[Edito] Les PME familiales, loin de l’image d’Épinal
Ils fréquentent peu les plateaux de télé. Pourtant, sans eux et sans elles, une part essentielle du tissu économique français vacillerait. Ces dirigeants de PME de deuxième, troisième, parfois quatrième génération (lire les 14 portraits p. 44-75), rappellent qu’une autre voie existe que la spéculation : celle de la continuité et du temps long. Leurs entreprises irriguent nos territoires. Dans les zones rurales ou semi-urbaines, elles maintiennent des emplois qualifiés, soutiennent les filières locales et contribuent à l’équilibre démographique. Et dans les rayons, elles apportent de la différenciation. Leur défi ? Trouver la juste mesure entre l’histoire de l’entreprise et la construction de son avenir. Leur force ? La réactivité.
Ces héritiers baignent dans la société familiale depuis leur enfance. Beaucoup font d’abord leurs armes ailleurs, pour « se faire les dents », avant de revenir avec un œil neuf. Contrairement à leurs parents, souvent centrés sur le produit, la nouvelle génération s’intéresse tout autant au merchandising, au marketing, à la logistique, au digital... Ils font face à une distribution fragmentée, à des rapports industrie/commerce plus tendus et, parfois, à un outil industriel vieillissant. De vrais couteaux suisses. Et tous ont un point commun : l’obsession du développement durable et de la RSE.
Bien sûr, tout n’est pas idyllique. À commencer par une croissance économique trop faible et des marges insuffisantes, parfois négatives. Difficile d’investir dans de telles conditions et de s’en sortir. D’autant plus qu’en même temps, la question de la succession se pose. Et, en France, on se méfie souvent des « héritiers ». Il faut donc « prouver » encore plus. Ensuite, reconnaissons-le, des successions tournent au bras de fer : fondateurs réticents à lâcher prise, enfants peu enclins à « trimer » comme leurs parents, querelles, manque de compétences… le rêve de continuité peut alors se heurter à la dure réalité. Et même lorsque tout paraît « réglé », la succession reste un parcours d’obstacles, alourdi par une fiscalité décourageante et des procédures juridiques complexes. Cession à un tiers, transmission familiale ou solution hybride : tout exige une préparation minutieuse. Le Pacte Dutreil, créé en 2003 et régulièrement ajusté, demeure clé. Sans lui, nombre de familles auraient dû vendre leur PME pour payer les droits de succession ou ponctionné leurs bénéfices au point d’entraver leurs investissements. Trop souvent des PME se sont vendues à des grands groupes, d’où un manque d’ETI en France.
À méditer, alors que quelques élus montrent leur méconnaissance économique et que d’autres (ou les mêmes) rêvent d’instaurer la « taxe Zucman », impôt plancher sur les patrimoines de plus 100?millions d’euros. Si la plupart des PME n’arrivent pas à ce niveau, il reste cette petite musique lancinante qui voudrait que, dans la continuité de cet éventuel nouvel impôt, il faudrait taxer encore plus les entreprises. Bien au contraire, il est urgent de les aider à se moderniser. Car il ne faudrait pas résumer les PME familiales à la seule photo sépia qui voit enfants et petits-enfants à côté du fondateur, à l’entrée de l’usine. Ce cliché trop parfait ne correspond plus à la complexité et à la réalité du moment.