
La décision de taxer, ou non, les fluides frigorigènes fortement utilisés dans la grande consommation est désormais entre les mains de Delphine Batho, la ministre de l’Ecologie, qui devrait donner sa réponse mi-juin. Le Comité fiscalité écologique (CFE) lui a en effet transmis en fin de semaine dernière ses conclusions sur le sujet. Le principe d’une taxe est bel et bien entériné par le comité. Il attire en effet l’attention "sur le niveau élevé des émissions de fluides frigorigènes de type HFC en France", et recommande "que les instruments requis soient mis en place pour faciliter l’atteinte des objectifs de réduction d’émission fixés par le futur nouveau règlement européen F-gas." Or, parmi ces instruments, "la fiscalité écologique peut être amenée à jouer un rôle incitatif bénéfique sous réserve que son assiette et son taux soient judicieusement calibrés et que ses différents impacts soient mis à l’étude pour être correctement anticipés." (Vous pouvez lire l'avis complet ici).
Trois assiettes de taxes envisagées
Trois assiettes de taxes sont envisagées: La taxation des fluides mis sur le marché, sous la forme d'une accise, "solution la plus à même d’orienter le marché vers les produits les moins nocifs pour l’environnement", selon le CFE, qui nuance toutefois: "cette taxation ne doit pas pénaliser l’investissement en cas de renouvellement de l’installation avec un dispositif plus économe en fluide frigorigènes".
Seconde assiette envisagée: la taxation des ventes de biens d'équipement incorporant des fluides frigorigènes sous la forme d'un tarif forfaitaire par catégorie de produits.
Enfin, troisième piste que devra étudier le gouvernement, "la taxation des fuites (notamment via une taxation des apports) qui constituent l’assiette s’approchant le plus du principe pollueur-payeur mais qui est la plus complexe à mettre en œuvre.
"Fiscalité contre-productive"
Des dispositions qui inquiètent de longue date les distributeurs. Consultés sur le sujet, les professionnels s’élèvent contre une fiscalité « contre productive ». Si son but est d’inciter à une transition écologique, le fait de taxer les professionnels pénaliserait les investissements lourds et longs, pour basculer vers des fluides plus « propres », expliquent-ils en substance. D’autant qu’un règlement européen (F-Gas) vise déjà à bannir par seuils ce type de gaz fluorés, à horizon à l’année 2020 voire 2030.
150 millions d'euros de coût annuel pour la grande conso
Le dispositif fiscal français serait assis sur la mise sur le marché des fluides, et retiendrait un taux de 20€ à 60€ la tonne équivalent CO2. "Cela coûterait au bas mot 150 millions d’euros chaque année à la distribution dans son ensemble", alerte Franck Charton, le délégué général de Perifem, l’association technique du commerce.
En pratique, l’évolution vers de nouveaux fluides pose problème. "Beaucoup d’installations de froid sont récentes et ont pris en compte l’interdiction d’un autre gaz, le R-22. Or, leur durée d’amortissement est de 10 ans, et leur durée de vie monte jusqu’à 15 ans", fait observer Sophie Gillier, chargée de missions chez Perifem. D’autre part, les alternatives sont loin d’être évidentes, les gaz plus respectueux n’ayant pas tous fait leurs preuves dans les environnements professionnels. La plupart des installations froid des magasins fonctionnent aujourd’hui avec du R-404-A, un gaz fortement émetteur de gaz à effet de serre.