"Zalando veut devenir une plate-forme de la mode", Christine de Wendel, directrice France de Zalando
Christine de Wendel, directrice France de Zalando, revient sur les clés de la réussite du numéro un de la vente de mode en ligne en Europe. Un an après son introduction en Bourse, fin octobre 2014, Zalando affiche, en effet, toujours une croissance insolente.
Stéphanie Mundubeltz-Gendron
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Stéphanie Mundubeltz-Gendron
LSA - Zalando annonce un chiffre d’affaires en hausse de 41% au 3e trimestre 2015. Comment l’expliquez-vous ?
Christine de Wendel - Par de bons choix stratégiques ! Nos investissements aux niveaux marketing, services clients et logistique portent leurs fruits. Nous tirons notre épingle du jeu en étant innovants, en nous focalisant sur l’expérience client, et en nous adaptant à nos marchés locaux. Pour continuer à croître autant, nous observons les tendances mode, technologiques et de services. Notre introduction en Bourse nous a donné un nouveau souffle. L’orientation est claire : on veut se diriger vers le concept d’une plate-forme de la mode.
LSA - Concrètement, comment cela se traduit-il ?
Chr. de W. - Le mobile représente désormais 57% de nos ventes ! Si vous n’êtes pas mobile, vous êtes mort. D’où la création, cet été, de notre hub technique "m-commerce" à Helsinki. Nous avons aussi investi dans la livraison. L’injection directe dans le centre de tri de La Poste en région parisienne nous permet de réduire de près de une journée le temps de livraison sur Paris. L’étiquette de retour autocollante dans le colis de retour est aussi un bon exemple de service clients. Et, bien sûr, nos campagnes marketing, comme #ShareYourStyle, ou le partenariat avec Topshop et le mannequin Cara Delevingne nous ont permis d’affirmer notre image mode. Le prêt-à-porter a rattrapé la chaussure. Notre notoriété assistée est passée au-dessus de 90% en France.
LSA - Comment vous démarquez-vous de la concurrence en France ?
Chr. de W. - Nous sommes les seuls à offrir une gamme aussi large en articles de mode, avec des collections en cours au prix de vente conseillé. Nous proposons un service clients avant tout : une livraison gratuite, aussi rapide que possible [quarante-huit heures en Allemagne, quatre jours en Europe, NDLR], et un retour gratuit. Toute la réussite de notre business model vient de celle à satisfaire le client et à le faire revenir. Être une plate-forme européenne offre aussi l’avantage d’investir sur l’innovation.
LSA - Votre marge "sacrifiée" au profit des investissements n’a pourtant pas séduit le marché boursier…
Chr. de W. - Quand je vois qu’une campagne de pub ou un concept marketing a un impact positif sur les ventes, le nombre de clients et le taux d’engagement, je suis prête à continuer à investir. C’est une vision à long terme pour gagner du business.
LSA - Quel est votre taux de fidélisation ?
Chr. de W. - Nous ne le dévoilons pas. Mais la rétention client est l’un de nos leviers les plus importants. Car cela ne suffit pas d’avoir Christina Hendricks ou Cara Delevingne dans nos campagnes, l’expérience doit être agréable pour que le client revienne. Et s’il n’y a pas de système formel, en cas d’annulation ou de retard, nous envoyons un mot avec un bon d’achat, des chocolats ou des fleurs. Cela s’appelle "Surprising Delight". Nous sommes aussi très actifs sur les médias sociaux.
LSA - Justement, quid de votre stratégie sur les réseaux ?
Chr. de W. - En termes de marketing, c’est indispensable. Les jeunes ne consultent plus des moteurs de recherche classiques : tout se fait dans les applis. Notre présence sur les médias sociaux s’organise autour de l’activité contenu, avec notamment un compte Instagram très actif, du community management et des canaux de marketing payants. Notre marketing mix évolue. Aujourd’hui, on se dirige de plus en plus vers du rich-media, du display sur YouTube…
LSA - La France est le seul marché où Zalando a un bureau d’achat. Pourquoi ?
Chr. de W. - La France est l’un de nos marchés clés. Cela a un vrai intérêt pour la proximité avec les marques. Nos acheteurs ont une connaissance des produits et du marché français. Cela nous permet aussi de dénicher des petites marques qui nous donnent une légitimité mode, comme What For ou Anaki…
LSA - Après une année 2015 très dense, quelles sont vos ambitions pour 2016 ?
Chr. de W. - Nos projets sont surtout orientés autour de la plate-forme mode et nos applications mobiles. Nous continuons à être "mobile first", avec de vraies innovations. De nouvelles applis devraient sortir dans les prochains mois. Nous allons certainement lancer au-delà de l’Allemagne notre service de stylisme Zalon, ainsi que notre partenariat avec Amaze, une appli mobile de recommandation de looks. Côté B to B, nous allons développer "Brand Solutions", un service proposé aux marques pour mieux les aider à piloter leur business.
LSA - Et en termes de livraison et de click and collect ?
Chr. de W. - Nous testons la livraison le jour même en Allemagne et étudions son déploiement en France. Nous lançons aussi le "retour boîte aux lettres" avec La Poste. C’est un super partenaire. On travaille avec leurs points relais et on étudie ensemble des solutions innovantes, comme leur système de casiers…
LSA - Vous avez deux outlets à Francfort et à Berlin. Prévoyez-vous l’ouverture de boutiques en France ?
Chr. de W. - Ce n’est dans les projets pour l’instant.
Propos recueillis par Stéphanie Mundubeltz-Gendron, à Berlin
« Je suis vraiment à l’image de Zalando »
Christine de Wendel est américaine, née d’une mère française et d’un père autrichien. Un profil international qui a tout de suite séduit David Schneider, l’un des deux cofondateurs de Zalando. "Je l’ai rencontré à Paris fin novembre 2010. L’entretien a duré cinq minutes", se souvient-elle. Après un début de carrière en France chez Bain en conseil en stratégie, Christine de Wendel a travaillé dans l’hôtellerie chez Starwood, avant de suivre un MBA à l’Insead. "Il était ravi que je parle allemand mais il a surtout apprécié mon expertise en conseil et en 'service client' , ainsi que mon souhait de faire quelque chose d’entrepreneurial". Le lendemain, elle s’envole à Berlin pour visiter le siège. Aussitôt séduite, elle est recrutée fin 2010. "J’ai commencé par monter le bureau d’achat et depuis un an et demi, j’ai repris le rôle de directrice France, avec le PNL France et la responsabilité de l’équipe France à Berlin. C’est une vraie belle aventure. J’adore !" Et avec deux enfants de 2 et 5 ans, elle apprécie aussi la flexibilité et le côté "family friendly" de Zalando, qui lui permet de jongler entre Berlin et Paris.
Zalando en chiffres
- 150 000 produits
- 1 500 marques
- 2,2 Mrds € de CA en 2014
- 16,4 millions de clients actifs
- 26 millions de commandes*
- 67,70 € : le panier moyen 2015*, à + 2,6%
*période du 1er janvier au 30 juin 2015
Source : Zalando
L’innovation, au cœur de la stratégie de Zalando
L’une des forces de Zalando ? Sa capacité d’innovation. "La technologie est l’élément vital de la société", selon Éric Bowman, VP Engineering de Zalando. Tout se passe en interne. Le tout dans un esprit start-up ! "Hack day", "Mobile first day"… L’ensemble du personnel participe à des événements ponctuels. Un laboratoire d’innovation doté d’imprimantes 3D est aussi mis à disposition des employés. Plus de 800 développeurs travaillent pour la plate-forme de mode, dont 500 à Berlin. Les hubs techniques d’Helsinki et de Dublin ont également permis d’attirer de nouveaux talents. Et ce n’est pas fini ! Zalando table sur 2.000 développeurs courant 2016, notamment via d’autres villes européennes.