles, mais d'en conquérir de nouveaux puisque les adeptes sont de moins en moins nombreux. Et, là aussi, cette stratégie fait des mécontents puisqu'intégrer dans les rayons des marques vues dans des réseaux conventionnels relève, pour certains, du blasphème.
Ces deux stratégies, qui disposent chacune de solides arguments, sont pourtant opposées tant ces enseignes n'ont pas le même profil de clients et la même histoire, l'une étant une coopérative surtout implantée en province et l'autre davantage parisienne et appartenant au groupe Casino. Mais elles montrent combien, avec l'inflation et la question du pouvoir d'achat, il est nécessaire d'afficher et de revendiquer son positionnement. Les Français arbitrent de plus en plus et font des choix qui peuvent s'avérer cruels. Tout commence, bien évidemment, avec le « pourquoi je ne vais pas dans ce magasin ». Là, il s'agit de supprimer tous les irritants : trop d'attente, trop cher, trop sale… Ensuite vient le « pourquoi aller dans ce magasin ». Si la raison reste la proximité, le pari est perdu. En 2023, le plus proche sera toujours son smartphone, sa tablette ou son PC. Une marque se doit donc de promettre quelque chose que les autres n'ont pas. Dans l'alimentaire comme dans le non-alimentaire, l'heure est à la différenciation. Un client doit « comprendre » un magasin en quelques secondes, repérer immédiatement ce qu'il propose physiquement et intellectuellement. C'est pourquoi de plus en plus de points de vente s'adressent non plus à des shoppers mais à des communautés qui sont autant d'ambassadrices d'une enseigne, pour des raisons pécuniaires (Action… ), une attente de conseil (Leroy Merlin… ) ou une responsabilité environnementale (Yves Rocher).
Ce choix, qui peut être motivé par une véritable « raison d'être » ou parla simple réponse à un « besoin », il faut l'assumer et ne pas craindre de cliver, de radicaliser sa promesse de marque (tout en prenant garde de ne pas trop s'éparpiller). Les consommateurs ont besoin d'authenticité, de rêve et d'immersion. Que l'on soit pour ou contre les initiatives de Biocoop ou de Naturalia, elles ne font que répondre aux nouvelles exigences de la clientèle. Car, plus que jamais, ce n'est pas l'enseigne qui choisit ses clients mais les clients qui choisissent leur enseigne.